L’administrateur de GIE Monétique, Madjid Messaoudene, qui a bien voulu accorder cette interview à notre magazine Indjazat, est un homme soucieux d’attribuer à l’économie des outils permettant l’accélération de sa digitalisation. Il aborde, dans cet entretien, l’état des lieux et les perspectives du e-paiement et du e-commerce en Algérie, non sans expliquer les facteurs-clé contribuant à atteindre la vitesse de croisière en la matière. Il est question également du rôle que joue GIE Monétique dans le domaine de la numérisation de l’économie et de la sécurisation des transactions de paiement électronique.
Interview réalisée par Hacène Nait Amara
Le commerce en ligne et les opérations de paiement électronique ont connu un développement appréciable ces deux dernières années, quel bilan faites-vous de cette activité ?
Effectivement, depuis quelques années maintenant, nous avons constaté une évolution très positive du paiement en ligne. La pandémie du COVID-19 a quelque peu aidé à accélérer les choses. Il y a eu également d’autres facteurs qui ont participé à cette croissance, dont la hausse du nombre de porteurs de cartes, une prise de conscience chez ces porteurs de carte d’aller vers ces nouveaux moyens de paiement et, bien évidemment, les commerçant qui commencent à intégrer le paiement en ligne. Ces facteurs ont été pour ainsi dire à la source directe de ce développement du commerce en ligne et des opérations de paiement électronique constaté ces dernières années.
Le paiement par Internet des droits d’accès aux stades durant les jeux méditerranéens d’Oran a démontré toute la possibilité pour l’Algérie d’évoluer dans le domaine du e-paiement, tant il est vrai que les marges de progressions sont encore énormes, quels sont les facteurs-clé et les conditions de nature à permettre au pays de progresser davantage sur le chemin de la numérisation ?
En effet, l’expérience des jeux méditerranéens organisés à Oran, notamment la vente en ligne des billets d’accès au stade, a démontré une image réelle de la conscience de la population algérienne pour aller vers la numérisation. Preuve en est que les billets ont été vendus en quelques minutes seulement à travers les plateformes de paiement en utilisant les cartes de paiement CIB ou Edahabia. Cela dénote par-dessus tout que le terrain est fertile. Si d’autres marchands venaient à intégrer le paiement électronique, nous allons certainement avoir une croissance exponentielle. Nous pouvons aisément dire que les prérequis pour la généralisation du paiement électronique sont là, en attendant que le recours à ces web marchands devienne plus fréquent chez les ménages algériens.
Exception faites des grands facturiers qui ont intégré le paiement électronique sur Internet,la généralisation de ces solutions demeure marginale auprès des commerçants. A quoi est due, selon vous, cette faible pénétration des solutions du e-paiement auprès des marchands et des artisans ?
Si nous regardons le nombre d’opérations de vente en ligne qui se font, nous constatons effectivement qu’il y a beaucoup de facturier et une faible présence des commerçants dans ces statistiques de vente et de paiement par Internet. Plusieurs facteurs déterminent cette faible croissance des transactions impliquant les commerçants et les artisans. Il y a, d’abord, cette réticence constatée chez ces commerçants d’intégrer la vente et le paiement en ligne. Il y a un travail de communication et de sensibilisation à faire dans ce domaine afin de convaincre cette frange à adopter les moyens modernes de vente et de paiement. Il faut, ensuite, préparer tout l’écosystème de la vente en ligne qui implique le transport de la marchandise, les développeurs web, les services Internet…etc. Cette culture commence à s’installer, car nous constatons chaque jour des adhésions à ces nouveaux modes de vente et de paiement. Mais ces adhésions restent timides par rapport au potentiel du marché. D’où l’impératif de faire fonctionner continuellement le levier de communication, de sensibilisation et de formation des commerçants afin d’explorer tout le potentiel du marché. Nous devons agir dans le sens de faciliter l’accès au web au bénéfice des commerçants, encourager l’investissement dans le transport des marchandises et généraliser les moyens de paiement auprès de cette frange. Cela permettra à coup sûr d’accélérer davantage la croissance de ce marché et de l’activité de la vente et du paiement électroniques. Il y a des étapes à suivre ; nous avons vu de part le monde que le développement du paiement électronique se fait d’abord grâce à l’adhésion de la sphère publique et des facturiers par la suite, avant de faire adhérer les commerçants et les artisans. Nous sommes dans cette logique en Algérie.
Y aurait-il des produits et services en cours de conception pour aider à accélérer davantage le développement de cette activité ?
Il y a des startups qui développent des produits au profit des clients et qui sont de nature à capter l’intérêt des porteurs de cartes et des commerçants pour le paiement électronique. Nous avons vu que des projets sont en train d’être maturer au niveau d’autres startups afin de diversifier les produits et les services au profit des consommateurs et des commerçants.
L’installation de nouveaux TPE et l’acquisition de nouvelles cartes interbancaires a connu une certaine stagnation ces deux dernières années, comment expliquez-vous cette situation ?
Cette situation est due essentiellement aux réticences chez les commerçants à accepter ces moyens de paiement. D’où la nécessité de consentir un effort pédagogique et de communication afin de faire adhérer cette catégorie au paiement électronique. Pour ce qui est de l’acquisition des cartes CIB et Edahabia, l’évolution est à deux chiffres d’une année à une autre, ce qui est de bon augure pour l’activité du paiement électronique.
Néanmoins, pour que ce potentiel de cartes soit exploité, il faut qu’il y ait un parc de TPE assez important. Comme vous venez de le dire, l’activité d’installation des TPE a connu un certain essoufflement ces deux dernières années. D’autres acteurs se sont mis en place pour pouvoir faire face à ces insuffisances à travers la mise en place d’une entreprise chargée de l’acquisition et l’installation des TPE pour le compte des banques.
Quel est le rôle que joue actuellement GIE monétique dans le cadre de la numérisation de l’économie et de la sécurisation des transactions de paiement à travers Internet et/ou les cartes CIB ?
En matière de sécurité, nous mettons en place des normes aux standards internationaux pour que le système et les plateformes soient dans un cadre hautement sécurisé. Il s’agit là d’un gage de confiance pour l’utilisation de ces plateformes. Il faut que le porteur de la carte et le commerçant soient rassurés en termes de sécurité quant à l’utilisation de ces outils. Pour tout ce qui est développement, nous sommes en phase de promotion de nouveaux produits et services monétiques. Nous innovons continuellement afin de proposer et diversifier et de généraliser nos solutions monétiques et nos outils de paiement électronique.
Comment voyez-vous les perspectives du paiement électronique et de la digitalisation de l’économie en Algérie ?
Je pense que je suis même convaincu que l’avenir est très prometteur en la matière. Nous avons mis en place de mesures de facilitation au profit des web marchands, des commerçants et des développeurs de solutions afin de renforcer l’écosystème nécessaire au développement du e-paiement et du e-commerce. Nous constatons une forte demande à la certification des web marchands. Cela témoigne de l’efficacité des mesures que nous avons mis en place. Il y a une prise de conscience et une culture qui s’installe progressivement au profit de cette croissance tant voulu de l’activité du e-paiement et du e-commerce en Algérie. Les transactions de paiement électronique sont également de plus en plus nombreuses, ce qui témoigne de cette prise de conscience dont je parlais il y a un instant. De notre coté, nous travaillons d’arrachepied afin de mettre en place un système fiable, efficace et sécurisé pour le traitement des opérations.
Y aurait-il des projets au sein de GIE Monétique dans le cadre de sa politique de généralisation et de diversification des solutions et des services monétiques ?
Nous travaillons, effectivement, sur la diversification des solutions monétiques ainsi que sur la généralisation des outils de paiement électronique.Le défi étant de généraliser les TPE à tous les commerces. Nous y travaillons et nous ambitionnons d’atteindre un niveau critique qui nous permet de dire que ces moyens et solutions sont généralisés et que l’économie est résolument sur la voie de digitalisation.
Quel est le rôle que jouent les banques et Algérie Poste pour
le développement de la monétique ?
Bien évidemment, les banques et Algérie Poste jouent un rôle très important dans tout ce que nous entreprenons, puisque ce sont elles qui permettent d’avoir des services et solutions monétiques généralisées, des porteurs de cartes de paiement électroniques et des commerçants qui acceptent d’être dotés d’outils de paiement électronique. Dans ce domaine, ce sont les banques et Algérie Poste qui interviennent auprès des commerçants domiciliés à leur niveau pour qu’ils soient intégrés dans la plateforme de paiement automatique à travers des actions de sensibilisation et de communication. Les banques et Algérie Poste consentent donc un effort considérable dans ce domaine pour que les commerçants acceptent d’être dotés en TPE. L’autre rôle des banques et d’Algérie Poste, comme je viens de le souligner, consiste à doter leurs clients en cartes monétiques ( CIB et Edahabia ) et à l’enrôler dans le système de paiement électronique. Ce sont là les deux principaux rôles des banques d’Algérie Poste dans le développement et la généralisation des services et outils de la monétique.
N’est-ce pas que toute cette dynamique en faveur de la monétisation tire sa source, bien évidemment, de cette volonté maintes fois affichée par le ministère de tutelle, d’accélérer davantage dans le développement et la généralisation des moyens de paiement digitaux afin de pouvoir relever le défi de l’inclusion financières ?
En effet, le ministère des Finances joue un rôle central, puisqu’il supervise cette opération de généralisation des paiements électroniques à travers le comité de pilotage installé à cet effet. Le ministère travaille aussi avec les autres départements ministériels pour encourager la sphère publique à intégrer le paiement électronique. Cela permet d’enrôler ces départements et l’ensemble des organismes qui y sont affiliés au système de paiement électronique. Son rôle de superviseur permet aussi d’arrêter une feuille de route avec l’ensemble des banques publiques et autres acteurs pour l’accélération de la généralisation de la monétique.
H. N. A.