Accueil DOSSIER Rédha Khedis, DG du cabinet spécialisé dans le conseil juridique (RGS)...

Rédha Khedis, DG du cabinet spécialisé dans le conseil juridique (RGS) : « Soutenir l’attractivité du marché algérien est désormais aisé »

0

En amélioration constante au fur et à mesure de la promulgation des différentes lois qui composent l’arsenal juridique et législatif affectant l’acte d’investir et de faire des affaires en Algérie, l’environnement économique et de l’investissement dans notre pays n’a plus rien à envier à ce qui se pratique sous d’autres cieux, outre qu’il ouvre à l’investissement étranger un marché et une économie aux potentialités extraordinaires. Qu’il s’agisse du Code des investissements, qui a ouvert le bal des réformes, de la loi sur les zones franches ou de la Loi sur la monnaie et le crédit, la dynamique à laquelle on assiste est partie pour produire un effet structurant sur l’environnement économique global et sur la perception du « doing business » en Algérie. Rédha Khédis, DG de RGS, qui souligne que cette dynamique est le fait d’une volonté politique de la plus haute autorité du pays, estime qu’il est désormais aisé de plaider en faveur de l’investissement en Algérie devant les opérateurs étrangers. 

Par notre envoyé spécial à Paris Hacène Nait Amara

Comment analysez-vous l’évolution du cadre législatif relatif au droit des affaires en Algérie ?

Nous assistons, avec la promulgation de la loi n° 22/18 sur l’investissement qui a été votée en juillet 2023, à un changement de paradigme dans la perception des pouvoirs publics sur l’environnement des affaires en Algérie.  Cette loi était attendue par tous.

Pour ma part, j’ai accueilli avec beaucoup d’enthousiasme ce nouveau dispositif, et je peux vous dire, sans risque de me tromper, que c’est également le cas de l’ensemble des acteurs économiques implantés ou souhaitant investir en Algérie.

Ce nouveau code est, à mon sens, à même de donner un nouvel élan à l’économie nationale longtemps étouffée par une immobilité et une léthargie, autant incompréhensibles qu’elles étaient inquiétantes au vu des énormes potentialités que recèle notre pays.

Cette dynamique amorcée est le reflet des engagements du Président de la République. En ouvrant ce chantier dès sa prise de fonctions, il a exprimé clairement le souhait de faire entrer l’Algérie dans les chaînes de valeurs internationales en matière de développement économique, et de favoriser les investissements, notamment les Investissements Directes Étrangers (IDE), en proposant un cadre adapté aux enjeux mondiaux en la matière, faisant ainsi de l’Algérie un pays de grande attractivité pour les investissements étrangers, mais aussi nationaux.

Il est clair également que c’est un chantier prioritaire des pouvoirs publics.

Plusieurs indicateurs plaident en ce sens. Nous avons eu la bonne surprise d’avoir des textes d’application publiés très rapidement, de nouvelles lois qui viennent renforcer l’arsenal règlementaire comme la loi sur les zones franches, une loi sur la monnaie et le crédit en discussion au niveau du Parlement, la création de tribunaux  spécialisés…

Il est important aussi de souligner ici qu’avant la rédaction de la loi, les acteurs économiques et les syndicats patronaux ont été entendus dans leurs propositions. Celles-ci ont été en parti reprises par lesdits rédacteurs. Enfin, je retiens que la loi consacre trois (3) principes érigés en tant que dogmes à savoir la liberté d’entreprendre (il n’y plus d’autorisation pour investir et il n’y qu’un enregistrement – si on y est éligible). Cette loi consacre l’égalité pour tous les acteurs économiques, aucune différence entre personnes physiques ou morales qu’elles soient étrangères ou nationales, résidentes ou non-résidentes tout comme elle consacre la transparence dans le traitement et l’accès aux avantages proposés.

Vous avez pris part récemment à la 14e édition des « Rencontres Algérie » à Paris. Quel a été l’accueil réservé par les investisseurs étrangers aux dispositifs régissant ce nouveau code de l’investissement ?

Je suis effectivement intervenu sur la question de la nouvelle loi sur l’investissement à ces rencontres « Algérie » à Paris.

L’exercice qui consistait à soutenir l’attractivité de la destination Algérie a été particulièrement aisé.

J’ai beaucoup échangé avec les opérateurs économiques français ou issus de la diaspora. Je les ai sentis très réceptifs et intéressés par une aventure « Algérienne ».

Les signaux sont clairement positifs. Au-delà de l’annulation de la règle du 49/51, longtemps réclamée et attendue, et qui a déjà été en grande partie abrogée,

Au-delà des mesures incitatives, sur lesquelles je ne reviendrai pas ici, car elles correspondent, peu ou prou, à ce que l’on retrouve dans les pays attractifs en matière d’investissement, les pouvoirs publics, à travers cette loi, apportent des garanties qui sont de nature à créer un environnement économique stable et pérenne. Pour en citer quelques-unes, qui sont, à mon sens, particulièrement significatives, il y a la non-rétroactivité de la loi nouvelle pour les investissements engagés dans ce cadre, la garantie de transfert des dividendes quand on y est éligible ainsi que le fruit de la cession de l’actif, le recours à une nouvelle instance de règlement des conflits sous la tutelle de la Présidence de la République. Cela montre d’ailleurs ici tout l’intérêt des plus hautes autorités de l’État à ce que toutes les conditions soient mises en œuvre pour faciliter les investissements.

Les entreprises algériennes sont-elles aujourd’hui mieux outillées pour à la fois prévoir et savoir faire face à d’éventuels conflits ou litiges juridiques dans le cadre de leurs relations d’affaires avec des partenaires ou fournisseurs étrangers ?

Je ne sais pas si le terme « outillé » est ici adéquat. Prévoir et ou faire face à d’éventuels conflits ?

Cela est le fruit à mon sens de deux postulats.  Les clauses contractuelles rédigées et donc acceptées pour les difficultés susceptibles de survenir au cours de la relation d’affaires et il y a naturellement et principalement, les intentions des partenaires qui se sont engagés l’un auprès de l’autre. Lorsque la relation « business » est réalisée dans un esprit bienveillant et de bonne conduite on ne rencontre pas de difficultés particulières.  Au vu de mon expertise dans le règlement des conflits, je peux vous assurer que les relations d’affaires entre Algériens et partenaires étrangers se réalisent en général sans difficultés. Je peux vous assurer aussi que les opérateurs algériens sont habituellement, pour leurs fournisseurs étrangers, de bons payeurs. Lorsqu’il y a défaut de paiement, c’est qu’il y a, en général, un problème de trésorerie. Lorsque celui-ci est réglé, le paiement s’effectue.

Si le conflit persiste, c’est aux tribunaux ou aux arbitres que revient la décision de trancher.

L’Algérie dispose-t-elle aujourd’hui de juridictions suffisamment spécialisées et compétentes en matière d’arbitrage et de règlement des contentieux économiques ?

Pour qu’il y ait arbitrage, il faut au préalable que les cocontractants aient souhaité, dans une clause compromissoire, régler leurs différends par la voie de l’arbitrage. Il y a deux types d’arbitrages.

L’arbitrage ad’hoc (ce sont les parties qui créent leurs propres instances) et l’arbitrage institutionnel. Dans ce dernier cas, c’est au sein de chambres de commerces qu’ils sont conduits. En Algérie, c’est la Chambre Algérienne de Commerce et de l’Industrie qui dispose d’un centre de médiation et d’arbitrage. Je dois avouer que la CACI n’est à mon avis pas très dynamique dans ce domaine, même si elle l’est sur bien d’autres aspects. Cela est probablement dû au fait qu’elle ne soit pas sollicitée autant qu’elle pourrait l’être.

Il faut dire que le choix de l’arbitrage n’est pas un élément de notre culture du règlement des conflits. Chez nous, ce sont généralement les opérateurs institutionnels qui y ont recours. L’exemple, que l’on a tous en tête, c’est naturellement la Sonatrach.  Le règlement des contentieux obéit donc le plus souvent au droit commun en la matière à travers les instances judiciaires. Une bonne nouvelle, au début de cette année, des tribunaux de commerce ont été créés et installés. Les contentieux économiques et commerciaux ont enfin un pôle spécialisé pour régler les conflits.

Ils ont été institués sur les orientations du Président de la République, dans le cadre d’une démarche globale visant à soutenir la dynamique d’investissement et de commerce marquée par la promulgation de la loi n° 22/18. Le but est donc bien de dynamiser les échanges économiques en apportant confiance et sérénité dans le climat des affaires.

Qu’en est-il de la formation et des compétences des magistrats et juristes algériens pour faire face au règlement de litiges commerciaux ?

L’enseignement du Droit a été pendant très longtemps le « parent pauvre » du système éducatif et la formation de nos juristes s’en est particulièrement ressentie. Ce fut, selon moi, une erreur que nous payons malheureusement aujourd’hui. Cela ne veut cependant pas dire que nous n’ayons pas de bons juristes en Algérie. En ce qui concerne les magistrats, je ne fais pas partie de ceux qui incriminent leurs compétences. Les exigences pour leur recrutement sont réelles, l’accès au concours est plus sélectif. Les magistrats en exercice bénéficient de formations continues à la Cour Suprême, à la CRJJ ou au niveau de l’Ecole supérieure de la Magistrature. Je peux également vous dire qu’il y a des cycles de formation, pour les magistrats, dispensés à l’étranger et notamment en France sur des sujets très pointus. Tout cela, devant concourir à une meilleure administration de la justice.

Enfin, je peux témoigner de l’accessibilité et de la qualité de certains Présidents (es) de Tribunaux et de Cours qui sont, en toute humilité et bienveillance, à l’écoute des opérateurs économiques lorsque leurs questionnements sont légitimes et qui sont confrontés à des situations particulières. Ajoutons que dans le courant de l’année 2023, nous aurons, comme je le disais, plus haut des pôles spécialisés avec les tribunaux de commerce qui seront dédiés aux activités économiques.

Quels ajustements ou réformes restent encore à mener en Algérie en matière de droit des affaires et de mise en place d’outils juridiques efficients dans les domaines de l’arbitrage et de la gestion des litiges économiques ?   

Je serais bien prétentieux de faire quelque remarque que ce soit sur les réformes et ajustements à mener en Algérie. Il y a beaucoup d’efforts qui sont déjà fournis par l’administration judiciaire afin d’apporter ces ajustements et réformer cette grande institution régalienne.  Je vous en ai déjà énuméré quelques exemples. Ces réformes doivent apporter plus de qualité dans la gestion des litiges économiques.

Sur le plan structurel, les choses sont faites. Attendons de voir ce que ça va donner sur le plan pratique.

Sur le plan légal, si nous pouvions opérer des réformes dans les règles de procédures, elles sont parfois inefficaces et alourdissent inutilement les actions judiciaires menées. 

H. N. A.

Article précédentDigitalisation : Perspectives prometteuses pour les techs algériennes
Article suivantAli Daoudi, agroéconomiste et chercheur à l’École nationale supérieure d’agronomie : « L’agriculture nationale a réalisé des performances appréciables »

LAISSER UN COMMENTAIRE

Please enter your comment!
Please enter your name here