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Professeur Ali Daoudi, Enseignant chercheur à l’École Nationale Supérieure d’Agronomie (ENSA) : «Cette décision est provisoire et répond à une situation exceptionnelle»

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Qualifiant de pertinente et de souveraine la mesure prise par le président de la République portant sur l’interdiction des exportations alimentaires dont la matière première est importée, le Professeur Ali Daoudi, enseignant chercheur à l’École nationale supérieure d’agronomie (ENSA),  inscrit cette mesure parmi la batterie d’autres résolutions fortes à l’effet, selon lui, de protéger le marché national des contre-chocs de la crise du marché mondial des produits agricoles. Des contre-chocs nés de la hausse considérable des cours des produits agricoles en début du mois de mars 2022, sous l’effet de la guerre en Ukraine, les deux pays belligérants de cette guerre, Ukraine et Russie, étant de grands producteurs de biens agricoles et des acteurs majeurs du marché mondial des céréales (blés et maïs) et des graines oléagineuses (tournesol et soja).
Ceci dit, Daoudi pense que la liste des produits concernés par l’interdiction devrait être révisée au gré de l’évolution des paramètres qui ont conduit à la prise de cette décision qui a impacté considérablement bien d’entreprises. En plus des pertes financières directes qu’elles subiront,  à la suite de l’annulation de leurs transactions d’exportation, ces entreprises risquent de voir leur crédibilité entachées  auprès de leurs clients internationaux. D’où le plaidoyer de l’universitaire à veiller à la consolidation  de la compétitivité des entreprises algériennes, une compétitivité  forte sur le marché mondial des produits alimentaires.

Entretien réalisé par Hacène Nait Amara  

Que pensez-vous de la mesure prise par le chef de l’État portant sur l’interdiction d’exportation des produits alimentaires dont la matière première est importée ?
Avant de répondre à votre question, permettez-moi de rappeler le contexte dans lequel la décision que vous évoquez a été prise par les pouvoirs publics. Sur les marchés mondiaux, les cours des produits agricoles ont connu en début du mois de mars 2022, sous l’effet de la guerre en Ukraine, une hausse considérable. Les deux pays concernés par la guerre, Ukraine et Russie, sont de grands producteurs de biens agricoles et des acteurs majeurs du marché mondial des céréales (blés et maïs) et des graines oléagineuses (tournesol et soja). Au-delà de la hausse des prix, cette crise fait planer le doute sur la disponibilité de ces produits sur le marché mondial, provoquant une incertitude difficile à gérer pour les pays importateurs.
Devant une telle incertitude, l’État algérien a pris des mesures provisoires fortes pour protéger le marché national des contre-chocs de la crise du marché mondial des produits agricoles. L’interdiction des exportations alimentaires dont la matière première est importée fait partie de ces mesures. A ce titre, cette décision souveraine est pertinente. L’Algérie étant un grand importateur de céréales (blés et maïs) et de graines oléagineuses, il est normal que l’État interdise provisoirement la réexportation des produits alimentaires fabriquées à partir de ces matières premières agricoles importées dont les prix sont en forte augmentation à l’international. L’objectif étant de préserver les stocks du pays en ces produits.

Répond-elle à une contrainte conjoncturelle ou est-elle appelée à s’inscrire dans la durée ?
Il est clair que cette décision est provisoire et répond à une situation exceptionnelle. L’Algérie ambitionne de développer ses exportations hors hydrocarbures et l’industrie agroalimentaire et l’un des secteurs qui a du potentiel dans ce domaine. Il serait donc malvenu d’inscrire cette interdiction dans la durée.
La levée de cette décision devrait intervenir dès le retour à un fonctionnement normal du marché mondial des produits agricoles, notamment la baisse des prix et leur stabilité. Je voudrais à ce sujet souligner le risque d’exacerbation future des crises sur ces marchés. Au-delà des crises géopolitiques imprévisibles, ces marchés mondiaux seront de plus en plus déstabilisés par la variabilité de l’offre et ce principalement sous l’effet du changement climatique. Il est donc nécessaire que l’Algérie renforce ses capacités de stockage de produits agricoles de base et ce afin de consolider sa résilience aux fluctuations du marché mondial.

Cette mesure a-t-elle provoqué des désagréments ?
Certainement, cette mesure est susceptible de provoquer des désagréments pour les exportateurs, et ce à double titre. Il y a d’abord les pertes financières directes que ces entreprises vont subir à la suite de l’annulation de leurs transactions d’exportation. Aussi, et plus important encore, ces entreprises exportatrices risquent de voir affectée leur crédibilité auprès de leurs clients internationaux. Cet effet sur l’image des entreprises mérite, de mon point de vue, d’être pris en considération par les pouvoirs publics. Les transactions d’exportation déjà engagées auraient pu être autorisées à aller jusqu’au bout.  La compétition sur le marché mondial des produits alimentaires est forte, l’État devrait donc veiller à consolider la compétitivité des entreprises algériennes.

Est-elle susceptible d’être élargie à d’autres produits ?
La liste des produits concernés par l’interdiction devrait être révisée en fonction de l’évolution des paramètres qui ont conduit à la prise de cette décision. Des indicateurs actuels du marché mondial, je pense qu’il est possible de réviser la liste à la baisse. Le sucre raffiné est par exemple un produit dont l’exportation peut être autorisé de nouveau, son prix sur le marché mondial n’a pas augmenté et rien n’indique que la tendance va s’inverse.
Il est donc utile pour l’économie nationale de ne pas laisser durer cette décision conjoncturelle et ce afin d’éviter de décourager les entreprises qui ont consenties beaucoup d’efforts pour construire leur capacité d’exportation.
H. N. A.

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