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Mohamed Sakhr Harami, P-DG du Groupe Manadjim El-Djazair (Manal) : « Exploiter l’ensemble du potentiel minier que recèle le pays »

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Dans cette interview, que le P-DG du Groupe Manadjim El-Djazair (MANAL) a bien voulu nous accorder, il est question d’abord de parler d’un Groupe qui commence à émerger dans le panorama économique du pays en tant que Groupe stratégique qui devrait contribuer pleinement à la diversification de l’économie nationale et des ressources en devises et de l’affranchir ainsi de la dépendance aux hydrocarbures. Mohamed Sakhr Harami évoque également dans cet entretien les trois ambitions essentielles de son entreprise, à savoir l’arrêt des importations des substances dont les ressources existent en Algérie, l’exportation de l’excédent de la production et l’amélioration de la part du secteur minier dans le PIB national. Il est question également, dans cette interview, de détailler les quatre projets structurants du secteur, à savoir les projets de Fer de Gara Djebilet, de phosphate intégré, de zinc et plomb de Béjaia et celui de l’exploitation artisanale de l’or.

Interview réalisée par Hacène Nait Amara

Pouvez-vous nous donner un petit aperçu sur le Groupe Manadjim el-Djazair et ses filiales ?
Le Groupe Manadjim El-Djazair est un Groupe industriel minier qui regroupe dix filiales et qui emploie environ 10.000 travailleurs. Nous sommes présents dans diverses activités minières, à savoir, l’exploration et l’exploitation de plusieurs substances minérales. Nous sommes donc aussi bien dans l’amont minier, à savoir la recherche et l’étude qui sont assurées par la filiale ORGM. Cette filiale dispose d’un laboratoire minier ; le premier à être accrédité en Algérie. Ce laboratoire dispose d’importants moyens humains et matériels nécessaires à l’élaboration d’études de faisabilité pour des projets miniers. Le laboratoire permet, d’un côté, aux entreprises du Groupe de réaliser des plans de recherche pour le développement de leurs carrières et mines afin de reconstituer les réserves et pérenniser les unités de production. D’un autre côté, il permet d’assurer les prestations d’explorations et d’analyses à l’ensemble des opérateurs dans le secteur des Mines. L’ORGM est en train d’assurer, actuellement, la réalisation d’un programme très ambitieux de la recherche minière initié par le Ministère de l’Energie et des Mines. Nous sommes actuellement à 26 projets de recherche avec un budget de 4,9 milliards de dinars, étalés sur trois années, à savoir 2021-2022-2023. Ce programme va permettre d’identifier et de démystifier les ressources existantes de plusieurs substances. Ce travail nous permettra de disposer d’une cartographie des substances et de définir les réserves qui existent dans pratiquement 35 wilayas. La finalité étant de mettre à disposition de nos entreprises et des investisseurs privés des informations leur permettant d’investir dans l’exploitation de ces ressources. Pour le reste de nos entreprises, nous sommes également dans l’exploitation et le développement du phosphate, du fer, du sel, du marbre, de l’or et de plusieurs substances non ferreuses qui sont –jusqu’ici- importées pour une bonne partie et qui servent de matières premières pour plusieurs industries.

Le gouvernement a pris option en faveur du développement du secteur minier, considéré comme stratégique car pouvant contribuer grandement à la diversification de l’économie nationale et des ressources en devises. Quels sont les pistes sur lesquelles vous travaillez actuellement dans le cadre de cette stratégie de développement du secteur minier ?
Il est vrai que ce secteur n’a eu la position qui lui revient dans l’économie nationale que ces dernières années. Or, c’est un secteur à haute valeur ajoutée et créateurs de richesses et d’emplois dont il s’agit. Notre vision émane, d’abord, de la stratégie qui a été adoptée par le gouvernement et de la feuille de route qui a été décidée par le ministère de l’Energie et des Mines. La première phase de cette feuille de route porte sur la nécessité de pallier toute importation de produits miniers lorsque ces ressources existent en Algérie. Pour ce faire, nous avons agi, d’abord, sur les niveaux de production de nos filiales pour permettre de satisfaire le besoin national. Cela contribue à équilibrer la balance des paiements en permettant au pays d’économiser d’importantes ressources en devises, dédiées jusqu’ici à couvrir les importations, mais aussi à diversifier les ressources en devises en orientant l’excédent de la production vers l’exportation. Nous avons consentis pour cela d’importants investissements. La pandémie nous a montré que lorsque nous ne disposons pas localement de la matière première nécessaire au fonctionnement de notre industrie, nous sommes dépendants de plusieurs facteurs exogènes qui peuvent impacter directement la rentabilité et la vie des projets ainsi que le coût de la production. Ce pourquoi il est impératif de développer davantage la production et rentabiliser les gisements actuellement en exploitation. Pour cela, il faudrait s’ouvrir au monde et aller chercher les meilleures technologies nécessaires à l’optimisation de notre production et s’orienter vers l’arrêt des importations des produits dont la ressource existe en Algérie. Pour la deuxième phase, qui suppose un développement plus important du secteur, elle consiste à exploiter l’ensemble du potentiel minier que recèle le pays. Le projet de recherche qu’a lancé le Ministère de l’Energie et des Mines commence à nous donner une définition et des indices sur les substances qui existent en Algérie et pour lesquels nous allons lancer des programmes d’exploitation. Le but étant de permettre aux industries de disposer de matières premières localement et de dégager des quantités à l’exportation. Cela contribuera à créer une chaine de valeurs, à encourager les investissements dans les industries de transformation et de rassurer les opérateurs, par la même, quant à la disponibilité des intrants sur le marché local.

Assurément, il existe d’énormes opportunités d’investissement dans le domaine minier en Algérie. Comment faut-il, selon vous, encourager l’investisseur étranger dans la partie aval de ce secteur pour aller au-delà de l’exploration et de l’exploitation des gisements ?
La question est pertinente ! Nous voulons que l’investissement passe du régime carrières au régime mines. Le régime carrières porte, essentiellement, sur tout ce qui est agrégats et sables et occupe une part prépondérante dans la structure des investissements, étant donné que dans la partie mine, le cycle du retour sur investissement est plutôt long. La rareté, actuellement, de plusieurs substances à travers le monde fait que notre pays est devenu attractif de par les réserves importantes dont il recèle. Pour l’exploitation et le développement de ces gisements, il faudrait désormais avoir un dispositif réglementaire et administratif attractif, simplifié et stable permettant aux investisseurs de s’implanter en Algérie et aux entreprises nationales de conclure des partenariats.

La contribution du secteur minier au Produit intérieur brut (PIB) demeure faible. Comment comptez-vous améliorer cette part, sachant que le domaine minier national recèle d’importantes richesses et des gisements déclarés prometteurs ?
Pour avoir une réelle contribution dans le PIB et dans l’économie nationale de manière globale, il faudrait que le niveau de production du secteur minier soit important. Or, le secteur manque actuellement de l’adhésion des entreprises privées dans son amont comme dans son aval. Le ministère de l’Energie et des Mines a proposé des amendements à la loi minière qui est actuellement en cours d’examen. Je pense que ces amendements vont participer énormément à motiver les opérateurs privés et étrangers à venir investir dans ce secteur. Cela permettra au secteur d’augmenter sa production et sa part réelle dans le PIB et de participer par-dessus tout à la diversification de l’économie nationale.

Disposez-vous d’un inventaire des trésors minéraux, gîtes et gisements miniers algériens et quelles seraient leurs promesses en matière de réserves et de production ?
Pour les gisements en exploitation, nous disposons d’études sur les réserves géologiques exploitables. Cependant, il y a un travail qui se fait actuellement pour développer davantage la recherche minière. L’un des projets de recherche dont je vous ai parlé est assuré par l’ASGA (Agence du Service Géologique de l’Algérie). Il consiste à faire l’inventaire des ressources minérales au moyen d’images aériennes. C’est un travail d’envergure qui se fera sur des surfaces importantes dont l’objectif est de mettre à jour la cartographie géologique de l’Algérie. Et c’est à partir de là qu’on puisse identifier et évaluer nos ressources minières en Algérie. Ce projet devra être lancé dans les mois à venir.

Ces réserves dont dispose l’Algérie pourraient faire passer le pays du statut d’importateur à celui d’exportateur. Est-ce que, justement, c’est l’une des ambitions auxquelles vous aspirez au niveau de Manadjim El-Djazair ?
Bien évidemment ! Nous avons dimensionné l’ensemble de nos projets de développement pour, justement, atteindre cet objectif. Il faudra, d’abord, satisfaire le besoin national, réaliser toute la chaine de valeur localement et, ensuite, mettre l’excédent sur le marché international.

Il y a quelques jours, les groupes algériens ASMIDAL (filiale de Sonatrach) et MANAL d’une part, et les sociétés chinoises WUHUAN et TIAN’AN d’autre part, ont signé un Pacte d’Actionnaires pour la création d’une société pour entamer les activités préliminaires relatives au développement du Projet Phosphates Intégré (PPI). Pouvez-vous nous détailler ce projet et les objectifs qui lui sont assignés ?
Le projet du phosphate intégré (PPI) est l’un des plus importants projets industriels que va réaliser notre pays. Ce projet vise à transformer le phosphate algérien localement et éviter de l’exporter à l’avenir à l’état brut. L’important gisement de Bled El-Hadba, qui recèle des réserves estimées à 02 milliards de tonnes de phosphate, permettra de transformer localement le minerai en engrais et satisfaire la demande domestique en la matière est faire de l’Algérie un des plus grands exportateurs mondiaux d’engrais. Comme son nom l’indique, il s’agit d’un projet intégré et structurant qui permettra aux quatre wilayas de Tébessa, de Souk Ahras, de Skikda et d’Annaba de connaitre un développement important, de créer dans sa phase construction environ 12000 emplois et de plus de 6000 emplois directs, dans la phase exploitation. La production de ce projet s’élèvera à près de 6 millions de tonnes par an et la réalisation de plusieurs complexes industriels et d’installations autour des sites miniers ainsi qu’au niveau du port d’Annaba.

Quelles sont les missions que se colle votre Groupe dans le cadre de ce projet ?
Nous interviendrons sur la partie amont du projet qui fait le cœur de notre métier, à savoir l’exploitation et le traitement du phosphate au niveau du gisement et du site de Bled Al-Hadba. La filiale Somiphos du Groupe, qui exploite actuellement la mine de Djebel El-Onk et qui a réalisé l’année dernière près de 2 millions de tonnes de production et de commercialisation –une première depuis l’indépendance- devrait mettre à profit son expérience en la matière, d’autant plus que la mine de Bled Al-Hadba n’est pas loin du celle de Djebel El-Onk.

L’Algérie entend exploiter son important gisement de plomb-Zinc situé à Amizour, dans la région de Béjaia. Avez-vous des estimations du potentiel minier que recèle ce gisement ?
Les études de faisabilité du projet ont été réalisées et approuvées. Les estimations des réserves sur le gisement d’Amizour et de Tala Hamza tournent autour de 34 millions de tonnes, une des plus importantes réserves mondiales. Le projet qui sera réalisé sur place va permettre à la société de produire environ 170.000 tonnes par an et de créer près de 700 emplois directs. Un problème d’ordre juridique s’est posé au niveau de la société mixte constituée d’un partenaire australien et de deux filiales de Manadjim El-Djazair, à savoir ENOF et ORGM. Le partenaire étranger détenait 65% des actions de la société et le restant des actions revenaient aux partenaires algériens. Après plusieurs mois de négociation nous avons pu récupérer 16% des actions des 65% détenus jusqu’ici par le partenaire australien, ce qui fait désormais de la partie algérienne le partenaire majoritaire dans la société mixte. Nous avons également récupéré un siège, portant à trois sur les cinq composant le Conseil d’administration. Nous avons pu ainsi récupérer la présidence du CA et de se conformer à la réglementation. Le règlement de cette contrainte juridique va nous permettre d’accélérer la réalisation de ce projet structurant tant attendu. Il fait partie des quatre projets structurants du secteur, à savoir le Gara Djebilet, le projet du phosphate intégré et le projet d’exploitation artisanale de l’or. Ce dernier consiste en la création de micros-entreprises, au nombre de 220 jusqu’ici, établies dans les wilayas de Djanet et de Tamanrasset, qui disposent de périmètres pour l’exploitation de manière artisanale des périmètres d’or de la région. Nous avons ensuite créé des comptoirs de réception et d’achat de ce minerai. Cette opération va permettre la création de centaines, voire de milliers d’emplois dans les régions sud.

Quelle est la contribution et l’expertise que devrait apporter le partenaire étranger sur le projet d’exploitation du gisement de zinc d’Amizour ?
Il s’agit d’un projet très complexe de par la géologie du gisement, faut-il le reconnaitre. C’est un gisement qui doit être exploité en sous-terrain et cette exploitation sous-terraine demande une maitrise et une technologie spécifiques. Nous avons un des meilleurs technologues au monde comme partenaires sur ce projet. Ce qui est donc attendu de nos partenaires étrangers est l’expertise et le savoir-faire dans l’exploitation sous-terraine de cette substance. Nous nous sommes mis d’accord sur un plan d’algérianisation progressive des postes afin de permettre le transfert de technologie à travers des programmes de formation au profit des cadres algériens. Nous avons suggéré au partenaire australien d’investir dans une deuxième usine de Zinc en Algérie après une première sise à Ghazaouat, dont l’objectif est de transformer les excédents de production localement. L’idée consiste à satisfaire totalement la demande locale et d’acheminer les excédents à destination des marchés internationaux en réalisant une véritable chaine de valeurs.
H. N. A.

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