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Romain Keraval, directeur du bureau Business France en Algérie : « La vision économique est claire et les conditions d’un co-développement pérenne sont créées »

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A la mi-mars, la 14ème édition des Rencontres Algérie s’est tenue dans la capitale française Paris, réunissant de nombreux chefs d’entreprises algériens et français autour d’importants débats et échanges autour du partenariat, des opportunités d’investissements et de coopération entre les entreprises des deux pays. Romain Keraval, directeur du bureau Business France en Algérie, a bien voulu faire le bilan de ces rencontres dans cette interview accordée à Injazat. Ces rencontres ont permis, selon lui, de projeter les entreprises algériennes et françaises sur de nouvelles perspectives de coopération et de partenariat. D’importants rendez-vous d’affaires ont d’ailleurs été organisés à l’issue de cet évènement. Les prochaines rencontres auront lieu début juin, à Alger, autour de la sous-traitance et la production industrielle a annoncé le directeur du bureau de Business France-Algérie.

Par notre envoyé spécial à Paris Hacène Nait Amara

Quel premier bilan dressez-vous sur les travaux et débats de la 14ème édition des «Rencontres Algérie» organisée par Business France le 16 mars dernier à Paris ?

La 14ème édition des Rencontres Algérie a rassemblé près de 300 participants dont plus de 150 entreprises françaises et 100 entreprises algériennes. 26 sponsors et cinqpartenaires institutionnels ont soutenu l’évènement. Un record pour un seul pays ! Cette 14ème édition a mis l’accent sur le parcours de l’entrepreneur français en Algérie. Durant la matinée, les entreprises ont eu l’occasion de participer à quatre panels sectoriels animés par 17 intervenants de haut niveau et introduits par deux présentations liminaires. La première, assurée par le chef du Service économique régional a permis de mieux comprendre la trajectoire économique algérienne face aux mutations globales. La seconde, réalisée par le directeur du bureau Business France en Algérie, a introduit les secteurs porteurs. A cette occasion, les entreprises françaises, ont aussi pu découvrir le nouveau programme de co-développement permettant un accompagnement de bout-en-bout vers ce marché. Ce dernier sera déployé en trois phases : Conseil individualisé à la carte avec un Benchmark de deux ou trois pays de la zone Afrique du Nord ; la projection sur le pays retenu puis enfin, l’ancrage. L’après-midi a été dédiée aux entretiens B2B ainsi qu’à un atelier sur les partenariats dans les filières de l’agriculture et de l’élevage, en lien avec le ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté Alimentaire. De très nombreux rendez-vous ont été organisés entre les entreprises françaises et algériennes sur place, et en digital.

Le climat d’affaires en Algérie, les nouveaux dispositifs réglementaires régissant l’investissement, les dynamiques sectorielles, la logistique, la fin-tech et autres sont autant de sujets débattus lors de ces rencontres. Quelles synthèses peuvent-elles être tirées des débats et interventions qui ont été animés autour de ces thématiques?

Le partenariat renouvelé entre nos deux pays était dans l’esprit de tous les participants et constituait le fil rouge de ces rencontres. Les autorités algériennes ont par ailleurs témoigné d’orientations économiques encourageant les affaires et en particulier l’investissement, en adoptant par exemple le nouveau cadre des investissements. Il s’agit, pour les entrepreneurs, d’activer tous les leviers rendant possible la mise en œuvre de cette politique. Tel que rappelé par les représentants de BNP Paribas et le cabinet RGS lors des échanges, l’embellie financière est renforcée par une politique destinée à maîtriser la facture d’importations et par ailleurs adossée à un faible endettement externe. Côté algérien, le régime des investissements rénové garantit l’égalité de traitement et une protection décennale assurant la stabilité du régime choisi. Du côté français, la Banque publique d’investissement offre des solutions répondant aux besoins des investisseurs français, qu’il s’agisse de la garantie de projet à l’international ou de l’assurance prospection, qui permettent de diminuer les risques et de financer les courants d’affaires vers l’Algérie. Sur le plan des transports, les intervenants ont rappelé que l’Algérie était très bien desservie, et, comme l’a confirmé GLOBTRANS, qu’il fallait environ deux à trois semaines pour dédouaner les marchandises entrantes sur le territoire algérien. Depuis février, les importateurs constataient que les autorisations accordées pour la revente en l’état étaient délivrées de manière plus fluide via la plateforme dédiée. Les importations destinées à la fabrication et la transformation locale bénéficiaient désormais d’un couloir vert. Le montant des surestaries restaient encore assez élevés comparativement à d’autres pays du pourtour méditerranéen, en raison de la durée du processus de dédouanement. Dans le domaine logistique, Corsica Linea, opérateur de transport de passagers entre la France et l’Algérie, s’apprêtait à lancer un service de fret roulant qui desservira les ports de Marseille et Bejaïa, permettant aux industriels des deux hinterlands de bénéficier d’une alternative compétitive en circuits courts.

Les navires rouliers appelant à Bejaia, complèteront les flux conteneurisés des ports alentours, notamment celui d’Alger, en dynamisant les flux avec l’Europe. La Société Générale présente depuis les années 2000 a rappelé que l’Algérie était déjà une nation industrielle, et qu’il s’agissait maintenant d’accélérer ce processus en même temps que d’accroître les exportations algériennes. Un des défis restait précisément de compléter les chainons logistiques manquants entre les usines et les ports. L’Algérie était également un pays de grands projets, qui drainaient généralement les développements industriels. Pour Sanofi par exemple, engagé en Algérie depuis près de 30 ans à travers des partenariats de haut niveau impliquant la mise à disposition de solutions de santé, la prévention, la promotion de la recherche, la formation médicale et l’intégration industrielle, l’ambition est de répondre aux attentes des autorités en poursuivant des investissements structurants dédiés à la production de médicaments de dernière génération. Les témoignages d’ATOS et ALTIUS services ont confirmé que la numérisation de l’économie était une réalité et que la nouvelle génération montait vite en compétences. Le lancement de la French tech Alger, mise à l’honneur par son Président, le directeur général d’Incubme, visait à encourager les synergies entre startuppers français et algériens, et à multiplier les passerelles vers les porteurs de projets innovants algériens. Vous pouvez revoir intégralement tous les panels en accès gratuit sur youtube : Rencontres Algérie 2023.

Cette nouvelle édition des Rencontres Algérie a été notamment centrée sur la présentation et le décryptage des évolutions profondes que connaît ces deux dernières années l’économie algérienne. Que faudrait-il retenir en substance sur ces grandes mutations ?

Les enseignements des Rencontres Algérie sont riches mais s’il faut retenir deux points en priorité, je dirai en premier lieu, que les autorités ont entrepris d’ouvrir davantage le marché aux investisseurs, notamment étrangers, afin de diversifier la production nationale. En second lieu, que les partenaires algériens sérieux disposent des liquidités et s’attellent désormais à négocier des partenariats équilibrés avec les opérateurs français. En somme, la vision économique est claire et les conditions d’un co-développement pérenne sont créées. Chaque partenaire doit assumer sa part de risques sur cette nouvelle base.

Comment les chefs d’entreprises françaises que vous accompagnez appréhendent-ils désormais la nouvelle dynamique et les opportunités de partenariats et d’investissements sur le marché algérien ?

Les investisseurs ont besoin de prioriser leurs marchés et font généralement appel à Business France pour les aider à qualifier les partenaires et valider leur stratégie de développement. Les experts de Business France sont de plus en plus consultés pour apprécier la faisabilité de projets « greenfield », gages d’un regain d’intérêt progressif pour le marché algérien. Créer une nouvelle activité à l’étranger est une décision stratégique, engageante sur le long terme.

Quels sont les contraintes et les écueils qui préoccupent particulièrement aujourd’hui les hommes d’affaires français quant à la qualité du climat d’affaires en Algérie ?

Les dirigeants d’entreprises échangent beaucoup avec leurs pairs et partagent systématiquement leurs expériences du marché algérien en amont. Lorsque les projets sont freinés par des obstacles techniques, qu’ils soient réglementaires, fiscaux ou douaniers, cela altère la confiance dans le marché. On le voit bien, les opportunités existent dans tous les secteurs. Ce qui compte désormais c’est que les porteurs de projets en Algérie, qu’ils soient propriétaires ou dépositaires des technologies et du savoir-faire d’origine française, puissent opérationnaliser rapidement leurs nouvelles activités et transférer plus facilement les dividendes. Les engagements pris par les autorités dans le cadre du nouveau régime des investissements sont donc cruciaux, tant sur le plan du respect des délais que pour l’obtention d’autorisations nécessaires à l’établissement et au commerce, mais aussi plus généralement sur la stabilité du cadre d’investissement. L’avancement des 1500 projets débloqués récemment par les autorités algériennes serviront d’étalon aux observateurs, certains de ces projets impliquent d’ailleurs des partenaires étrangers.

Quels sont, selon vous, les secteurs porteurs de valeurs ajoutées qui intéressent plus les entreprises françaises pour investir en Algérie ?

Le chef du service économique régional l’a très bien souligné lors des rencontres, les échanges franco-algériens ont repris à la faveur d’un rebond de la croissance économique de près de 4,5% en 2022, dans le secteur des hydrocarbures, mais aussi, de l’agriculture, des services et de l’industrie, entre autres. L’atelier dédié à l’agriculture a permis de noter la forte appétence des industriels français qui entrevoient de réelles possibilités d’investir davantage dans l’aval agroalimentaire. De manière générale, les entreprises françaises sont aujourd’hui sensibilisées sur la nécessité de moderniser leurs moyens de production mais aussi de développer de plus en plus d’activités de maintenance, réparation et de service après-ventes afin d’intégrer de la valeur dans leurs partenariats en Algérie. De surcroît, les PME françaises ont un vrai savoir-faire dans les hautes technologies, qui seront les verticales sectorielles d’avenir. L’intégration de l’Algérie dans l’amont comme dans l’aval des chaines de valeur européennes est subordonnée à la capacité de ses opérateurs à nouer des nouveaux partenariats structurants avec les acteurs innovants français. L’Algérie peut donc aussi tirer parti de la recomposition actuelle des chaines de valeur, en investissant prioritairement dans des secteurs pour lesquels sa compétitivité est avérée. Après le succès remporté en mars par la délégation algérienne accompagnée sur le salon Global Industrie en France, Business France organisera les rencontres de la sous-traitance et de la production industrielle en collaboration avec la BASTP du 4 au 6 juin prochains à Alger. Ce sera une nouvelle étape du rapprochement entre opérateurs donnant corps au partenariat renouvelé.

H. N. A.

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