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Smain Amirouche, DG de l’ADE : «Passer à une distribution de l’eau au quotidien constitue notre objectif primordial»

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Le directeur général de l’Algérienne des eaux (ADE), Smain Amirouche tient à assurer le consommateur sur la qualité qu’il «irréprochable» produite et distribuée par l’Etablissement qu’il dirige. Dans cet entretien qu’il a bien voulu accordé au magazine Indjazat, Smain Amirouche revient sur les objectifs qu’il s’est assignés, avec comme point d’orgue l’amélioration constante de la gestion du service public de l’eau.

Entretien réalisé par Hacène Nait Amara

Quelle est la stratégie adoptée par l’ADE pour gagner la bataille de la distribution de la ressource hydrique et par ricochet l’amélioration du service public de l’eau ?
La stratégie de l’Algérienne des Eaux et celle mise en œuvre par le ministère des Ressources en eau (MRE) et qui repose sur cinq grands volets essentiels, mais qui ont tous pour finalité l’amélioration du service public de l’eau potable et la satisfaction du consommateur.
Le premier volet concerne la production, engagé par le secteur. Cette bataille de la production et de la mobilisation de la ressource hydrique est pratiquement gagnée, grâce à la réalisation de nombreux ouvrages de mobilisation que sont les barrages, les stations de dessalement, les forages et les grands transferts…etc.
Le second volet concerne la distribution ou bien la gestion du service public de l’eau. C’est un volet complexe, incluant des aspects techniques, commerciaux et de communication. Il implique aussi de nombreux acteurs, entreprises, administrations, collectivités locales, les usagers…etc. L’objectif majeur porte sur la régularité de la distribution de l’eau et la garantie des quantités livrées.
Le troisième volet est celui de la qualité. Sur ce terrain, l’ADE est intransigeante. Toute l’eau distribuée aussi bien par l’ADE que par ses filiales est traitée, contrôlée, pour assurer à l’abonné une eau potable conforme aux normes définies par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et par la réglementation algérienne.
Le quatrième volet est celui de la formation. L’ADE consacre deux pour cent (2%) de son budget à la formation, avec cette conviction qu’un personnel mieux formé est apte à accompagner la modernisation de l’établissement.
Le cinquième volet concerne la numérisation de l’activité et le recours de plus en plus large et fréquent aux TIC. C’est un vaste chantier, largement engagé, mais dont l’ampleur est telle qu’il demandera encore un effort de grande envergure pour faire de l’ADE un établissement moderne.
Pour améliorer la gestion de service public de l’eau, vous comptez introduire la télégestion du réseau AEP.
Pouvez-vous nous donner plus de détails sur ce projet ?
L’introduction de la télégestion fait partie intégrante de la gestion moderne des systèmes d’alimentation en eau potable. Elle a déjà été entamée, mais sa réalisation sur le terrain nécessite souvent des moyens financiers et techniques ; seuls, pour l’instant des systèmes de télé contrôle ont été mis en place.
A terme, la télégestion permettra de mieux maitriser les systèmes hydrauliques et donc mieux planifier les interventions.
La généralisation de ce mode de gestion permettra une plus grande maitrise de toutes les opérations de maintenance et d’intervention sur les réseaux et les installations.

D’aucuns estiment que l’été 2018 a été quelque peu clément pour les populations notamment celles des régions ayant l’habitude de connaitre des perturbations en matière d’alimentation en eau potable en pareille période. Quels sont les principaux projets réalisés, ainsi que les mesures prises pour permettre l’amélioration de l’AEP ?
En effet, l’été 2018 a été nettement plus clément que l’été 2017.
Cette situation est le résultat de plusieurs actions initiées et mises en œuvre par les pouvoirs publics.
En effet, la coordination entre le ministère des Ressources en eau et celui de l’Intérieur des collectivités locales et de l’aménagement du territoire a permis le lancement d’un programme d’urgence qui a touché 30 wilayas avec un financement de l’ordre de 31 milliards de dinars. La redynamisation des projets en cours a permis l’achèvement et la mise en service d’un nombre important de projets à travers toutes les wilayas.
Parmi cela on cite ceux dont l’ADE assure la maitrise d’ouvrages déléguée à savoir le transfert à partir de la station de traitement de Tilesdit vers les communes de Ouled Sidi Brahim, Ben Daoud, Herraza, El M’Hir et Mansoura, dans la wilaya de Bordj Bou- Arreridj, pour une population de plus de 124.000 habitants, qui était alimentée au rythme d’un jour sur dix, et qui passe à une desserte au quotidien. Je cite également le transfert de Ourkis, dans la wilaya d’Oum El-Bouaghi.
Ce Projet, mis en service le 31 juillet 2018, permet le renforcement de l’AEP de cinq Daïras : Oum-El-Bouaghi, Ain-Kercha, Ain M’Lila, Ain-Fekroune et Ain-Beida, soit une population totale de 450.000 habitants. Ces communes sont désormais, alimentées au quotidien après avoir connu une desserte allant de un jour sur trois à un jour sur cinq auparavant. Il y a aussi le projet de réalisation de dédoublement de la conduite Mexa-Bouteldja, dans les wilayas de Annaba et El Tarf. Ce projet permet un gain d’environ 30.000 m3/jour, à destination de Annaba et El Tarf et des communes avoisinantes à partir du barrage MEXA. Nous avons également le transfert Chott El Gharbi, qui couvre le nord de la wilaya de Nâama, et le sud de Tlemcen et Sidi Bel-Abbés. Ce projet permet le transfert de 40 millions m3/an, vers les régions de Nâama, Sidi Belabbés et Tlemcen, soit dix-huit communes pour une population totale de 170.000 habitants. Idem pour le projet Mahouane, dans la wilaya de Sétif. Il permet d’améliorer de manière significative l’aalimentation en eau Potable de la ville de Sétif et des communes situées à l’Ouest de la Wilaya à partir du Barrage de Mahouane : Ain Abessa, El Ouricia, Sétif, Ain Arnat, Mezloug, Guellal, Guedjel, Ain Oulmene, Ksar El Abtal et la localité de Mahouane. 1.100 000 habitants seront concernés par ce système à l’horizon 2040. Rajouter à cette liste le transfert Tichy-Haf. Il concerne plus de 114.000 habitants relevant de la wilaya de Sétif et 119.800 habitants relevant de la wilaya de Bordj Bou Arreridj. Je clôture la liste des réalisations par le projet de transfert Mascara – Macta (MAO), mis en service le 10 mai 2018. Il renforce l’alimentation en eau potable de Mascara et du couloir Mohammadia-Sig à partir du transfert MAO, pour les communes de Alaimia, Ras Ain Amirouche, Oggaz, Sig, Bouhenni, Sidi Abd El Moumene, Macta Douz, Mohammadia, El Ghomri, Sedjerara, et Mascara pour une population de 270.000 habitants. Ces projets ont permis l’augmentation de la production de l’ordre de 122.000 m3 /j. La grande majorité des communes concernées auront désormais une distribution d’eau quotidienne alors qu’elle était de un jour sur deux, voire un jour sur cinq et plus.

La généralisation de la télégestion permettra une plus grande maitrise de toutes les opérations de maintenance et d’intervention sur les réseaux et les installations

Quels sont les objectifs que vous vous êtes assignés pour les années à venir ?
L’objectif central de l’établissement est d’améliorer constamment le service public de l’eau potable, en utilisant au mieux les ressources et les infrastructures à notre disposition. Concrètement, cela passe par l’amélioration de tous les paramètres : production, rendement technique, facturation, recouvrement, qualité de l’eau distribuée, etc.
Un de nos grands objectifs est de passer à une distribution au quotidien dans l’ensemble des localités gérées par l’ADE, soit 969 communes, représentant une population de 25 millions d’habitants, soit 60% de la population totale du pays.
Le reste des communes sont gérées par les SPA (SEAAL, SEOR et SEACO) et les services communaux.
Le second objectif est la prise en charge des 449 communes restantes, où le système de distribution est aléatoire et nécessite une mise à niveau conséquente. Cette action demeure néanmoins tributaire des crédits disponibles car elle a un coût considérable, et le concours des autorités locales étant indispensable. Parallèlement, l’ADE devra optimiser la gestion de la ressource en luttant contre les fuites, les vols d’eau et en faisant la chasse aux mauvais payeurs.
Cette action s’accompagne également par l’amélioration des performances de l’exploitation de l’ensemble des infrastructures constituant la chaine de fourniture de l’eau, depuis le captage jusqu’au robinet, et ce, en recourant aux techniques modernes de gestion et au perfectionnement du personnel.

Que compte faire l’ADE pour faire face au phénomène du gaspillage de l’eau par les usagers ?
A l’échelle national, le taux de fuites dépasse les 30% de la production, s’ajoute à cela les piquages et raccordements illicites qui avoisinent 15 à 20%. Le ministère des Ressources en eau a adopté une stratégie qui vise à ramener le taux de fuites entre 18 et 20%, d’ici 2030 et la poursuite de l’opération d’éradication des piquages illicites.
Pour réaliser un tel objectif et s’inscrire au diapason avec les objectifs du MRE, l’ADE a engagé plusieurs actions sur le terrain dont la réhabilitation des réseaux d’AEP, en collaboration avec les DRE et les autorités locales. Parmi ces actions figure également lezonage et la sectorisation des réseaux d’AEP ; l’élimination des branchements et des piquages illicites, et de manière plus générale, le vol d’eau ; la maitrise des paramètres de comptage ; la création des brigades de surveillance des réseaux d’AEP ; l’acquisition des moyens et équipements de détection des fuites performants, comme les géo radars et les corrélateurs acoustiques ; la cartographie des réseaux et la généralisation des systèmes d’informations géographiques (SIG).

Le recours aux systèmes de télégestion.
Ce programme de réhabilitation des réseaux d’AEP qui s’appuie sur des études de diagnostic détaillé va se traduire par les résultats suivants : L’augmentation du rendement technique des réseaux d’AEP, qui doit à terme atteindre 80%, contre un peu plus de 50% actuellement, l’éradication des fuites, l’augmentation de la pression chez les abonnés, l’élimination des foyers de contamination et la normalisation et la standardisation des équipements et des branchements.
Ce programme qui a touché à ce jour une quarantaine de Chefs-lieux de wilayas doit être étendu à l’échelle nationale. Son coût avoisine, à ce jour, les 80 milliards de dinars.

L’eau est détournée à hauteur de 50% alors qu’elle est subventionnée. On en parle très peu des subventions. Qu’en est-il en vérité ?
Le prix de revient du mètre cube d’eau produit et distribué par l’ADE est de l’ordre de 50 dinars, par contre il est facturé au consommateur à un prix moyen de dix-huit dinars.
La différence était subventionnée par l’Etat jusqu’en 2014. La situation économique que connait le pays depuis cette période s’est traduite par la diminution de cette subvention. A titre indicatif, le montant de la subvention, qui était entre 2010 et 2014, de l’ordre de 10 milliards de dinars par an, a été réduite à un milliard de dinars par an pour les années suivantes.
En 2018, l’ADE, a reçu une subvention de six (06) milliards de dinars.

Vous parlez d’un programme de rénovation du réseau de transport et de distribution de l’eau. Quelle sont les villes concernées et quel est le montant consacré à cette opération ?
Ce programme entamé dans les années 2000 par des études de diagnostic détaillées et poursuivies par les travaux proprement dits est doté d’une enveloppe financière de 80 milliards de dinars. Il touche 18 agglomérations et doit être étendu à toutes les wilayates du territoire national.
Les travaux consistent en la pose de nouvelles canalisations, la réalisation de nouveaux branchements, ce qui permet la suppression des branchements illicites, la rénovation des stations de pompage, des réservoirs ainsi que de tous les ouvrages de stockage et de distribution.
Il comporte également un volet important relatif à la formation du personnel d’exploitation ainsi qu’à l’amélioration de la gestion technique et commerciale. Ce programme de réhabilitation des réseaux d’AEP atteindra un total de 1.415 kilomètres de conduites à la fin de l’année en cours, et de 985 kilomètres de conduites supplémentaires à la fin de l’année 2019. Ces travaux de réhabilitation ont été achevés dans les villes de Mascara, El Oued, Sidi Belabbés, Tizi-Ouzou, Jijel, Mila, Grarem-Gouga et Tamanrasset. Ils ont atteint un taux d’avancement de 50% pour les villes de Batna, Sétif, Béchar et Djelfa.
Pour ce qui est des villes de Chlef, Bejaia, Tiaret, Blida, Saida et Skikda, les travaux sont en cours de réalisation. Les travaux réalisés ont permis des gains appréciables en matière de quantités d’eaux distribuées et une nette amélioration des plages horaires de distribution.

A combien s’élèvent les créances de l’ADE et comment faire pour les recouvrir ?
L’ADE détient une « créance eau » de 46 milliards de dinars sur ses abonnés, toutes catégories confondues. Sur ces créances, 65% sont détenues sur les ménages et 27% sur les administrations et collectivités locales, soit un total de 92 % uniquement sur ces deux catégories de consommateurs.
Il y a lieu de préciser qu’une bonne partie de ces créances date de l’époque des ex-EPIDEMIA crées en 1987. Elles sont donc pratiquement irrécouvrables. Il n’en demeure pas moins que des actions sont menées pour améliorer la gestion clientèle, outil essentiel pour le recouvrement des créances.
Pour réussir à recouvrir ces créances, ou du moins les réduire, l’Etablissement a adopté une série d’actions à savoir : l’amélioration de l’accueil des usagers par le déploiement davantage de son réseau commercial et les aménagements nécessaires afin de disposer de structures adaptées à l’orientation et l’information des usagers. A noter que le réseau commercial est composé de 319 agences et 684 caisses les quelles s’ouvrent les samedis pour permettre aux usagers de s’acquitter de leurs factures durant le weekend. Il y a lieu également de citer le volet sensibilisation des clients à travers les médias en plus à d’autres actions
Une proposition de révision du règlement de service public de l’eau est en cours d’élaboration pour faciliter davantage les règles et procédures régissant la relation de service public de l’eau et les abonnés ;
Nous avons également mis en place des facilitations de paiement des factures d’eau par l’octroi d’échéancier de paiement aux abonnés relevant de la catégorie ménages et ayant des difficultés financières pour honorer ces factures. La diversification des modes de paiement par l’introduction du paiement par internet pour les abonnés détenteurs de la carte CIB, en sus des modes déjà existants : espèces, chèques, virements, paiement auprès des bureaux de poste. Le paiement par internet est ouvert depuis décembre 2016.

L’amélioration des délais de traitement des réclamations
Des dispositions ont été également prises en amont de la facturation afin de minimiser la réclamation, entre autres : la généralisation progressive de la relève par PDA (personnal digital assistant), qui permettra le contrôle in-situ de la qualité de la relève et réduira ainsi les risques d’erreur de transcription de l’information. Nous avons également mise en place cinq laboratoires d’étalonnage de compteurs d’eau domestiques, en 2017. Cela élargira les possibilités d’étalonnage métrologique en cas de litige entre un abonné et l’ADE et la vérification régulière, par échantillonnage, du parc compteurs. Nous sommes en train de généraliser du comptage pour résorber le forfait.

La ressource humaine constitue sans nul doute l’épine dorsale pour le développement de votre société. Que fait l’ADE pour promouvoir la formation de la ressource humaine ?
La formation constitue une des préoccupations centrales de l’Algérienne des eaux.
Indépendamment des formations dispensées dans le cadre des projets de réhabilitation de réseau et partout sur toutes les composantes des projets (cartographie, détection et réparation des fuites, gestion technique et commerciale), l’ADE a mobilisé sur ses propres ressources les frais nécessaires pour la construction d’un centre de formation aux métiers de l’eau à Chérarba, à Alger. Ce centre, qui a une capacité d’hébergement de 96 stagiaires par session, est doté des équipements pédagogiques les plus modernes.
Pour la réalisation de ce grand investissement, l’ADE a bénéficié de l’expertise, du savoir-faire technique ainsi que de l’appui financier du Royaume de Belgique, à travers la Société Wallonne Des Eaux (SWDE).Le centre de formation s’attèle à apprendre aux agents de l’ADE dans des conditions réelles, des techniques d’exploitation et de maintenance des ouvrages des systèmes d’AEP.
Les efforts de ce dernier sont appuyés par deux annexes, l’une à Tizi-Ouzou et l’autre à Constantine. Sur le plan stratégique de la formation, les actions touchent toutes les catégories et groupes de personnel, cadre, maitrise et exécution. De même qu’elle porte sur l’ensemble des processus de gestion de l’Etablissement : métiers et supports. En effet l’ADE dispose d’un catalogue de formation qui comprend plus de 108 thèmes techniques et de gestion touchant la plupart des activités de l’Etablissement. Ces thèmes sont assurés par un vivier de formateurs internes et des organismes de formation externes.
Par ailleurs, l’ADE bénéficie, dans le cadre des programmes de coopération avec des pays de l’union Européenne, d’actions de formations directes et différentes missions d’expertise, d’appui technique et de transfert de savoir-faire pour la réalisation et le déploiement d’outils de gestion modernes.Le budget consacré à la formation est de plus de cinq cent millions de dinars, soit près de 2% de la masse salariale de l’Etablissement.
H. N. A.

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