Parallèles. En 1990, la sélection nationale de football atteint le graal, en décrochant à la maison son premier sacre continental, dix ans après avoir brillé au firmament du football mondial à Gijon en Espagne et après des ratages successifs à la coupe d’Afrique des Nations (CAN) qui brisaient le cœur d’une génération de footballeurs surdoués.
Et la CAN 1992, version Sénégal allait consigner la tristement célèbre débâcle de Ziguinchor.
Par Azzouz Koufi
2019, en plein mouvement populaire pacifique, le onze national posait ses valises au Caire, en Egypte, pour tâter du muscle d’une édition marquée par la présence de véritables épouvantails de la balle ronde africaine, à leurs têtes le sextuple champion égyptien, le Nigéria, le Sénégal et autres Côte d’Ivoire et Ghana.
Une occurrence où le plus optimiste des observateurs donnait, dans le meilleur des cas, l’Algérie aux demi- finales. Un pronostic que même les fans d’el khadra admettaient au regard de la situation, en chute libre, de l’EN, depuis quasiment le Mondial brésilien de 2014.
Il est vrai qu’après maintes expérimentations, effectuées à la barre technique des verts, le néo coach, alors, Djamel Belmadi, donnait la nette impression de maitriser son sujet, par rapport à ses prédécesseurs immédiats mais on était loin de la coupe aux lèvres sur les matches, officiels et amicaux , que ce dernier avait conduits depuis son intronisation.
L’ex stratège des verts des années 2000 se remplissait pourtant les poumons pour souffler un fol vent d’optimisme. «Nous nous attèlerons à ramener le trophée à la maison» avait-il, à maintes reprises, susurré.
Plus que de raison, ça sentait fort de café ! Mais le temps allait lui donner raison.
En fait, le coach national, sûr de son art, avait fait un diagnostic infaillible d’un onze au statut lourd mais malade et entrepris une imparable révolution. Des noms sont effacés de son calepin. Bentaleb, Taïder, Boudebouz , Ghezzal, sont ainsi laissés sur le quai.
D’autres arrivent ou reviennent par la grande porte. Guedioura, Feghouli, Bennacer, Ounas, Belamri. Autant de noms qui ont, par trop marqué la CAN 2019, et dont les performances élogieuses viennent conforter la sagacité de leur mentor.
Restait le cas Mahrez ou celui encore de Brahimi. Plus souvent en panne que brillant, au sein de l’EN, en comparaison avec ses prouesses en Premier League où il évolue, le gaucher de charme de Manchester City s‘est finalement plié à la stratégie de Belmadi, basée sur la générosité de l’effort et la solidarité sans faille du groupe. Mahrez, capitaine et premier défenseur des verts, fallait-il y penser et surtout le faire !
S’agissant de Brahimi et des non- dits autour de sa mise sur le banc, force est de souligner, encore, la force pédagogique du sélectionneur national dans sa gestion des égos et du vestiaire, tant aucune vague ne s’est produite suite à ses choix.
Autant de facteurs et de paramètres tellement maitrisés que la suite a semblé, après coup, couler de source.
Un premier tour finalisé par des stats. ahurissantes. Trois matches joués, trois matches gagnés, dont un face au future adversaire en finale, le Sénégal ; 9 buts marqués, zéro encaissé. La totale, agrémentée par la victoire méritoire de l’EN-bis devant la Tanzanie (3-0). Que du bonheur !
Il devait continuer, le rêve s’approchant inexorablement de la réalité. Aux huitièmes de finale, la Guinée passe à la trappe (3-0).
En quarts de finale, l’Algérie plie devant la charge des Eléphants de Côte d’Ivoire. Mais les dieux du stade ont tranché : Serey Dié rate son tir aux buts et envoie les verts en demi- finale où les attendaient les Super Eagles du Nigéria, les cracks des cracks du tournoi aux yeux de nombre d’observateurs.
Rencontre improbable où les deux équipes se neutralisaient durant 94 minutes de jeu, après le ‘’csc’’ d’Ekong à la 40’ et l’égalisation sur pénalty d’Ighalo à la 72’.
Mais la valeur d’un onze se mesurant le plus souvent au talent de ses hommes, Ryad Mahrez écrivait l’histoire à l’ultime minute de la partie, via un coup- franc magistral dont il a le seul secret. Le délire prenait place.
Pour tout le peuple, il n’y avait plus de doute, cette équipe sera championne d’Afrique. Sa ‘’marche’’ conquérante prend désormais la direction du pays des Pharaons.
Et aux irréductibles qui avaient accompagné l’équipe depuis ses débuts en compétition, le plus souvent sans gros moyens de subsistance, les rangs des supporters grossissaient au fil des succès, pour le moins, retentissants.
Les autorités du pays, flairant, également, le bon coup établissent des ponts aériens, dès les tours avancés pour galvaniser le moral les troupes. Au pays, les opérateurs de la téléphonie mobiles sautent aussi sur l’occasion en créant des espaces familiaux festifs et des écrans géants. La fièvre gagne toute l’Algérie.
Djamel Belmadi, cartésien, a eu beau prévenir qu’on pourrait «perdre la finale», nul n’accorde crédit. Les ponts aériens, entre civils et militaires, sont pris d’assaut par des masses qui ont été jusqu’à passer la nuit sur les endroits affectés aux inscriptions pour décrocher le précieux sésame ouvrant les portes du Caire.
Puis vint le grand jour. Face à un adversaire sénégalais, battu déjà au premier tour de la compétition, les verts s’en remettent à un but providentiel, comme tombé du ciel, de Bounedjah, font de la résistance et raflent un trophée arraché de haute lutte et parmi tant d’adversité.
Le délire collectif pouvait commencer. La nuit chaude du 19 juillet est déchirée par les klaxons de véhicules en processions, des chant, danses et ‘’you- you’’ stridents des femmes.
Elle annonçait le tsunami humain qui attendait par une journée caniculaire, le retour au pays des héros du Caire. Et effectivement, de l’aéroport au Palais du Peuple, une marée humaine agglutinée sur les abords des routes, ou en cortège, à pied, au bus à impériale sur lequel paradaient les champions d’Afrique, tenait à rendre un juste hommage à une équipe qui venait de s’asseoir, haut, sur le toit de l’Afrique.
Une posture si naturelle pour cette Algérie qui gagne !
A. K.