Dans cette interview, que la directrice générale de la SATIM, Newel Benkritly, a bien voulu nous accorder, à la veille de la tenue des jeux méditerranéens d’Oran 2022, il est question, certes, des avancées en matières du e-paiement en Algérie ainsi que des projets actuels et futurs de la SATIM, mais surtout de la préparation des jeux méditerranéen, un évènement majeur qu’abritera la ville d’Oran et pour lequel les acteurs du secteur bancaire et financier ont été mis à contribution pour sa réussite. La SATIM en est un. Newel Benkritly parle carrément d’une opération minutieusement menée avec les banques, le GIE monétique ainsi que la SATIM pour équiper la ville d’Oran ainsi que l’ensemble des infrastructures hôtelières et sportives de moyens de paiement et de retrait moderne National et International au profit des participants à ces jeux ainsi qu’à leurs accompagnateurs et aux visiteurs. Ce pourquoi la DG de la SATIM pense dur comme fer que l’opération sur Oran pourrait être un tremplin vers la généralisation des moyens de paiement digitaux à l’ensemble des villes du pays.
Interview réalisée par Hacène Nait Amara
Peut-on connaitre les derniers chiffres relatifs au déploiement des DAB et des TPE à l’échelle nationale ?
En termes chiffrés, nous enregistrons le déploiement de 3191 DAB (distributeurs automatiques de billets) jusqu’au mois d’avril de l’année en cours sur lesquels nous avons recensé un total de 87.722.789 de transactions durant l’exercice 2021 pour un montant global de 1 728 937 064 000 de dinars, soit un peu plus de 1728 milliards de dinars sur l’année. L’actuel exercice s’annonce prometteur puisque de janvier à avril 2022 seulement, nous avons enregistré 37.908.277 transactions électroniques sur les distributeurs de billets pour un montant global de 712.502.658.500 de dinars, soit un peu plus de 712 milliards de dinars. S’agissant des transactions effectuées sur les TPE (terminaux de paiement électronique), nous avons enregistré 2.150.529 opérations en 2021 pour un montant de 15 113 249 499,92 dinars. Sur les quatre premiers mois de 2022, soit de janvier à avril, nous avons enregistré 869.107 transactions pour un montant de 6 625 752 145, 52 dinars. En matière de e-paiement, 184 Web marchands sont, aujourd’hui, adhérents au système de paiement sur internet par carte interbancaire. A ce jour le nombre global des transactions, depuis le lancement du paiement sur internet, est de 15 473 672.
Qu’en est-il des magasins en ligne reliés à la plateforme monétaire. Leur nombre est-il en évolution ?
La répartition de l’activité e-paiement en 2022 montre en effet que les chiffres évoluent en constante augmentation, puisque nous sommes passés en janvier 2022 de 625 626 transactions tous secteurs confondus (Télécom, Transport, Assurances, Electricité et gaz, services administratifs, prestataires de services et vente de biens) d’un montant de 1 118 251 079,58 dinars à 707 302 transactions au mois d’avril pour un montant global de 1 406 518 438,82 dinars.
Suite au lancement de l’interopérabilité de paiement électronique, comment prévoyez-vous l’évolution des opérations de paiement durant les mois à venir ?
L’ouverture à l’interopérabilité des transactions DAB et TPE en janvier 2020 a entrainé une évolution annuelle de plus de 100% du nombre de retrait et de 200% de paiement sur TPE. L’ouverture à l’interopérabilité des transactions e-paiement a généré une croissance annuelle de 60% des transactions. L’activité continuera d’évoluer durant les prochaines années de façon très significative jusqu’à atteindre sa maturité dans les 03 ou 04 prochaines années, aidée en cela par l’ouverture de nouveaux services de paiement en ligne et l’extension du réseau d’acceptation TPE. Il s’agit, entre autres exemples, du paiement des loyers/ventes AADL, de l’achat des tickets de stade grâce à la plateforme du ministère de la Jeunesse et des Sports, de l’achat de e-ticket (bus, metro, tramway) à l’échelle nationale par le ministère des Transport ainsi que du paiement sur le site web de l’aéroport d’Alger et le paiement sur la plateforme APCS de la marine marchande et des ports.
Avec l’augmentation de la demande sur les cartes bancaires, comment arrive-t-on à assurer leur disponibilité, alors que le marché mondial connait depuis un certain temps une pénurie de semi-conducteurs ?
Les banques ont pris leurs précautions au courant de l’année 2021 et ont commandé un stock de cartes qui est actuellement au niveau des banques et de la SATIM, lesquelles cartes sont destinées à couvrir les besoins de 2022. Nous anticipons également les besoins pour 2023 avec le lancement d’un avis d’appel d’offres pour le compte des banques afin de pouvoir alimenter ces établissements en cartes bancaires. Nous allons subir au même titre que les autres pays des délais qui vont s’étendre entre 3 et 6 mois, en fonction de notre capacité à traiter les appels d’offres. Nous avons communiqués nos prévisions aux fournisseurs potentiels de cartes ainsi que nos spécifications qui sont celles de GIE Monétiques pour les nouvelles cartes. Dans le cadre de ces nouvelles spécifications, Le GIE Monétique a agréé trois nouveaux fournisseurs internationaux de cartes. Ces fournisseurs étant connus, nous leur avons communiqué nos prévisions d’acquisitions de cartes pour les prochains mois, voire les deux prochaines années, ce qui a permis à ces fabricants de prévoir leurs commandes de semi-conducteurs. Il n’empêche que les délais sont longs. Nous sommes aujourd’hui en train de passer les appels d’offres nécessaires pour que les banques s’équipent en cartes bancaires suffisamment à l’avance et pouvoir assurer ainsi la continuité entre la fin des stocks et les prochains arrivages. Il se pourrait qu’il y ait des banques qui se retrouvent en rupture des stocks parce qu’elles ont, soit sous-estimé leurs besoins ou bien elles les ont communiqués un peu en retard. Mais, l’un dans l’autre, les précautions ont été prises pour passer les commandes suffisamment à l’avance afin de répondre aux besoins des clients.
A quoi est due cette pénurie de semi-conducteurs qui met les fournisseurs de cartes dans l’embarras ?
Cette pénurie est une crise mondiale. Elle est liée en partie aux évènements qui prévalent dans certaines régions dont les pays sont producteurs de semi-conducteurs et, de l’autre, à des migrations successives qu’ont fait d’autres pays vers de nouveaux produits, fruits de l’avènement de nouvelles technologies et de nouveaux besoins. La crise pandémique a été d’un grand impact aussi puisque dans les pays fabricants de semi-conducteurs, il y a eu des usines qui étaient à l’arrêt ainsi que les gisements d’où est extrait le minerai qui sert de matière première à la production de semi-conducteurs. Il en a résulté plusieurs mois d’arrêt de la production, ce qui a ralenti le processus de fabrication, alors les commandes se sont accumulées. Les pays en voie de développement souffrent et subissent ces retards d’approvisionnement en semi-conducteur, puisque les commandes des pays les plus industrialisées sont structurées et exercent un certain pouvoir sur les fabricants de ce composant. Il faut savoir que les cartes (CIB) représentent une infime portion du besoin en semi-conducteurs. Toute la haute technologie se base aujourd’hui sur ces matériaux. Cela signifie que la consommation est énorme et les pays qui produisent les semi-conducteurs sont submergés par les commandes.
Dans le cadre de la tenue des Jeux méditerranéens, à Oran, le mois prochain, quelles ont été les mesures prises pour faciliter aux délégations participantes à cet évènement les opérations de paiement électronique ?
Le secteur bancaire, dans sa différente composante, à savoir l’association des banques et des établissements financiers, le GIE Monétique, les banques et Satim s’y sont pris à l’avance et se sont rapprochés des organisateurs des jeux méditerranéens, du ministère de la Jeunesse et des sports ainsi que de celui de l’Intérieur pour travailler ensemble et préparer l’environnement du paiement électronique au niveau d’Oran à l’occasion de la tenue des Jeux Méditerranéens. Nous avons travaillé en fait sur deux volets, à savoir la présence des moyens de paiement électroniques et de retrait du dinar à partir de cartes internationales ( Visa et Master card) ainsi que sur le déploiement des moyens de paiement en cartes locales, en l’occurrence EDahabia et CIB. Nous avons travaillé avec les organisateurs de sorte à équiper, d’abord, le village olympique où un espace y réservé aux banques, dotés de distributeurs automatiques et de TPE qui permettent l’acceptation de cartes internationales (Visa et Mastercard) et les cartes CIB et EDAHABIA. La deuxième démarche que nous avons développée consiste à équiper et/ou à renforcer les moyens qui existaient déjà au niveau des hôtels et des agences bancaires de la ville d’Oran et du complexe touristique des Andalouses avec des distributeurs automatique acceptant la carte de paiement électronique internationale ainsi que les deux cartes locales EDahabia et CIB. Nous avons visité la quarantaine d’hôtels où seront logés les délégations qui participent au JM d’Oran et nous avons veillé à ce que ces structures soient équipées et renforcées en DAB acceptant les cartes nationales et internationales, mais aussi à ce que la circulation au niveau de ces zones de paiement soit fluide. Nous avons fait en sorte également à ce que les TPE au niveau des commerces, des restaurants et des artisans soient réactivés pour ceux qui ne l’étaient pas et faire doter d’autres commerçants avec de type de moyen de paiement électronique. C’est une opération qui a été menée avec différents secteurs, supervisée par les autorités à travers des comités de pilotage qui veillent sur l’avancement des travaux et la préparation de l’environnement, dans lesquels siègent les banques, l’Abef, le GIE Monétique et la SATIM. Nous avons bien évidemment impliqué les prestataires de services étant donné la nécessité d’une présence au niveau d’Oran tout au long des jeux afin d’assurer le service après-vente, l’assistance nécessaire ainsi que les réparations si besoin il y a. Une cellule opérationnelle sera ainsi présente sur place durant les JM. Il s’agit pour nous, par-dessus tout, d’un moyen de sensibiliser et de communiquer davantage sur l’utilisation et la facilitation que peut apporter l’utilisation de la carte de paiement électronique. C’est très important qu’Oran devienne la ville modèle pour le déploiement des moyens de paiements digitaux. Parallèlement à cela, nous avons travaillé avec le ministère de la Jeunesse et des sports qui a mis en place un système de vente de billets électroniques pour l’accès aux stades à travers une plateforme web en y intégrant le mode de paiement électronique. Le ministère a été ainsi certifié et ses services sont d’ores et déjà entrés dans la phase de vente de billets. C’est une opération très importante à plus d’un titre. Parce qu’il s’agit, d’abord, d’un pilote à taille réelle avec beaucoup de médiatisation et dont l’ambition étant de généraliser cette opération sur l’ensemble des rencontre de première et de deuxième division en Algérie. Nous allons lancer la première opération de vente électronique de tickets à l’occasion du match de l’équipe nationale qui se déroulera début juin.
Comptez-vous laisser les équipements déployés à Oran à la fin des jeux méditerranéens ?
Comme je l’ai expliqué, tous les DAB et les TPE qui déployés par les banques au niveau des commerces ainsi que ceux installés au niveau des hôtels seront maintenus car il s’agit d’un besoin permanent, mais les équipements installés temporairement au niveau des villages olympiques seront récupérés et placés ailleurs en fonction des demandes et des besoins. Nous avons également prévu des camions mobiles équipés de DAB et qui seront parqués, l’un au niveau du stade d’Oran et l’autre au sein du complexe des Andalouses. Ces véhicules seront à l’avenir déplacés en fonction des besoins et des évènements.
Quels sont les nouveaux produits et services lancés que compte lancer la SATIM prochainement ?
Outres les nouvelles spécifications des cartes qui ont été mises en place par le GIE Monétique, nous avons travaillé avec cet organisme ainsi qu’avec l’ensemble des banques pour le lancement du paiement sans contact. Nous sommes en phase pilote ; nous avons déployé avec l’ensemble de l’écosystème une centaine de cartes sans contact sur des commerçants pilotes et nous sommes actuellement en train d’évaluer sur le terrain ce produit, lequel va être généralisé sur les nouvelles cartes que nous allons émettre. Celles-ci nous permettront d’effectuer des paiements sur les TPE pour des montants inférieurs à 1500 dinars sans contact. C’est un nouveau produit que nous allons lancer qui va permettre de fluidifier les transactions notamment de petits montants. Il y a aussi tout un travail qui est en train de se faire avec le ministère des Transports pour développer le e-paiement (paiement par internet) sur les plateformes ETUS des différentes wilaya. Le projet étant de mettre en place une plateforme de paiement en ligne de tickets de bus et de payer à travers les cartes CIB et Edahabia. Un projet pilote a été lancé à Tiaret où le modèle de paiement est en train d’être développé et intégré sur cette plateforme. La certification de cette plateforme est une question de jours et ce même modèle sera dupliqué au niveau des autres wilayas. Il concernera aussi bien les tickets de bus que ceux du métro et du tramway. L’autre projet que nous allons démarré est l’intégration de l’aéroport sur le paiement en ligne. La Société de Gestion des Services et Infrastructures Aéroportuaires d’Alger (SGSIA) a émis le souhait de digitaliser le paiement des cahiers des charges mais aussi les abonnements aux parkings. Le port d’Alger souhaite également développer le paiement en ligne pour les différentes prestations de services qu’il assure et pour ce faire nous avons d’ores et déjà entamé des réunions de travail avec nos partenaires pour pouvoir développer ces nouveaux produits. SATIM a un fort programme de développement des moyens de paiement modernes. Nous avons des projets intra-bancaires qu’on souhaite ouvrir à l’interbancaire et nous sommes à cet effet dans l’attente des autorisations de la banque d’Algérie pour pouvoir le faire. SATIM travaille avec le GIE Monétique et les banques pour pouvoir sortir au minimum un nouveau produit par an.
Parallèlement à tous les efforts déployés par la SATIM pour permettre au e-paiement d’être généralisé sur le terrain, le consommateur est confronté quelques fois à des situations de pannes ou d’état de maintenance des DAB. Ces situations à répétition, de surcroit pénalisantes, sont dues à quels facteurs selon vous ?
La maintenance des DAB est une situation tout à fait normale. La durée ne l’est pas cependant. Le taux de disponibilité des DAB est variable d’une banque à une autre et lié également à l’organisation du service après-vente qui est sur place, mais aussi au modèle des DAB installé. Il y a un parc de DAB qui est vieillissant et sujet à plus de pannes, ce qui fait que le taux de disponibilité des DAB qui avoisine les 60 à 70%, alors que le taux de disponibilité sur les nouveaux parcs avoisine les 90 à 93%. Le taux de disponibilité du parc au niveau d’Oran est actuellement de 93%, ce qui est satisfaisant par rapport à la norme internationale. Il faut une veille permanente pour garder ces DAB en état de marche. Or, nous disposons pas d’autres prestataires qui font la maintenance et le service après vente sur les DAB, outre ceux qui les commercialisent. Ce pourquoi les délais d’intervention sont quelques fois longs mais les nouveaux contrats conclus par les banques avec les sociétés en charge du service après vente tendent à être plus sévère en raison des exigences posées en matière de fonctionnement des DAB, ce qui fait que le taux de disponibilité s’est nettement amélioré.
H. N. A.