La crise économique que traverse l’Algérie a provoqué de profonds chamboulements dans plusieurs secteurs aussi stratégiques les uns que les autres. Le secteur de l’industrie automobile national est le premier à faire les frais de cette crise. Fini les temps où l’Etat dépense sans compter. Désormais, chaque centime dépensé doit-être rentabilisé.
Par Lynda Mellak
C’est ainsi que la gestion de ce secteur connaît une évolution qui tente de s’adapter aux besoins conjoncturels de l’économie nationale. Des lois et des règlementations se sont ainsi succédé au fils des années, corrigeant les imperfections constatées ou apportant les améliorations nécessaires sur le plan de la législation. La dernière en date concerne, faut-il rappeler, la levée, projetée par le gouvernement, de l’interdiction d’importation des véhicules d’occasion de moins de trois ans. En effet, après 14 ans d’interdiction, les pouvoirs publics veulent revenir sur cette disposition juridique instaurée depuis 2005. Interrogé, le ministre du Commerce, Said Djellab, a expliqué que «l’un des objectifs de l’importation des véhicules d’occasion, de moins de 3 ans, est de faire pression sur les prix des véhicules fabriqués localement. Cela devrait être un facteur externe favorisant la baisse des prix, et permettre de donner une chance au citoyen d’acquérir un véhicule selon ses moyens ». Le souci serait donc principalement de répondre aux besoins du marché national et des consommateurs qui désireraient voir les prix des véhicules plus abordables qu’ils ne le sont actuellement. Il faut dire, à ce propos, que les prix des voitures n’ont cessé d’augmenter à mesure que les chaînes de montage fleurissaient. Nombreux sont ceux qui regrettent qu’en dépit des mesures de facilitations et avantages fiscaux accordées par l’Etat pour booster l’activité de montage automobile, les différents constructeurs installés en Algérie n’arrivent pas à satisfaire le marché national et pratiquent des prix souvent plus chers que ceux de l’importation. Dénonçant cet état de fait imposé à l’économie nationale, les pouvoirs public ont finalement réagi et voudraient maintenant remettre à plat tout le secteur du montage automobile, censé initialement contribué à la croissance de l’économie nationale. Mais en attendant, des mesures d’urgence s’imposent. La plus importante concerne donc la mise en place « des mécanismes juridiques permettant au citoyen d’importer les véhicules d’occasion», avec le souci, bien entendu, de veiller sur le « respect des normes et exigences techniques, environnementales et sécuritaires» en la matière. Dans ce sens, il est expliqué que le dispositif qui sera mis en place inclura obligatoirement le passage par voie bancaire pour le paiement des véhicules importés : « le paiement est du ressort de l’acquéreur qui doit régler la facture en devises et l’argent doit être domicilié dans une banque afin d’avoir une traçabilité », a insisté le ministre du Commerce.
Selon lui, tous les aspects de cette mesure seront étudiés « de façon à ne pas altérer le pouvoir d’achat des citoyens et créer un marché automobile équilibré en Algérie», a-t-il ajouté. Rappelons à ce propos que l’idée de revenir sur la décision d’interdiction d’importer les véhicules moins de 3 ans était soutenue par beaucoup d’experts depuis quelques années déjà. L’ex ministre du Commerce, feu Bakhti Belaib, avait proposé la levée de cette interdiction estimant que cela était contraire aux règles de l’OMC à laquelle l’Algérie aspire à adhérer.
Il y a lieu de noter aussi que l’importation de véhicules d’occasion peut être rentable à 100% pour le pays, en ce sens qu’aucun dinar n’est investi et une rentrée indirecte de devises est assurée. Pour le citoyen, cette décision va certainement aider, théoriquement, à avoir accès à une voiture moins chère. Cependant, comme le signalent certains experts, « il faudra aller sur le marché parallèle pour acquérir des devises et là, le risque ce serait une flambée de la monnaie étrangère par rapport au dinar». L’expert financier international, Lachemi Siagh, estime qu’«une mesure aussi importante nécessite une étude d’impact appropriée et approfondie, notamment sur l’équilibre global qui implique l’activité de montage et l’activité de sous-traitance». Il faut dire cependant que cette mesure, comme l’affirme Said Djellab, ne sera pas mise en vigueur distinctement, puisqu’il s’agit de toute une «vision globale» sur l’industrie automobile, en cours de préparation, qui prendra en charge notamment la problématique de l’assemblage CKD/SKD. Notons à ce propos que la facture consacrée aux «kits» d’assemblage ne cesse d’augmenter, d’année en année. Pour l’exercice 2018, elle a atteint les 3,7 milliards de dollars, pour un volume global de 180 000 véhicules, contre 1,67 milliard de dollars en 2017. C’est la raison pour laquelle, dans un souci de réduire la facture d’importation, le gouvernement a plafonné à deux milliards de dollars le montant des importations de kits CKD/SKD, à répartir sur les quatre constructeurs qui sont autorisés à assembler des véhicules de tourisme en Algérie, en l’occurrence Renault, Volkswagen, Hyundai et Kia. Ainsi, Renault a obtenu 660 millions de dollars, Sovac 600 millions, Hyundai 360 millions et Kia 380 millions. Le gouvernement a également décidé de limiter les modèles à assembler : trois pour Renault (Symbol, Clio et Sandero), quatre pour Sovac-Volkswagen (Caddy, Golf, Octavia et Ibiza), trois pour Kia (Rio, Cerato et Picanto) et six pour Hyundai (Tucson, Santafe, Accent RB, Sonata, I20 et Creta.).
L. M.