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Madjid Messaoudene, DG du GIE Monétique : « Tous les ingrédients sont réunis pour le développement du paiement électronique »

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Créé il y a à peine six ans par l’ensemble des établissements financiers de la Place, le Groupement d’intérêt économique (GIE Monétique) a pris sur sa charge d’appuyer la démarche stratégique des pouvoirs publics désirant instaurer un système de paiement électronique efficient, par la régulation du système monétique interbancaire et la définition des missions et des attributions de l’ensemble des acteurs de ce système. Son Directeur général, Madjid Messaoudene, revient dans cet entretien qui suit, sur les principales actions réalisées jusqu’ici dans le cadre de la promotion et la généralisation du e-Paiement en Algérie. Selon lui, les toutes prochaines années devraient voir une réelle accélération des nouveaux modes de paiement électronique, pour peu que les quelques contraintes signalées, ici et là, soient levées et que tous les acteurs concernés par cet écosystème de e-paiement se mobilisent pour faire adhérer plus de commerçants et vulgariser ce système auprès des citoyens.

Entretien réalisé par Berkaine Kamelia

Quelles sont les missions qui ont été confiées au GIE Monétique ?
Le GIE monétique est un organe de régulation interbancaire qui a été créé, en 2014, par toutes les banques de la Place, composé de toutes ces banques et d’Algérie Poste. La Banque d’Algérie y siège en tant que membre non adhérant. L’organe est chargé, d’une part, de la régulation interbancaire et d’autre part, de la promotion du paiement électronique. Les deux premières années de sa création ont été consacrées à sa constitution et à la mise en place de son organisation. Par la suite, l’organe a commencé effectivement à activer avec le lancement officiel, en 2016, du paiement par Internet.

Pouvez-vous nous donner un bref aperçu de ce qui a été réalisé dans le domaine du paiement électronique sur Internet depuis son lancement en 2016?
Le paiement en ligne a été lancé malgré l’absence d’un encrage législatif encadrant tous ses aspects. Un consensus existait, cependant, entre les acteurs de la Place qui a permis quand même de lancer, en octobre 2016, le paiement par Internet. La loi sur le e-commerce est intervenue par la suite, en 2018 pour conforter ce qui se faisait avant, en la matière. D’autres actions importantes ont été réalisées également, à savoir le déploiement de plus en plus de Terminaux de Paiement Electronique (TPE) au niveau des commerces. Cela se fait progressivement et beaucoup de commerçants se sont dotés de TPE, en plus de la généralisation de l’utilisation de la Carte inter bancaire (CIB) dont le nombre tournait autour d’une centaine de milliers de cartes, en 2015/2016 pour atteindre, actuellement, si l’on intègre des clients d’Algérie poste, à près de 9 millions de cartes de paiement électronique. Je dois dire que cela facilite le terrain pour rendre de paiement électronique beaucoup plus accessible aux ménages.

Quel rôle le GIE joue-t-il dans cet écosystème ?
L’écosystème monétique est très vaste et ne concerne pas uniquement les banques. Il y a d’autres acteurs bancaires comme la SATIM et tous les autres intervenants comme les industriels et les prestataires qui activent dans le domaine de la monétique et d’autres qui sont chargés de la réglementation. Notre rôle c’est justement de coordonner entre tous ces acteurs et assurer une certaine dynamique et cohérence d’ensemble dans leur travail.

Etes-vous satisfait de l’évolution de la monétique en Algérie, durant toute cette période allant de 2016 à 2020 ?
Je dirai que l’évolution de la monétique en Algérie a été positive, mais pas comme on l’aurait souhaitée. Cette évolution a pris une courbe assez exponentielle, notamment en termes d’adoption du paiement électronique par les acteurs de la Place dont principalement les porteurs de cartes monétiques, les commerçants et les banques.
Le paiement électronique a été bien adopté par ces principaux acteurs puisqu’il était représenté par une centaine de milliers de cartes seulement, en 2015, alors qu’aujourd’hui nous avons 9 millions de porteurs de cartes. Le nombre de TPE est passé, lui aussi, de 3 000 unités au début du lancement à 33 000 TPE dépolyés chez les commerçants. De plus, le nombre de ceux qui vendent en ligne et acceptent le paiement par carte a également augmenté et totalise pas moins de 70 web-marchands. Ces derniers ont généré rien qu’en 2020, de janvier à novembre,plus de 5 fois ce qui a été généré durant toute l’année 2019, puisque l’année dernière il y a eu une centaine de milliers d’opérations de paiement effectuées sur Internet, alors qu’en 2020 pas moins de 3,3 millions d’opérations ont été enregistrées. Certes, l’idéal aurait été d’enregistrer une évolution à trois chiffres, mais ce qui est réalisé à ce jour est tout de même non négligeable. Nous espérons réaliser une courbe d’évolution à trois chiffres pour aller vers une généralisation totale du paiement électronique dans le pays, pour peu que tous les acteurs concernés par ce chantier s’y mettent.

Selon vous, quel type de paiement est le plus utilisé par les usagers recourant au paiement électronique ?
Je pense que chaque personne se retrouve dans un modèle de paiement. Ce principe est valable partout dans le monde. Tous les acteurs de la Place mettent en place des moyens pour capter une partie de la population. Il y a ceux qui sont portés sur le paiement par téléphone mobile avec la fonctionnlaité de paiement par QR Code, ceux qui aiment beaucoup plus la carte bancaire chez le commerçant en proximité, alors que d’autres préfèrent les transactions, depuis chez eux, sur Internet. L’objectif c’est de mettre tous ces produits pour que chacun trouve le mode de paiement qu’il préfère. La dernière prestation lancée en Algérie qui est le paiement par QR Code, est certes intéressante, mais il ne faut pas s’arrêter là. Il faut lancer d’autres produits pour toucher d’autres catégories de clients, parce que la population algérienne est constituée majoritairement de jeunes qui sont portés sur tout ce qui est nouvelle technologie. C’est la raison pour laquelle, d’ailleurs, nous constatons que c’est les paiements par Internet ou le mobile qui sont les plus usités. Il faudrait donc investir dans les moyens de paiement liés à ces technologies.

Il n’en demeure pas moins qu’il existe toujours une certaine réticence à recourir à ces moyens de paiement. Cela est dû à quoi selon vous ?
La réticence au changement est un comportement tout à fait normal. Elle a plusieurs raisons. Il faut savoir d’abord que chaque personne se retrouve dans un mode de paiement bien précis. Lorsqu’on met un TPE à disposition d’un commerçant, il faudrait que celui-ci y trouve un gain, un intérêt.. Si cet équipement qui accepte les cartes ne luis procure pas une pluevalue par rapport au cash, il ne va pas l’adopter car l’autre moyen répond parfaitement à son besoin. Il faudrait que chaque usager trouve un intérêt à utiliser tel ou tel mode de paiement. Expliquer et faire intéresser tous les acteurs de l’écosystème est une condition pour généraliser le paiement électronique. L’élément le plus cité dans la réticence des usagers, notamment les commerçants, concerne la question de la traçabilité de tout type de transaction, mais cela n’est pas un facteur bloquant pour le développement du paiement électronique. Au GIE, nous sommes en train d’expliquer les différents produits mis sur le marché en mettant en exergue les avantages qu’ils présentent, d’abord à nos membres adhérents et ensuite, à travers eux, à leurs clientèles respectives.

Le travail de sensibilisation est donc important…
La sensibilisation et la communication sont primordiales pour la réussite de tout projet, de toute mise sur le marché d’un produit ou d’un service . Pour cela, il faut développer des méthodes de proximité à l’adresse des commerçants et des clients porteurs de cartes de paiement afin de les rassurer, d’autant plus qu’il s’agit de produits nouveaux où il faut bien expliquer aux usagers comment les utiliser et l’intérêt qu’ils ont à les utiliser. Sur le plan de la sécurité, si les clients avaient été rassurés quant à l’utilisation sans risque du paiement électronique, il y aurait eu plus d’adhésion.

Justement qu’est-ce qui a été fait sur ce plan pour assurer une sécurité optimale ?
En ce qui nous concerne, nous avons engagé, depuis 2017 des projets ambitieux sur la sécurité du système pour que tous les acteurs aient un minimum de sécurité, tolérable et acceptée, afin de pouvoir travailler dans le domaine du paiement électronique. Nous travaillons pour mettre à niveau tous nos membres, banques et Algérie Poste aux standards internationaux de sécurité car cela est un gage d’assurance pour tous les intervenants. Pour le citoyen, la sécurité qui est recherchée concerne la prise en charge rapide, efficace et active de ses réclamations. Il faut que tous les acteurs qui interagissent sur cette problématique doivent le faire par des procédés faciles, dans des délais très courts, sans bureaucratie aucune. Nous y travaillons beaucoup avec tous nos membres à travers des règles stipulant que lorsqu’un citoyen fait une réclamation lié au paiement électronique, son souci, sa doléance, sa réclamation doit être pris en charge dans les délais arrêtés par le GIE Monétique.

Quelles sont aujourd’hui les contraintes qui se dressent devant le développement du paiement électronique en Algérie ?
La première contrainte est celle de savoir comment va-t-on changer les habitudes des ménages, des commerçants et de tous les acteurs pour adopter un système de paiement sécurisé, moderne et efficient. Nous travaillons sur cette question en nous basant notamment sur la sensibilisation, la vulgarisation et la communication. Les autres contraintes sont liées entre autres à la réticence au changement affichée par certains commerçants, à la qualité du réseau de télécommunication qui est à parfaire pour suivre l’évolution qui se fait dans ce domaine. Aussi, il faudrait développer une industrie locale des équipements et arriver à fabriquer les TPE en local, qui sont aujourd’hui importés. Il y a également quelques réglementations à faire évoluer et adaptées au contexte actuel pour suivre les mutations qui s’imposent.

Les non initiés se demandent quelles sont les avantages du paiement électronique. Comment leur répondre ?
Il y a beaucoup à dire sur ça. Pour les instances gouvernementales, le principal avantage est celui de réduire l’économie informelle et l’usage massif du cash. Pour nos concitoyens, le paiement électronique permet également l’inclusion financière, en ce sens que les citoyens des «zones d’ombre» qui n’arrivent pas à avoir accès à certains services financiers le pourraient, à travers un moyen, de réaliser des opérations financières, comme payer ses factures, acheter des produits (biens et services), se faire livrer une marchandise, sans se déplacer.

La crise sanitaire liée à la pandémie de la COVID-19 a quelque peu boosté le paiement électronique en Algérie. Confirmez-vous cela ?
Il est indéniable que cette pandémie, à l’instar des autres pays du monde entier, à changé les habitudes de consommation des citoyens. L’impératif de confinement, la limitation des déplacements et des regroupements a contribué fortement.
A titre d’illustration, beaucoup de ménages se sont rabattus, naturellement, sur le paiement par Internet pour éviter les déplacements et le risque d’être contaminé et cela a beaucoup développé l’achat en ligne. Rien qu’en octobre dernier, en l’espace d’un seul mois donc, le nombre de transactions effectuées en ligne a représenté le double de toutes les opérations effectuées durant l’année 2019. Nous avons même enregistré une forte pression sur les demandes de cartes de paiement électronique. D’ailleurs, les nombre des web-marchands est passé d’une vingtaine, à 70 web-marchands actuellement, sans compter les demandes d’adhésion à ce service, qui sont en cours, et ce, malgré la difficulté qu’il y a à mettre un commerce en ligne. En ce qui concerne GIE Monétique, nous sommes en train de finaliser un projet pour permettre à tout citoyen, là où il est, de développer son commerce en ligne, à travers une plateforme numérique, sans passer par toute la procédure administrative. Nous considérons cela comme un premier pas vers la généralisation et la transparence du paiement par Internet.

Comment voyez-vous les perspectives du paiement électronique en Algérie ?
Nous avons à notre disposition tous les ingrédients nécessaires pour faire une très bonne recette. Nous avons à la fois une population très portée sur les TIC, des réseaux de télécom qui commencent à se développer et aussi une forte volonté affichée des pouvoirs publics pour développer ce système de paiement.
Je pense que l’avenir du paiement électronique dans notre pays, dès que les quelques contraintes signalées seront levées, va se développer très rapidement.
B. K.

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