Premier producteur de pétrole et de gaz de l’UE, le Danemark est parvenu, parallèlement à l’activité hydrocarbures, à faire figure de pionnier des énergies renouvelables, plus particulièrement de l’énergie éolienne. Son objectif est d’atteindre un mix énergétique 50/50 en 2030 et de devenir indépendant des énergies fossiles en 2050. Dans cet entretien accordé au magazine Indjazat, Mme l’Ambassadrice du Royaume du Danemark en Algérie, Vanessa Vega Saenz, revient sur cet exploit danois en matière d’énergies renouvelables (EnR) et explique les facteurs qui ont favorisé l’émergence d’une success story dans ce domaine. Pour elle, tout s’explique par cette volonté de sortir de la dépendance aux énergies fossiles, de réduire la consommation énergétique et de bâtir une économie respectueuse de l’environnement. S’agissant de la coopération que son pays entretient avec l’Algérie dans ce domaine, la diplomate danoise affirme que notre pays jouit d’un énorme potentiel énergétique vert et que l’expérience du Danemark peut lui être d’un grand soutien dans sa transition énergétique.
Entretien réalisé par Hacène Nait Amara
La journée nordique sur les solutions durables, qui s’est tenue fin novembre dernier à Alger, a donné lieu à d’importants échanges sur l’économie verte. Quel bilan faites-vous sur la portée et les résultats de cet évènement ?
Nous sommes très satisfaits de la tenue de cet évènement qui a donné lieu à une forte mobilisation. Nous avons été honorés par les mots de bienvenu et la participation de Mme la Ministre de l’Environnement et des Energies Renouvelables. Nous sommes ravis, aussi, par la participation de hauts cadres de plusieurs ministères et agences, ainsi que des représentants d’associations et du secteur privé algérien et nordique. Au total, nous avons accueilli plus de 300 participants, 22 panelistes nordiques et algériens et 30 exposants dans la salle B2B. Par ailleurs, je tiens à remercier en particulier les panelistes de l’Agence danoise d’énergie, de Novo Nordisk et d’Aller Aqua.
Il y a eu beaucoup d’échanges interactifs et passionnés lors de la Journée, qui a enregistré une importante couverture médiatique. Nous avons aussi noté un buzz sur les réseaux sociaux.
Nous avons la conviction que les échanges et contacts continueront entre les parties algériennes et nordiques, que ce soit entre les institutionnels, les entreprises ou encore le monde académique et associatif.
Le Danemark est considéré comme un pays pionnier dans les domaines de l’économie circulaire et de la transition énergétique. Pouvez-vous nous donner un aperçu sur l’expérience danoise dans ce domaine ?
La grande motivation derrière le voyage énergétique que le Danemark a commencé au début des années 1970, était de réduire nos dépendances. À l’époque, le Danemark était le pays du monde le plus dépendant des importations de produits énergétiques. Pas moins de 99% de notre consommation énergétique étaient importés. Confronté aux différentes crises pétrolières, le gouvernement danois a pris conscience de la nécessité d’entamer une planification plus durable et à long terme du secteur énergétique. Dans un premier temps, nous avons d’un côté accéléré notre propre production de pétrole et de gaz et en parallèle, nous avons commencé le développement d’énergies et solutions durables. Aujourd’hui, 40% de notre consommation énergétique est fourni par des sources vertes, notamment éolienne, et 60% par des sources fossiles. L’objectif, c’est d’atteindre un mix énergétique 50/50 en 2030, en réduisant nos émissions CO2 de 70% par rapport à 1990. Et de devenir ainsi indépendants des énergies fossiles en 2050, tout en exportant de l’énergie verte.
Par rapport au recyclage et à l’économie circulaire, 70% de nos déchets sont aujourd’hui recyclés et presque 30% sont incinérés. Les déchets incinérés génèrent de l’électricité et du chauffage.
Quant à l’économie de notre consommation d’énergie et l’amélioration de l’efficacité énergétique, le Danemark est la preuve qu’il n’y a pas de contradiction entre la croissance économique et les solutions durables : Tandis que la croissance économique entre 1980 et 2017 était plus de 90%, la consommation énergétique est restée plus ou moins la même (+4%). En même temps, les émissions CO2 ont diminué de 40% et la consommation d’eau avec environ 40%.
Quel est l’apport de l’économie verte à la croissance économique et à la création d’emplois au Danemark ?
L’économie verte au Danemark impacte la croissance et les emplois à plusieurs niveaux :
– L’export des technologies vertes connait le taux de croissance le plus rapide parmi tous les exports et représente aujourd’hui plus de 10%.
– 3% de la population active au Danemark travaillent dans le domaine de l’énergie. L’emploi dans ce secteur a augmenté quatre fois plus vite entre 2012 et 2017 que dans le secteur privé en général.
– Les énergies renouvelables sont une grande force d’impulsion pour l’innovation et la recherche. Actuellement, presque 20% des nouveaux brevets au Danemark sont dans le domaine des technologies vertes.
Quelle appréciation faites-vous sur l’évolution de l’économie verte et de la transition énergétique en Algérie ?
Premièrement, je pense que l’Algérie a un énorme potentiel dans les énergies renouvelables, que ce soit dans le solaire ou l’éolien ou encore dans d’autres domaines. Je pense qu’il y a plusieurs signaux positifs vers la transition verte. Je peux citer par exemple la sortie du premier appel d’offre dans le cadre du plan du gouvernement de 15GW d’ici 2035. Les plans de développement d’énergies vertes par de grands groupes sont, également, des indicateurs positifs d’une transition vers les énergies renouvelables. L’émergence de sociétés, grandes et moyennes, dans le domaine de la valorisation des déchets, les stratégies vertes de grandes sociétés, ainsi que les initiatives et l’activisme associatifs sont aussi à prendre en considération.
Comment le Danemark pourrait contribuer efficacement à l’accélération de la transition énergétique en Algérie ?
Le Danemark pourrait par exemple partager avec l’Algérie son expérience dans le chapitre planification et réglementation, entre autres, pour renforcer l’attractivité des investissements locaux et internationaux.
L’expérience danoise dans l’économie et l’efficacité énergétique, y compris le développement de normes et standards et de technologies concrètes, pourrait aussi être d’un grand intérêt. Le Danemark a aussi une longue expérience dans la recherche et le développement de solutions technologiques dans le solaire, l’éolien et la biomasse. À titre d’exemple, le leader mondial de fabrication de turbines éolienne est danois et a installé, à ce jour, 77.000 turbines dans plus de 80 pays pour un total de 100GW.
Finalement, la production d’hydrogène vert est une technologie en plein développement au Danemark.
Quels sont les projets et les filières de l’économie verte susceptibles de captiver réellement les entreprises danoises pour lancer des investissements en Algérie ?
Il s’agit des secteurs et sous-secteurs qui correspondent aux besoins algériens et à l’expertise danoise, en particulier l’énergie éolienne et les solutions en matière d’efficacité énergétique, entre autres dans les domaines de la construction et du transport.
H. N. A.