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Youcef Benmicia, PDG de la SAA et président de l’UAR et du GAIF : « Faire face aux défis de la sécurité alimentaire en Afrique »

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Le marché algérien des assurances mérite qu’on lui donne de la visibilité et le marché africain mérite d’être envisagé avec intérêt par les professionnels des assurances algériens. Cela donne toute sa raison d’être à la conférence de l’OAA qui s’est déroulé à Alger au mois de mai écoulé, sans manquer de mettre en vedette l’assurance agricole en tant qu’instrument de la sécurité alimentaire. C’est ainsi que ce grand rendez-vous panafricain est perçu par le patron de la SAA qui, outre de diriger la grande compagnie d’assurance publique, est président en exercice de la General Arab Insurance Federation – GAIF, et de l’Union Algérienne des Assureurs et Réassureurs – UAR, principale partenaire de l’OAA et organisatrice de cette 49e édition panafricaine. Youcef Benmicia, puisque de de lui qu’il s’agit, estime également que cela à été une occasion pour les cadres de la SAA, compagnie qu’il dirige, de rencontrer des assureurs du monde entier et d’échanger sur des thèmes cruciaux pour le développement des assurances en Afrique et dans notre pays, dont les produits d’assurance agricole qu’assureurs et gouvernements travaillent à rendre accessibles sur le continent africain.

Interview réalisée par Hacène Nait Amara

Vous voilà en plein cœur d’un événement continental qui trace les lignes directrices d’une stratégie de développement et de déploiement des assurances en Afrique dans le domaine de l’agriculture… Quels sont les enjeux nationaux et africains pris en charge et quelles perspectives ?

Avant tout, je me dois de rappeler que l’organisation de pareil évènement s’inscrit dans le cadre du plan d’action de l’UAR qui vise à consolider la place du marché algérien des assurances au plan international et cela en abritant chez nous des rencontres de ce genre mais aussi en encourageant la participation des cadres du secteur à divers évènements à l’étranger afin de marquer la présence et la visibilité de notre marché.

Et l’UAR a eu déjà à organiser depuis quelques années d’autres rencontres internationales dont le Congrès de l’Union Générale des Assurances Arabes (GAIF) en juin 2022 à Oran qui, d’après les échos et les témoignages, a été une réussite avec la participation de près de 1300 participants dont 800 étrangers. La tenue de la 49e conférence et AG de l’OAA à Alger a été une opportunité sans pareille dans le sens où elle a permis aux cadres algériens, et ils étaient plusieurs centaines, de rencontrer des professionnels de l’assurance et de la réassurance d’Afrique et du monde entier, de nouer des relations, de partager des expériences et de débattre avec des experts sur la manière dont l’assurance pourrait contribuer à relever les défis, notamment celui de la sécurité alimentaire.

Ce sujet constitue un véritable enjeu pour la plupart des pays africains du fait des bouleversements que traverse le monde ces derniers temps, avec les effets de la crise sanitaire, le conflits russo-ukrainien et les changements climatiques qui ont pour conséquences une hausse de l’inflation, des ruptures de la chaine d’approvisionnement des matières et des produits de premières nécessités, sans omettre les détériorations de l’environnement socioéconomique.

L’assurance, dont le rôle économique et social est crucial, peut en tant que moyen de protection et de compensation financière, apporter sa contribution face aux défis de la sécurité alimentaire en Afrique, protéger les agriculteurs contre les risques, favoriser le développement économique et promouvoir la durabilité agricole. Les perspectives sont positives grâce aux efforts des gouvernements, des institutions financières et des partenaires du développement pour faciliter l’accès aux assurances agricoles et promouvoir leur adoption à grande échelle. C’est ce qui ressort des débats et des recommandations des experts à l’issue de cette conférence.

La perspective de créer un véritable partenariat entre les assureurs africains de sorte à intégrer une bonne partie de la réassurance au sein du continent est-elle aujourd’hui une possibilité dans le cadre des débats dont cette rencontre d’Alger actualise, de manière opportune, les importants enjeux ?

Oui, la perspective de créer un véritable partenariat entre les assureurs africains et d’intégrer une bonne partie de la réassurance au sein du continent est aujourd’hui possible. Cette idée fait partie des débats actuels et des importants enjeux abordés lors de la rencontre d’Alger.

Les grands rendez-vous, comme celui que vient d’abriter Alger, sont justement des occasions propices d’organiser des rencontres avec pour objectifs de nouer ou consolider des relations d’affaires et des partenariats.

L’un des enjeux consiste en effet à faire en sorte que les capacités des assureurs et réassureurs africains soient d’abord pleinement utilisées avant de recourir au marché international.

Cette problématique a souvent fait l’objet de débat et de recommandations. Des mécanismes ont été mis en place, telle que la cession légale au profit de réassureurs régionaux, la création de pools au sein de l’OAA, le renforcement des fonds propres des sociétés d’assurance et de réassurance africaines afin de leur permettre de prendre en charge une partie des grands risques.

En encourageant les partenariats, les échanges et les supports entre les assureurs et les réassureurs africains, il sera possible de créer d’autres mécanismes plus solides et plus intégrés, favorisant ainsi le développement du secteur des assurances en Afrique.

Cependant, il est important de lever les obstacles au développement de la capacité africaine, telle que la notation, en permettant notamment une collaboration entre les régulateurs.

La sécurité alimentaire est un enjeu majeur, un enjeu d’État qui place les assureurs algériens, au même titre que leurs homologues africains, au cœur d’une stratégie qui fait de l’assurance agricole un vecteur important de cette sécurité ? Pragmatisme économique oblige, quelles sont les opportunités qui se présentent aux assureurs africains face aux menaces concrètes qui pèsent sur la sécurité alimentaire au niveau du continent ?

Effectivement, la sécurité alimentaire est un enjeu majeur en Afrique, et les assureurs algériens, tout comme leurs homologues africains, jouent un rôle central dans une stratégie visant à faire de l’assurance agricole un vecteur essentiel de cette sécurité.

Sur le plan économique, les assureurs africains ont de nombreuses opportunités à exploiter pour contribuer à la sécurité alimentaire en Afrique.

En développant des solutions et des produits adaptés, en étendant la couverture d’assurance, en collaborant avec les gouvernements et les partenaires du développement, ainsi qu’en utilisant les technologies, ils peuvent jouer un rôle essentiel dans la protection des agriculteurs, la stimulation de l’investissement agricole et la promotion de la prévention face aux risques qui pèsent sur la production agricole.

Comment les produits d’assurance peuvent-ils aider à atténuer les risques liés au changement climatique et à garantir la sécurité alimentaire ?

Les produits d’assurance peuvent jouer un rôle essentiel dans la réduction des risques liés au changement climatique et dans la garantie de la sécurité alimentaire, d’abord par la compensation des pertes de rendement agricoles. Les produits d’assurance agricole permettent le remboursement des pertes de rendement subies par les agriculteurs en cas de conditions météorologiques extrêmes. Grâce à cette compensation financière, les agriculteurs peuvent récupérer une partie de leurs pertes et maintenir leur activité agricole, ce qui contribue à préserver la sécurité alimentaire en évitant des pénuries de produits alimentaires.

En outre, par la promotion de la prévention, l’assurance agricole peut constituer une incitation à l’adoption de pratiques agricoles résilientes en conditionnant la couverture d’assurance à l’application de bonnes pratiques durables et résilientes qui contribuent à la sécurité alimentaire à long terme.

De même, l’assurance peut faciliter l’accès au crédit et stimuler les investissements agricoles, notamment dans les zones exposées aux risques climatiques. En effet, lorsqu’ils sont couverts contre les pertes financières par un contrat d’assurance, les organismes de crédits et les investisseurs se sentent sécurisés et sont plus disposés à soutenir les projets agricoles. Les produits d’assurance agricole contribuent ainsi à la sécurité alimentaire en protégeant les revenus et les exploitations agricoles face aux défis posés par le changement climatique.

 

La Société Algérienne d’Assurance – SAA est la plus grande compagnie à l’échelle nationale et l’une des plus grandes à l’échelle continentale. Qu’attendez-vous de cette rencontre panafricaine à laquelle vous prenez part aujourd’hui ? Est-il temps, selon vous, d’explorer sa vocation africaine ?

En tant que première société du marché, la SAA a participé à cette rencontre panafricaine avec la plus forte délégation, ce qui témoigne de son intérêt à marquer sa présence, nouer des liens avec les autres compagnies d’assurance et de réassurance africaines, établir des partenariats et collaborer pour relever les défis communs et saisir les opportunités émergentes sur le continent.

Je reste convaincu que cet évènement continental a été un espace propice à l’échange d’idées, d’expériences et de bonnes pratiques entre les acteurs de l’assurance en Afrique.

Cette rencontre a été une occasion importante pour la Société Algérienne d’Assurance (SAA) de mettre en valeur ses capacités et ses compétences. Etant classée parmi les grandes compagnies à l’échelle continentale, elle peut partager et faire bénéficier les autres assureurs africains de son expertise. De même, les cadres de la SAA peuvent tirer parti de cette rencontre pour apprendre des meilleures pratiques et des succès des autres compagnies d’assurance africaines.

S’agissant de l’extension de l’activité à l’international, en général la plupart des entreprises souhaitent investir à l’étranger et conquérir des parts dans des marchés porteurs. Et la SAA peut effectivement explorer sa vocation africaine en se préparant d’abord à cette éventualité, par l’étude et la mise en œuvre des préalables nécessaires à une extension des activités et par l’exploration des opportunités de croissance. En somme, par l’élaboration d’une stratégie de développement. De par la position et la dimension de notre pays, le continent africain constitue le prolongement naturel du développement des entreprises algériennes ; aussi celles qui ont les capacités et les compétences nécessaires se doivent de se préparer à conquérir des parts de marché à l’étranger, accompagner les investisseurs et contribuer à la diversification de l’économie nationale.

L’assurance automobile a représenté la part la plus importante du chiffre d’affaires des assureurs dans notre pays. Qu’en est-il aujourd’hui ? Sommes-nous dans un processus qui ménage leurs places aux autres produits d’assurance ?

Certes, l’assurance automobile a traditionnellement représenté une part importante du chiffre d’affaires du marché algérien des assurances, mais il importe de signaler que le paysage de l’assurance évolue constamment, en fonction de divers facteurs tels que la législation et le comportement des consommateurs et il y a des signes indiquant que les assureurs algériens ménagent désormais une place aux autres produits d’assurance.

Parmi les causes qui contribuent à cette évolution, tout d’abord, la prise de conscience croissante des risques auxquels sont confrontés les particuliers et les entreprises ; ce qui a conduit à une demande pour d’autres types de produits d’assurance tels que l’assurance santé, l’assurance habitation, l’assurance responsabilité civile, l’assurance voyage, etc. Cette diversification de la demande a incité les assureurs à diversifier leur offre, élargir leur gamme de produits et à accorder davantage d’attention à ces segments, notamment au regard du grand potentiel qu’ils recèlent.

En outre, les autorités ont également joué un rôle en encourageant la diversification de l’offre d’assurance. Les réglementations plus strictes en matière d’assurance obligatoire (comme l’assurance CAT-NAT et l’automobile obligatoires) ont été mises en place pour garantir une protection adéquate des citoyens et de leur patrimoine. Parallèlement, les autorités ont cherché à promouvoir d’autres produits d’assurance et à créer un environnement propice à leur développement, à l’instar des assurances de personnes et de l’assurance Takaful.

Par ailleurs, les assureurs ont compris qu’il était nécessaire de diversifier leurs revenus et réduire leur dépendance à l’assurance automobile.

La volatilité des coûts liés à l’assurance automobile, tels que les réparations et les indemnités, ainsi que l’émergence de nouveaux risques, ont incité les assureurs à diversifier leur portefeuille de produits pour répartir les risques et garantir une stabilité financière. Cela contribue à une offre plus large et plus complète d’assurances en Algérie.

En sa qualité d’opérateur économique public du secteur des assurances, pionnier et leader de son marché, la SAA intègre bien entendu les enjeux de politique publique en matière de stratégie de développement, la numérisation à marche forcée en fait partie aujourd’hui. Où en est la SAA par rapport à ce processus ?

Il est important de noter qu’à l’instar de beaucoup de compagnies d’assurance à travers le monde, la SAA a entrepris des efforts de digitalisation pour améliorer ses opérations et fournir des services plus efficaces à ses clients. Cela inclut l’automatisation des tâches et la dématérialisation de la communication en interne  via la mise en place des plateformes régionales de traitement des sinistres, l’élargissement de l’expertise à distance, l’adoption du système de gestion électronique des documents, la souscription à distance via le site web de l’entreprise ainsi que d’autres initiatives, en perspectives visant à automatiser les processus et à faciliter l’accès aux services afin de fournir la meilleure expérience client aux consommateurs d’assurances.

Actuellement, les clients et prospects de la SAA peuvent avoir accès directement au module de souscription à distance pour disposer de leurs contrats d’assurance multirisques habitation et Cat Nat avec paiement en ligne.

Dans plusieurs régions, notamment, au Grand-Sud, les expertises des sinistres automobiles se font à distance sans déplacement des experts ou des clients vers les centres d’expertise.

B. T.

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