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Mariano Simon Padros, ambassadeur de la République d’Argentine à Alger : « Au niveau régional, l’Algérie est incontestablement un acteur majeur »

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L’ambassadeur de la République d’Argentine, Mariano Simon Padros, a bien voulu nous recevoir dans les locaux de son ambassade à Alger. Ce fut un échange passionnant sur les relations politiques et économique qu’entretiennent l’Algérie et l’Argentine depuis 1964. Depuis, les deux pays n’ont ménagé aucun effort pour l’intensification des échanges et le développement de la coopération pour l’élargir à plusieurs domaines, dont l’agriculture plus particulièrement, la santé, la culture, l’économie et l’enseignement supérieur.

Interview réalisée par Hacène Nait Amara 

L’Algérie et l’Argentine entretiennent depuis une longue date une relation de confiance et de respect mutuel. Quel regard portez-vous sur les relations bilatérales entre les deux pays ?

Nos relations bilatérales évoluent sur la bonne voie, et cela depuis le début de notre histoire commune. L’Argentine a immédiatement reconnu la souveraineté de l’Algérie et nous avons établi des relations diplomatiques en 1964. Depuis, la relation s’est caractérisée par une coopération dans les domaines politique, économique et commerciale. À l’international, nous partageons avec l’Algérie des valeurs communes relatives à la promotion de la paix mondiale, la liberté des peuples, la décolonisation et la défense de la démocratie. C’est vrai que la distance géographique fait que parfois les voyages et les échanges entre nos deux pays se font moins fréquents, par rapport aux liens existant entre l’Algérie et d’autres pays moins lointains. Nous espérons qu’après deux années de pandémie et grâce à l’enthousiasme généré par la reprise du trafic aérien, il sera possible de promouvoir davantage d’activités. Nous espérons renouveler notre volonté commune d’approfondir la relation bilatérale à l’occasion de la prochaine réunion de consultations politiques,  prévue à Alger fin novembre.

L’Agriculture reste le point fort de cette coopération bilatérale, ce qui signifie que beaucoup reste à faire dans les autres secteurs d’activité. Selon vous, quels sont les leviers sur lesquels peuvent compter les deux pays pour accélérer les échanges et la coopération dans le domaine économique ?

En matière de coopération économique et commerciale, les échanges sont considérables. L’Argentine est un partenaire fiable et important, faisant partie des dix principaux fournisseurs de l’Algérie et ce, depuis de nombreuse années déjà. En 2021 l’Argentine a exporté pour 1 milliard 654 millions de dollars vers l’Algérie. La majeure partie de ces exportations sont des produits alimentaires ou de la matière première destinée à l’industrie agroalimentaire, tels que le maïs, les tourteaux de soja, la poudre de lait, l’huile alimentaire, les légumes secs et les arachides. Pour sa part, l’Algérie exporte vers  l’Argentine de l’urée, les dattes ainsi que du ciment blanc. L’objectif de l’Argentine est d´élargir son offre à des produits avec une plus grande valeur ajoutée. Par exemple dans le domaine pharmaceutique, qui voit la présence de laboratoires argentins intéressés non seulement à fournir à l’Algérie des médicaments à prix compétitifs mais aussi, dans un second temps, de produire en Algérie. Certains de ces projets se trouvent à une étape assez avancée. Dans ce sens, il y a un dialogue fluide entre l’ANPP et son homologue argentin l’ANMAT, afin d’avancer dans un schéma de collaboration pour faciliter les relations commerciales dans le secteur, en particulier pour l’échange de pratiques et d’expériences entre les deux organisations. Par ailleurs, il existe une forte coopération entre les deux pays dans le domaine nucléaire. Il y a lieu de signaler qu’INVAP, société argentine spécialisée dans le nucléaire, le spatial et les énergies alternatives, a construit dans les années 80 un réacteur nucléaire au niveau de Draria qui est toujours en activité. Je voudrais aussi signaler qu’en 2003, dans le cadre de la commission mixte, un comité scientifique et technique a été créé. En octobre 2021, la cinquième et dernière réunion dudit comité, tenu par visio-conférence, a permis d’identifier des domaines potentiels de coopération en matière de sécurité alimentaire, santé, transition énergétique, numérisation, médecine légale et mobilité des chercheurs.

L’Argentine a une grande expérience dans le domaine agricole, alors que l’Algérie tente de répondre aux défis de la sécurité alimentaire afin de se prémunir des chocs des marchés extérieurs et rétablir durablement ses comptes extérieurs, n’est-ce pas que le secteur offre une opportunité de taille aux deux pays pour renforcer leur coopération ?

Dans le domaine agricole, l’expérience et le savoir-faire argentin ne sont pas à prouver. Nonobstant, l’Argentine ne se contente pas de fournir ses partenaires, mais elle vise à les assister et accompagner dans le développement de leur agriculture. L’Institut National de Recherche Agronomique d’Algérie(INRAA)  et son homologue argentin, l’Institut National de la Technologie Agricole (INTA) viennent de signer la rénovationd’une convention interinstitutionnelle. Les perspectives sont encourageantes: de l’insémination artificielle des bovins et caprins à la production laitière et de viande, les domaines d’intérêt possibles sont très divers.

L’exploitation minière a été l’un des secteurs à la croissance la plus rapide en Argentine ces dernières années, votre pays est-il intéressé pas l’investissement dans le secteur minier algérien qui recèle un important potentiel et auquel le gouvernement accorde une priorité et une grande importance ?

À l’instar de l’Algérie, l’Argentine est un pays qui recèle des ressources minières très importantes. En 2020, les exportations du secteur minier ont dépassé 2 milliards 600 millions de dollars. Afin de développer encore plus cette industrie et attirer les investissements vers ce secteur, l’Argentine a adapté sa législation pour favoriser l’investissement et attirer les capitaux. Deux pays qui aspirent à développer le même secteur d’activité peuvent s’entre-aider en partageant leur expérience et leur vision et de cette façon, leurs efforts seraient complémentaires.

En revenant à la commission mixte qui a été créée afin de permettre aux deux pays de discuter de leur coopération et de projets communs dans divers domaines, quel bilan faites-vous du travail de cette commission ?

Les réunions de cette commission sont d’une importance fondamentale car elles permettent de détecter des domaines d’intérêt commun et d’établir des feuilles de route pour avancer efficacement tous les dossiers de l’agenda bilatéral de commerce et de coopération. Cette commission s’est réunie pour la cinquième et dernière fois en mai 2015, à Buenos Aires. Nous travaillons actuellement pour essayer de finaliser la sixième réunion de cette commission, cette année ou l’année prochaine. Pendant la pandémie, en raison des restrictions de voyage, des réunions en visioconférence de haut niveau se sont tenues et qui ont permis de faire avancer l’agenda bilatéral entre l’Algérie et l’Argentine dans les différents domaines couverts par ledit mécanisme.

L’Algérie et l’Argentine coopèrent également dans le cadre du partenariat Sud-Sud. Quel sens pouvez-vous donner à cette coopération entre les pays du Sud, à l’heure où les enjeux géopolitiques sont multiples ?

La coopération Sud-Sud découle de l’adoption en 1978 du Plan d’action de Buenos Aires pour la promotion et la réalisation de la coopération technique entre pays en développement (PABA). C’est un mécanisme qui permet de renforcer les liens entre les pays en développement en les rapprochant au-delà de l’objet spécifique de coopération, de manière à faciliter les négociations bilatérales, régionales et multilatérales, pour trouver une voie commune dans la complexité géopolitique actuelle. Ces principes ont été renouvelés lors de la deuxième Conférence de haut niveau des Nations Unies sur la coopération Sud-Sud (PABA+40) qui s’est tenue à Buenos Aires en 2019,  à laquelle l’Algérie a participé. Par le passé, l’Argentine a réalisé des projets avec l’Algérie dans l’agriculture, la santé, la pêche, l’aquaculture et la fiscalité. Nous espérons entamer de nouveaux projets, y compris dans les domaines culturel, académique et universitaire. Nous avons déjà établi de bonnes relations avec les universités de Mostaganem et Alger 2 et nous tenons à les développer.

Quelle appréciation avez-vous du rôle joué par l’Algérie dans la région ?

Au niveau régional, l’Algérie est incontestablement un acteur primordial qui joue un rôle important dans le maintien de la paix et de la stabilité, elle est présente sur plusieurs fronts tels que la Libye et le Sahel. L’Algérie ne ménage pas ses efforts pour sauvegarder cette stabilité tout en respectant les principes fondamentaux de sa politique extérieure comme la non ingérences dans les affaires internes des autres pays ainsi que le respect de la liberté et de la souveraineté territoriale des Etats. Toutes ces valeurs font de l’Algérie un pilier sur lequel la majeure partie des Etats de la région s’appuient au moment de résoudre les crises. Le prochain sommet de la Ligue des États arabes sera sans aucun doute l’occasion pour l’Algérie de démontrer, une fois de plus, sa capacité de leadership et son attachement à la promotion du dialogue pour arriver à un consensus dans tous les domaines.  

H. N. A.

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