S’il y a un dossier qui marque l’actualité économique, ça serait bien celui des exportations. Il ne s’agit pas de restreindre le débat à la seule polémique née du refoulement des produits algériens depuis quatre pays étrangers. Dans le fond, c’est tout le processus qui est soumis à l’examen des pouvoirs publics, experts du domaine et opérateurs au commerce extérieur à l’appel. Le rendez-vous a été pris fin juin écoulé, à l’hôtel El Aurassi, à Alger. Sur le menu, la problématique de la logistique dans l’exportation. Repérée dans le lot, puis rencontrée en marge de cette journée organisée par le FCE en collaboration avec le ministère des Travaux publics et des Transports, Nawel Zitouni, représentante de la compagnie espagnole de fret routier «Acciona Logistica», a abordé, dans l’entretien qui suit, la mission, les objectifs ainsi que les avantages de la société pour les exportateurs algériens. Au-delà de l’objectif pécunier, le propre de toute société qui se respecte, «Acciona Logistica» se distingue du fait de se consacrer exclusivement à l’accompagnement, la promotion et l’exportation des produits algériens, qui ont de la côte en Europe.
Entretien réalisé Par Hacène Nait Amara
Acciona Logistica est une société de logistique et de fret. Vous êtes sa représentante commerciale à l’international. Pourriez-vous nous parler en quoi consiste-t-elle et quelles sont ses missions commerciales ?
Nous sommes Acciona Logistica, une société de logistique basée en Espagne, qui est spécialisée dans le transport routier. La compagnie est propriété du groupe maritime Armas qui dispose de 36 navires ferries. Une partie de cette flotte est opérationnelle au niveau des ports de Ghazaouet (Tlemcen) et d’Oran, où nous avons trois lignes régulières, assurées chaque semaine. Deux concernent Almeria-Oran et la troisième relie Almeria à Ghazaouet. Toutefois, et si besoin est, ces lignes pourraient être renforcées. Autrement dit, créer d’autres dessertes suivant les exigences des clients parmi les opérateurs algériens de l’import/export. C’est selon, aussi, la volonté des passagers puisque nous sommes également une compagnie qui compte des bateaux ferries. En perspective, nous envisageons d’ouvrir deux nouvelles lignes depuis Alicante vers les ports d’Alger et d’Oran. Car, nous avons constaté, par le biais d’opérateurs de Oued Souf et de Biskra, que le prix de fret revient beaucoup plus chers de sortir par Oran ou Ghazaouet que par Alger.
Justement, seriez-vous en mesure de répondre aux attentes de l’exportateur algérien ?
Bien sur ! Notre compagnie est disposée à accompagner l’exportateur local. Voire même, travailler limite à perte durant les premiers temps jusqu’à ce que les clients arrivent. Toutefois, cela est tributaire de l’autorisation des autorités algériennes auprès desquelles nous avons lancé la procédure et formulé une demande, depuis 2012 déjà. Aussi, faut-il préciser qu’Acciona Logistica est pionnière dans le domaine de la logistique. Elle compte une flotte extrêmement importante constituée de remorques-frigorifiques. Elle intervient dans les opérations d’importation, dont les viandes, les plants et les arbres fruitiers. Mais surtout, elle assure l’exportation de tous les produits agroalimentaires algériens. Sur ce terrain, il faut savoir que nous appuyons énormément les exportateurs algériens du domaine à travers une offre de Frets bonifiés. Plus que ça, ces services reviennent encore moins chers s’ils ont les 50% algériens.
Etes-vous présents dans d’autres pays ? Si oui, pourquoi dès lors cet intérêt particulier au marché algérien ?
Oui, nous sommes présents dans d’autres pays, tels les Îles Canaries où nous sommes leader, les Îles Baléares, Santa Amalia et le Maroc. Aujourd’hui, nous essayons de faire reproduire en Algérie le travail que nous menons depuis des années au Maroc, où nous faisons sortir à l’exportation entre 60 à 80 camions/semaine. En tout cas, nous espérons bien atteindre cet objectif en Algérie, pour peu qu’il y’ait un flux de descente et de remontée des remorques. C’est là un souci. Parmi d’autres, il y a aussi les ports qui sont beaucoup plus chers- à l’exception de Ghazaouet où les prix sont abordables- que ce qui se fait ailleurs. En Europe, par exemple, on peut avoir une différence de prix allant jusqu’à 5% au maximum, mais pas de l’ordre de 400%, ce qui est énorme.
Et, sur quels avantages attractifs s’appuyez-vous pour attirer des partenaires algériens ?
En Algérie, il convient de souligner nous exportons déjà des produits agroalimentaires, maraichers surtout. L’avantage de notre logistique routière c’est que la marchandise rentre par l’Espagne et arrive dans toute l’Europe. Nous citons l’exemple du melon de Biskra produit par le groupe Tahraoui, l’un des plus importants et sérieux exportateurs algériens que je recommande. Notre remorque provient de l’Espagne et elle est désinfectée une fois arrivée en Algérie. Sur place, c’est le client lui-même qui charge sa marchandise et procède à l’opération phytosanitaire avant que la remorque ne soit acheminée au port d’Oran. C’est la même remorque qui est livrée à Barcelone pour arriver au client final. Il faut préciser que nous nous occupons de la remorque. Ce qui voudrait dire un raccourci sur le coût au profit de notre client. Sachez que, dans un bateau le prix se paie en mètre linéaire. Maintenant, si le client veut que nous lui ajoutons une tête de tracteur, il est appelé à en payer le prix. Pour revenir au label algérien, c’est avec fierté que nous prenons en charge son exportation. Saviez-vous qu’on nous demande de mettre le drapeau algérien sur le produit exporté ? Nous le faisons avec fierté car il n y’a pas plus belle chose que cela. L’exemple vient des produits du groupe Tahraoui. Ils sont correctement conditionnés, calibrés, nettoyés, vérifiés et analysés avant d’être exportés.
Vous aviez dus être interpellés par l’affaire de refoulement de produits agricoles algériens depuis quatre pays étrangers. Ne craignez-vous pas un risque sur l’image de marque du produit algérien ?
Ecoutez, avant de me prononcer, je voudrais bien avoir les documents à l’appui des accusations sur les produits refoulés ! Par contre, en tant que logisticienne, j’avais déjà assisté à certains cas en l’espèce. Mais, ils n’ont rien à avoir avec les pesticides ou de quoi que ce soit. C’était une affaire d’exportation de l’orange dont l’opérateur algérien, par méconnaissance, a exporté son produit avec sa feuille, pour dire qu’il est frais. Et là, c’est une erreur ! Du coup, le produit est bloqué. Pour cause, le pays de destination vous demandent d’effectuer un phytosanitaire à postériori alors que les autorités algériennes vous diront qu’elles n’ont pas à accomplir la procédure sur un produit déjà sorti. Et comme il s’agit d’un produit frais, il pourrait se détériorer le temps de tenter le résoudre le problème une fois arrivé à destination. Par défaut, la marchandise sera détruite ou à moitié dévalorisée de son prix réel. Dans ce cas, en plus, il s’agit d’un produit solide. Qu’en-est-il de la courgette, de la fève ou de la tomate? Ce sont des produits qui ne résistent pas. Nous, nous avons eu un problème avec le melon qui avait accusé un retard de deux jours. Le produit était arrivé trop mûre alors qu’il était soumis à une température dirigée. Or, les températures sont observées de façon stricte.
La question est d’autant sensible qu’elle est au cœur du débat en Algérie. Les pouvoir publics, les experts et les exportateurs planchent sur le sujet. On montre du doigt la chaine logistique. Votre société maitrise-t-elle le processus ?
La maitrise des techniques de conditionnement dans le Fret est notre domaine. C’est ce que nous faisons réellement. Je vous donne des exemples. Sachez que toute la banane des Îles Canaries c’est nous qui l’a ramenons en Europe. Au Maroc, tous les 60 à 80 camions que nous acheminons concernent les produits maraichers. Dans ce pays, nous travaillons avec des compagnies importantes et sérieuses. Sur ce registre, il faut savoir que notre société œuvre à un transfert gratuit du savoir-faire. Ceci pour les exportations. Quant aux importations, saviez-vous que les plants fruitiers destinés à Boufarik et Boumerdès, pour ne citer que cet exemple, passent par le port de Ghazaouet ? Et si la marchandise rentre encore par Alger, les coûts seront davantage réduits. Le tout au profit du consommateur algérien. Concrètement, c’est comme passer de 200 DA le kilo de la nectarine à seulement 90 DA. Et puis, après demain, on pourrait exporter 80% de la production. En tout cas, notre seule exigence, si encore elle en est une, c’est celle nous permettre d’être plus présents en Algérie.
Passons les soucis de la logistique. Est ce qu’il vous est arrivé de tomber sur des produits algériens exportés sous le label d’autres pays ?
En Espagne, nous avons le problème de la patate algérienne qui est nationalisée. Je profite de la tribune qui m’est offerte pour conseiller à l’exportateur algérien de ne pas accepter de faire sortir ce produit et qu’il le laisse aux autres pour le conditionner. D’autant plus que, la patate algérienne est extraordinaire. En cause, c’est le producteur qui souffre durant toute la saison de production, autant donc en confier cette tâche qui reste la plus facile. Imaginez, à Oud Souf, les gens parlent d’un kilo de patate cédé entre 5 et 10 DA. Vous pensez que celui qui l’a faite sortir l’a vendue à ce prix ? Il l’aurait au moins vendue à 20 DA alors qu’elle arrive en Espagne avec un prix équivalent à 140 DA. C’est pour vous dire que les produits algériens sont présents depuis longtemps en Europe. Il suffit juste de les identifier et les promouvoir. Ceci voudrait dire que le potentiel du pays à l’export est important. Et puis, il n y’a pas que les produits maraichers et agroalimentaires. Vous avez aussi les produits électroménagers de Bordj Bou Arreridj où le groupe Condor dispose de produits extraordinaires…
Dans votre stratégie, contenteriez-vous d’attendre venir le client, ou aviez-vous une approche offensive proprement dite ?
Si nous sommes ici, c’est pour accompagner l’exportateur local. Pour répondre à votre question, sachez que nous restons à l’affut des opérateurs algériens. A Oued Souf, un fleuron des produits agricoles, nous avons organisé une rencontre avec monsieur le wali qui nous a très bien accueillis. Il était question de parler des prévisions à l’exportation. Il est vrai, des choses ont été prévues concernant l’option d’une plate-forme aérienne dédiée à l’exportation. Cependant, il faut savoir que ce moyen a des limites. Car, un avion ne peut supporter une cargaison au-delà de 20 tonnes alors que le fret coûte 80 ou 100 DA le kilo. Ceci, alors qu’un kilo de tomate se vend à 20 DA. C’est pour vous dire qu’il y’a des produits qu’on ne peut exporter par avion. Ça doit passer par route, il n y’a pas un autre moyen. Et, à ce titre, en ce qui concerne notre compagnie, le client a le droit et le pouvoir de suivre sa remorque, même sa température, en temps réel.
Pour finir, pourriez-vous nous citez des pays vers lesquels vous avez acheminé des produits algériens ?
Je pourrais vous citer l’Espagne, le France, le Portugal et l’Angleterre comme pays qui apprécient les produits algériens. D’autre part, au volet promotion dont se charge une de nos compagnies, nous avons la Suisse et la Suède qui sont destinataires de produits spécifiques. Théoriquement, nous allons devenir partenaires avec un fournisseur du groupe Macdonald en tomate ronde algérienne. C’est un produit du groupe Tahraoui qui se trouve très juteux et le mieux adapté à la préparation des hamburgers. Par contre, pour accéder à d’autres marchés, il faudrait qu’il y’ait les normes de certification en Algérie. Pour le reste, le potentiel existe. Prenez l’exemple du maraichage, il peut être exporté en entier. Vous avez les fruits à noyau (pêche, nectarine, abricot…) Sans oublier la cerise. Sa production était de très bonne qualité cette année. Elle aurait pu faire ravage en Europe. Vous comprendriez enfin, et par là, que nous sommes une compagnie exclusivement dédiée à la promotion des produits algériens.
H. N. A.