Pour le directeur général de la Compagnie algérienne d’assurance et de réassurance (CAAR), doyenne des compagnies d’assurance algériennes, la 33ème conférence du GAIF a permis non seulement aux assureurs arabes et mondiaux d’échanger sur les opportunités du marché de la région ainsi que sur les moyens de nature à permettre à l’industrie de l’assurance de réaliser le bond tant espéré afin de contribuer pleinement au PIB et au développement économique, mais aussi une tribune leur permettant de quêter de nouvelles perspectives et des outils à même de relever les défis de la conjoncture. Dans cette interview accordée au magazine Injazat, le DG de la CAAR, Zohir Laiche, évoque aussi les chantiers de modernisation et de développement entrepris par sa compagnie, notamment la digitalisation, dont la CAAR était, selon lui, l’une des premières compagnies à avoir négocié le virage de la numérisation.
Entretien réalisé par Hacène Nait Amara
Les travaux de la 33ème conférence de la Fédération générale arabe des assurances (GAIF) auxquels vous participez ont été riches en échanges et en débats. Selon vous, quels sont les défis auxquels sont confrontés, aujourd’hui, les acteurs algériens et arabes des assurances, dans une conjoncture changeante plaidant en faveur de la modernisation et de la digitalisation du secteur des assurances ?
La Compagnie Algérienne d’Assurance et de Réassurance « CAAR », à l’instar des autres entreprises du secteur, a pris part aux travaux de la 33ème conférence de la Fédération générale arabe des assurances (GAIF). En sa qualité de doyenne des entreprises d’assurance en Algérie, ce rendez-vous était incontournable. Nous avons ainsi saisi cette opportunité d’échanges et de concertation, pour renforcer la coopération entre les entreprises arabes spécialisées dans ce domaine afin de déterminer les voies de développement de ce secteur stratégique. En effet l’Etat lui attache une importance prépondérante et œuvre à son essor en améliorant le climat dans lequel il évolue et en rehaussant les services qu’il rend à ses clients. Aujourd’hui, il faut savoir que le taux d’intégration de l’assurance dans le produit intérieur brut arabe, ne dépasse pas le 1,5%, alors qu’il est de l’ordre de 7% au niveau mondial. C’est assez représentatif des potentialités du marché. Un travail de fond doit être planifié et accompli pour assurer le saut qualitatif espéré dans ce domaine et atteindre un taux appréciable et des plus convenables, ce qui permettra, selon les spécialistes, une relance économique, sociale, et financière de la région. Le secteur qui a été mis à l’arrêt en 2020 suite à la pandémie du COVID-19, a repris en 2021 avec la reprise graduelle des activités, et fait face à des défis majeurs. Cette crise a démontré que le citoyen arabe ne peut plus se contenter des produits d’assurance « traditionnels », et il est vital pour les entreprises d’assurance de mettre à l’épreuve leur pouvoir d’innovation et d’adaptation pour proposer des produits nouveaux et satisfaire ses attentes. Dans ce sens, le capital humain et sa formation sont les garants d’un service de qualité à la hauteur des standards mondiaux. Par ailleurs, le développement de la culture d’assurance chez le citoyen arabe exige de nous une adaptation à ses caractéristiques. La formule islamique « Takaful » est une opportunité à développer davantage car elle constitue à notre sens une réponse indiquée à la problématique culturelle et religieuse, commune dans la région. Les nouvelles technologies et la numérisation du service assurantiel sont de toute évidence le support idéal et indispensable au développement et à la modernisation du secteur. Cet outil facilitera l’amélioration des délais de transaction et permettra même d’investir de nouveaux segments et de conquérir de nouvelles parts de marché. Dans ce cadre, il faut se préparer à prendre en charge les nouveaux risques, notamment les risques cybernétiques. Ces risques sont réels et causent des dommages considérables en entreprise. Il faut anticiper en mettant en place les mécanismes nécessaires à la cyber sécurité et protection des données dans les assurances.
Quels sont les facteurs-clés de réussite de nature à aider les assureurs à relever les nouveaux défis posés par la conjoncture ?
L’élément humain est et demeure la clé de réussite de tous les objectifs. Sa formation, sa motivation et son implication doivent être la pierre angulaire de toutes les stratégies de développement. Ceci dit, il s’agit d’optimiser nos ressources en les utilisant intelligemment. L’assureur doit se concentrer sur la rapidité d’exécution et l’efficacité. En effet, la clé se trouve dans une utilisation plus pertinente des moyens et technologies, et non pas dans leur multiplication. Parmi d’autres facteurs permettant à l’activité d’assurance de se développer et de jouer son véritable rôle socioéconomique, nous pouvons citer, entre autres, la promotion de l’assurance Takaful (assurance conforme à la Charia). Les assurances alternatives représentent un véritable appui à la relance du secteur, lesquelles vont sans nul doute permettre de créer et booster la demande en la matière. Il s’agit aussi de la mise en avant du grand potentiel du marché national des assurances notamment le segment des particuliers (Ce secteur pourra apporter une contribution conséquente au PIB et participer au financement de l’économie nationale). La relance des projets d’investissement constitue également un facteur non des moindres. Enfin, les rencontres entre professionnels à l’échelle nationale et internationale, tel que le GAIF, sont des espaces d’échange d’expérience, de connaissance et d’informations, encourageant l’entraide et concrétisant un partenariat propice pour relever tous les challenges que nous affrontons aujourd’hui.
Quels sont les principaux enseignements que vous tirez de votre participation à cette conférence ?
La 33ème conférence de l’Union générale des assureurs arabes, GAIF (General Arab Insurance Federation), une rencontre d’envergure regroupant pas moins de 1300 participants venus de 41 pays, dont 20 arabes, des cinq continents. Durant une semaine, en un même lieu, cette conférence a offert la possibilité de participer activement à des initiations et perfectionnements, d’assister à des présentations de confrères du monde arabe, partageant leurs expériences et d’obtenir des réponses à des questions techniques spécifiques directement auprès des spécialistes présents. Cette multitude d’opportunités d’échanges avec d’autres intervenants est essentielle pour découvrir de nombreuses autres expériences concrètes dans la mise en place et l’exploitation des programmes d’assurance, et les bonnes pratiques dont nous pourrions nous inspirer.
Qu’en est-il des rencontres B to B que vous avez eu avec vos partenaires ?
Ces rencontres étaient très bénéfiques à plus d’un titre, d’une part, elles nous ont permis de rencontrer les différents acteurs intervenant sur le marché local et international de l’assurance. Et d’autre part, c’était une occasion de rencontrer nos réassureurs/courtiers favorisant ainsi les différents échanges professionnels, et l’exposition des problèmes rencontrés dans la gestion des risques. Ces rencontres ont également permis d’exposer les besoins de nos clients en matière de couverture, et la finalisation des dossiers sinistres à travers la fourniture de la liquidité nécessaire à l’indemnisation des sinistres de gravité exceptionnelle. Enfin, les rencontres B to B auront été une opportunité de découverte de nouveaux partenaires, et d’être d’actualité par rapport à ce qui se fait à l’international.
Quels ont été les chantiers de modernisation et de développement entrepris par votre compagnie ces dernières années ?
Notre Compagnie s’évertue et depuis sa création, à s’adapter aux changements qui interviennent dans son environnement. Des plans de développement ont été mis en marche, avec pour objectif principal l’amélioration de la qualité de nos services pour la satisfaction de nos clients. La CAAR a été l’une des premières entreprises dans le secteur à intégrer les nouvelles technologies dans sa gestion et commercialisation des produits. Nous avons ainsi lancé la souscription en ligne, et offert la possibilité d’e-paiment via le site web de la compagnie. Le paiement par carte bancaire (CIB) a également été lancé par l’entreprise qui a déployé les moyens et doté ses agences de terminaux centraux. La mise en place de plateformes numériques, destinées à l’amélioration de la prestation en assurance automobile, est une autre facette du chemin parcouru par la compagnie dans la modernisation de sa gestion, et qui est basée sur les règles de bonne gouvernance. La politique de gestion de la ressource humaine bénéficie également d’une attention particulière, mettant l’accent sur un suivi des carrières favorisant l’émergence des compétences, mais aussi sur un programme de formation répondant à des objectifs et besoins précis. Nous bâtissons une entreprise pérenne, forte de ses moyens et ressources, singulière par ses atouts et maîtrise du métier.
Sous quel prisme vous regardez désormais l’évolution du marché des assurances et quelles devront être les actions de ses acteurs afin de d’y adapter ?
Après avoir été fortement touché par la crise sanitaire en 2020, le marché national des assurances renoue avec la croissance, qui a dépassé les 4% en 2021. L’année 2020 a été difficile pour le secteur des assurances qui avait enregistré pour la première fois une baisse de 5% due essentiellement aux retombées de la crise sanitaire de la Covid-19 sur le secteur et l’économie en général mais la reprise économique enregistrée en 2021, grâce notamment à l’arrivée des vaccins contre la Covid-19, a permis au marché des assurances de renouer avec la croissance d’avant la pandémie. Le développement économique que connait le pays et les réformes entreprises par l’Etat algérien, parallèlement à l’ouverture culturelle des citoyens largement favorisée par l’explosion numérique et la pénétration sans précédent des réseaux sociaux, laisse prévoir un avenir florissant pour le secteur. Nous espérons voir la demande sur les produits s’accentuer avec la prise de conscience de leur importance. Les acteurs du marché doivent être à la hauteur de ces exigences en mettant au point des produits étudiés. La concurrence, qui est déjà accrue, sera plus rude face à des clients mieux et plus informés. L’observation de l’éthique du métier d’assureur sera indispensable pour pouvoir exercer dans les règles de l’art et que le meilleur puisse l’emporter, au grand bénéfice de la clientèle. Nous allons vers une ère nouvelle, où le produit assurantiel sera une nécessité et non plus un luxe.
L. M.