Le ministre de l’Energie et des Mines, Mohamed Arkab, souligne dans cet entretien qu’il a bien voulu accorder au magazine Indjazat l’importance des réformes engagés par son département en vue de redynamiser le secteur minier algérien. Il y évoque l’ensemble des mesures prévues dans le cadre d’un Plan d’actions s’étalant sur quatre années, avec comme objectif de permettre au secteur une participation substantielle à la diversification de l’économie nationale et une contribution effective à sa croissance. Le défi en vaut la peine, d’autant que le potentiel minier que recèle l’Algérie est d’une dimension exceptionnelle pouvant faire l’objet d’importants projets d’investissements nationaux et étrangers. Suivez-le…
Entretien réalisé par Hacène Nait Amara
L’Algérie misait sur le développement du secteur des mines à l’effet d’accélérer la diversification de son économie. Peut-on avoir d’abord un aperçu de ce que représente le potentiel minier national?
L’analyse des différents environnements géologiques et structuraux a abouti à la mise en évidence d’un potentiel minier important et diversifié, constitué de plusieurs gisements, gîtes et indices de substances minérales diverses et variées. Il s’agit notamment en ce qui concerne les minerais métalliques, d’or, d’argent, de métaux de base (zinc, plomb, cuivre), d’uranium, d’étain, de tungstène, de fer, de manganèse, de molybdène et de métaux rares, comme le wolfram, l’étain, le tantale, le niobium et le béryllium, mais aussi des terres rares dont le yttrium, le scandium et le cérium. Quant aux minéraux industriels, on peut citer le phosphate, la bentonite, la baryte, la fluorine, le Célestine, le kaolin, le feldspath, le carbonate de calcium, la dolomie, le soufre natif, ou encore la diatomite, la magnésite, le gypse, les sables siliceux et les sels. Dans les matériaux de construction et roches décoratives, nos sols regorgent de sables, de grés, de calcaire, de granite et de marbres. Les pierres précieuses et semi-précieuses sont représentées notamment par le diamant, la topaze et le béryl. Parmi les éléments du groupe platine (PGE) on peut trouver le platine, le palladium, l’iridium, le ruthénium, le rhodium et l’osmium. Les autres ressources en sous-produits sont représentées par l’lithium, le cobalt, l’indium, le germanium et le gallium. Cependant, l’utilisation des techniques et méthodes modernes telles que les nouvelles approches typologiques et métallogéniques, en plus de l’imagerie, de l’aérogéophysiques et les supports analytiques, s’avèrent indispensables pour confirmer et/ou découvrir de nouveaux gîtes et gisements.
Votre département a lancé un Plan d’actions 2020-2024 pour permettre au secteur des mines de contribuer davantage au développement de l’économie nationale. En quoi consiste ce Plan ?
L’Algérie ambitionne de développer son secteur minier national pour accélérer le processus visant la diversification de son économie centrée essentiellement sur l’industrie pétrolière et gazière. La contribution de l’industrie minière dans l’économie algérienne reste modeste, malgré l’important potentiel minéral dont elle dispose et qui est faiblement exploré et peu valorisé. Pour remédier à cette situation, un Plan d’actions (2020-2024) a été lancé, afin de permettre au secteur une contribution plus substantielle dans la croissance nationale et la création d’emplois, particulièrement dans les zones déshéritées et éloignées.
Les actions lancées visent la mise en place de toutes les conditions pour assurer l’attractivité du secteur et l’encouragement de l’investissement à travers notamment la refonte du cadre législatif et réglementaire régissant les activités minières, la mise à disposition des investisseurs des informations de qualité relatives à la cartographie géologique et l’inventaire minéral pour stimuler l’exploration minière, mais également à travers l’intensification de l’effort de recherche minière par la participation active des investisseurs privés, nationaux et étrangers.
Cela doit passer également par la promotion de la petite et moyenne exploitation minière et l’exploitation minière artisanale, le développement de grands projets industriels visant la valorisation des importantes ressources minières locale à l’instar des projets de transformation industrielle des phosphates et la valorisation du gisement de fer de Gara Djebilet pour assurer l’approvisionnement et le développement de la sidérurgie nationale, sans oublier le développement du projet de Zinc-Plomb d’Oued Amizour (Bejaia). Aussi, il est primordial de développer le partenariat pour attirer les capitaux nécessaires et obtenir les technologies et les techniques de recherche, d’exploitation et de transformation des substances minérales.
En matière de formation, de spécialisation, de perfectionnement et de recyclage, il faudrait assurer le développement de la ressource humaine par la prise en charge des besoins urgents. Ce programme axe, entre autres, sur une amélioration «substantielle» du climat des affaires, le développement stratégique des filières industrielles et des mines, la rationalisation des importations et la promotion des exportations.
Ce plan d’action est conçu parallèlement à une réadaptation règlementaire des textes de loi régissant le secteur. Peut-on en connaitre sa substance ?
La révision de la loi régissant les activités minières vise à assurer l’attractivité du secteur minier national qui doit évoluer dans un environnement mondial fortement compétitif. Les principales dispositions du projet de la nouvelle loi minière, traitent entre autres de la simplification des procédures d’octroi des titres, de permis et des autorisations minières, tout en encourageant l’investissement privé, national et étranger, et assurant les principes d’attractivité, de transparence et d’équité. Le projet de cette nouvelle loi vise également l’encouragement du développement de l’infrastructure géologique du pays qui servira de base pour la promotion de la recherche géologique et minière, notamment les substances minérales stratégiques et critiques, mais aussi la promotion de nouvelles mines de substances minérales métalliques, industrielles et des métaux précieux et semi-précieux.
Des dizaines de projets miniers ont été identifiés depuis plusieurs années, mais leur lancement n’a pas vu le jour. Quelles en sont les raisons selon vous ?
La valorisation des projets miniers nécessite une longue période de maturation, entre 10 à 20 ans, allant des premières prospections, à l’exploration préliminaire, puis détaillée des cibles identifiées, leur étude de faisabilité économique, leur développement en vue de leur exploitation. Les aspects liés à la protection de l’environnement doivent être étudiés en détail avant le lancement de tout projet minier. La réalisation de projets d’infrastructures connexes nécessaires pour accompagner les projets miniers mobilise beaucoup de ressources financières, humaines et techniques. Le coût élevé que requiert la réalisation des projets miniers, ainsi que la nature du gisement lui-même, nécessitent un développement avec des partenaires potentiels disposant de capacités techniques et financières.
Comment votre département compte-t-il attirer les investissements à l’effet de dynamiser le secteur des mines algérien ?
L’attractivité des pays est aujourd’hui une composante importante de la politique économique. Elle est au centre des politiques de promotion et de développement. La promotion de l’investissement minier nécessite la mise en place de toutes les conditions favorables pour attirer les entreprises algériennes et étrangères, particulièrement vers la phase de l’exploration minière. La révision du cadre législatif régissant le secteur minier vise, en premier lieu, à assurer cette attractivité à travers la facilitation des procédures d’octroi des permis miniers, et ce, afin de pallier à certaines contraintes entravant l’investissement dans ce secteur aussi important que stratégique pour le pays. Ce travail vise également l’élimination des entraves bureaucratiques et la réduction des délais de traitement des dossiers de demande de permis miniers. En effet, un dossier traité hors délai peut rendre caduque un investissement, ou priver l’investisseur des bénéfices directs et indirects attendus.
Aussi, l’Algérie a toujours proposé des formules de partenariat pour l’investissement étranger, associées à des mesures incitatives, aussi bien dans le cadre de l’exploration que dans celui de l’exploitation minière.
Par ailleurs, l’Algérie a constamment marqué sa présence aux évènements et rencontres organisées par les différentes institutions et organismes internationaux, à l’exemple de l’ONU et l’UA, à travers une participation efficace de ces représentants et experts pour développer et faire connaitre le secteur minier algérien.
Où en est le projet d’exploitation du gisement de fer de Gara Djebilet avec le consortium chinois CMH ?
L’objectif recherché en décidant le développement du gisement de minerai de fer de Gara Djebilet, dans la wilaya de Tindouf, est d’alimenter, en priorité, en minerai de fer, les usines sidérurgiques nationales. La capacité nationale de production d’acier liquide devrait ainsi atteindre les 12 millions de tonnes environ, à l’horizon 2025, et d’en exporter l’excédent. En date du 30 mars 2021, un mémorandum d’entente (MoU) a été signé entre l’entreprise publique FERAAL Spa et le consortium Chinois CMH, selon la règle 51/49%, soit 51% pour l’Algérie et 49% pour la partie chinoise. La réalisation du projet est prévue sur trois phases principales. La première concerne la construction d’installations pilotes en Algérie, la confirmation des procédés et l’élaboration des études de faisabilité bancables.
La deuxième phase concerne la construction et l’exploitation des premières installations industrielles, d’une capacité de l’ordre de 4 millions de tonnes par an de Pellet Feed utilisable dans les installations de réduction directe au gaz naturel ou dans les hauts fourneaux et poudre de fer PDRI substituable à la ferraille, utilisable directement dans les aciéries électriques.
La troisième phase est consacrée à la construction et l’exploitation à grande échelle du gisement de gara Djebilet avec, à terme, une capacité d’extraction annuelle de 50 millions de tonnes de minerai de fer. Les deux types de produits identifiés peuvent être commercialisés à l’échelle locale et à l’étranger.
Quelles sont les infrastructures et installations nécessaires à l’exploitation, à grande échelle, de la mine de Gara Djebilet ?
Pour atteindre le niveau de production attendu, soit 50 millions de tonnes/an, le site de Gara Djebilet doit être doté de toutes les infrastructures et installations nécessaires comme l’eau, le gaz, l’électricité, les voies ferrées, les routes, etc. Par conséquent, des études préliminaires concernant les infrastructures nécessaires pour le transport de charges importantes (chemins de fer et ports) ont été élaborées. La réalisation de ces installations nécessite un apport financier estimé entre 1 milliard et 1,5 milliard de dollars par an, sur une période allant de 8 à 10 ans.
Comment se présente, aujourd’hui, la situation des entreprises publiques évoluant sous la coupe du groupe MANAL ? Certaines d’entre elles souffriraient de difficultés financières, dit-on.
Le groupe MANAL est spécialisé dans la recherche, l’exploration, le développement et l’exploitation du domaine minier et la commercialisation des produits miniers. Il se compose de 10 sociétés détenues à 100%.
Même si certaines filiales connaissent des difficultés financières, à l’instar de l’ENOR et l’ENAMARBRE, la situation du groupe demeure viable et bénéficiaire. Cependant, des plans de redressement adéquats ont été mis en place par le Groupe MANAL pour remédier aux situations évoquées.
Quels sont, à ce jour, les résultats de l’ouverture de l’exploitation des gisements aurifères de Djanet et de Tamanrasset au profit des jeunes ? Va-t-on à l’avenir vers des exploitations industrielles ?
L’état a autorisé l’exploitation artisanale, par les jeunes, des filons aurifères non exploitables industriellement. Ces jeunes ont ainsi l’opportunité d’exercer une activité vitale, dans un cadre organisé, réglementé et transparent, permettant de contribuer à la création de richesse, l’absorption du chômage dans le sud du pays et la préservation des richesses nationales importantes du pillage et de l’orpaillage illicite. La production des micro-entreprises est vendue à l’Entreprise d’Exploitation des Mines d’Or « ENOR-Spa », filiale du Groupe MANAL. L’ENOR a mis en place des comptoirs de l’or pour recevoir la production des micro-entreprises, à Tamanrasset et à Djanet. Par ailleurs, lors de la dernière session d’adjudication, qui a eu lieu le 20 avril 2022, six (06) sites pour exploration ont été octroyés à Tamanrasset et Tindouf par l’ANAM, dont 4 pour l’or, 1 pour le cuivre et l’or et 1 pour le molybdène et l’or.
Quel a été l’impact de la pandémie liée à la Covid-19 sur l’activité minière en Algérie ?
A l’instar des autres secteurs et domaines d’activités devant contribuer au développement socioéconomique des pays et faire l’objet d’instrument de croissance, la réalisation des objectifs fixés pour le développement de l’industrie minière de l’Algérie a été évidemment impactée par la pandémie mondiale de COVID-19 qui a connu un ralentissement dans la mise en œuvre des actions projetées, mais sans toutefois provoquer l’arrêt total de l’activité minière. Cette dernière a réussi à développer une résilience précoce aux difficultés générés par la pandémie, et ce, grâce aux mesures prises par le gouvernement dès le début de la crise. En réalité, l’activité minière en Algérie s’est poursuivie régulièrement grâce aux efforts déployés par les sociétés minières et l’appui du gouvernement à travers la mise en œuvre de plusieurs mesures de soutien et d’appui.
H. N. A.