Djamila Boupacha, cette icône féminine parmi tant d’autres du combat pour la libération du pays du joug colonial français, était présente, le 30 juillet dernier, à la conférence internationale sous le thème « le militantisme de la femme algérienne de la guerre de libération au processus d’édification».
Ce conclave, organisé sous le haut patronage du Président de la République, dans le cadre d’un partenariat entre le ministère des Moudjahidine et des Ayants droit, et le ministère de la Solidarité nationale, de la famille et de la condition de la femme sous le thème «la femme, combat d’exception et créativité», a vu la participation des ministres des affaires sociales de pays arabes et la ministre turque des affaires sociales.
Cette rencontre vise à mettre en exergue la place et le rôle importants de la femme dans la société algérienne.
Née le 9 février 1938 à Bologhine, Djamila Boupacha a, pour rappel, été une militante du FLN avant d’être arrêtée en compagnie de son père, de son frère, de sa sœur Nafissa et de son beau-frère Abdellih Ahmed, pour avoir posé une bombe désamorcée par les démineurs de l’armée à la Brasserie des facultés à Alger le 27 septembre 1959.
Emprisonnée clandestinement, celle qui portait le nom de guerre de Khelida, elle a été violée et a subi pendant plus d’un mois de nombreux sévices, infligés par des membres de l’armée française.
Saisie par son frère, l’avocate Gisèle Halimi décide de prendre son cas en charge en mars 1960 et lors de leur rencontre à la prison Berberousse le 17 mai 1960, elle prit acte des tortures auxquelles elle a été soumise. Un calvaire que Simone de Beauvoir relatera au monde entier dans une tribune médiatique dans le journal Le Monde le 2 juin 1960. Suite à quoi, un Comité pour Djamila Boupacha présidé par Simone de Beauvoir, et qui comprend parmi ses membres Jean-Paul Sartre, Louis Aragon, Elsa Triolet, Gebriel Marcel, Geneviève de-Gaulle-Anthonioz, Aimé Césaire et Germain Tillion est né. Un comité dont la pression a fini par pousser le tribunal d’Alger à se dessaisir du dossier au profit de Caen, et Djamila Boupacha est transférée par avion militaire en France métropolitaine pour être placée en détention à la prison de Fresnes le 21 juillet 1960, puis à celle de Pau
Fin juin 1961, elle identifia ses tortionnaires dans le cadre de l’instruction de sa plainte contre eux avant d’être amnistiée en application des accords d’Evian pour être libérée le 21 avril 1962. Approchée, notre héroine a aimablement accepté de se livrer à nos lecteurs
Propos recueillis par Hacène Nait Amara
Qu’est-ce que cela vous fait d’être de cette cérémonie ?
C’est nouveau pour nous car elle honore la femme algérienne qu’on n’a pas oubliée. Depuis le temps, elle a lutté et combattu aux côtés de son frère, l’homme jusqu’à après l’indépendance dans l’œuvre de construction du pays, devenue qu’elle est architecte, ingénieure, enseignante et autre. Tous mes souhaits que le soutien officiel à la femme se poursuive.
Quels conseils donnez-vous aux générations actuelles ?
Qu’elles s’occupent du pays car nous avons beaucoup d’ennemis qui ne nous lâcheront pas. Tout le monde nous guette. L’Algérie est chère et possède beaucoup d’atouts. Dès que l’Algérie avance d’un pas ou d’un cran, on tente de la faire reculer de 20 ans, voire de trente ans. Il faut être vigilant, faire attention, il ne faut surtout pas les croire. A ce propos, j’ai toujours aimé raconter l’histoire de Napoléon qui a réussi à envahir presque tous les pays arabes sauf un. Il a, alors chargé ses hommes pour lui trouver un traître parmi les habitants de ce pays. Chose faite puisque ce dernier une fois déniché, les a aidés à pénétrer cette contrée. Suite à quoi, Napoléon a invité ses hommes à se rapprocher de ce traître pour savoir ce qu’il désirait comme récompense pour sa précieuse collaboration. C’est alors que celui-ci a exprimé le souhait de pourvoir serrer la main de l’empereur. Et quelle a été la réponse de Napoléon ? Je ne serrerai jamais la main d’un traitre. Il n’y a pas de confiance en ceux qui trahissent leur pays, a-t-il affirmé. D’où l’impérative vigilance.
On croit savoir également que vous avez eu une mésaventure dans un pays «frère» juste après l’indépendance…
En effet, nous avons été dans un pays arabe et musulman. Nous avons été chez le coiffeur car j’avais, ce jour-là, mes cheveux crépus. Il y avait une femme qui voulait nous rabaisser en nous accusant à tort de ne pas être musulmans. On pensait que tout le monde était content pour nous après notre indépendance acquise au prix fort. Et dire, lui avais-je rétorqué, entre autres, que nous avons tenu en nos traditions et us pendant 132 ans de colonisation elle qui soutenait fièrement que chez eux, la femme travaillait dans tous les domaines, l’aviation, comme médecin. J’ai alors dit à ma collègue que j’allais faire un incident diplomatique et tant pis pour le président Ben Bella. Ma collègue m’a supplée de ne rien dire. Suite à quoi, je me suis vraiment vidée mon sac face à cette femme. Alors, chez vous, la femme travaille dans tous les domaines, j’ai cherché un coiffeur femme, et je n’en ai pas trouvé ; lui avais-je lancé. C’est alors qu’une Syrienne essayait de lui faire comprendre qu’on parlait l’arabe dialectal et pas littéraire car, durant la longue nuit coloniale, l’administration coloniale nous a fermé les médersas. Elle est restée bouche cousue.
Pensez-vous que le flambeau a été bien transmis à cette nouvelle génération de femmes?
Déjà pendant la révolution, les Français ne pensaient pas, il ne leur venait pas à l’esprit qu’une femme pouvait héberger un homme étranger. La femme n’ouvrait jamais la porte pour accueillir un facteur qui venait remettre du courrier à la famille. Cette tâche incombe exclusivement aux hommes. L’apport et la participation de la femme au combat libérateur est immense. Elle était dans toutes les situations.
La femme a fait beaucoup de progrès et j’espère que cela continuera dans le bon sens. Les générations à venir, c’est la femme qui constitue leur première école, celle qui les éduque avant d’aller à l’école.
La femme a un rôle important dans l’éducation de ses enfants et dans l’édification de la nation. On ne fait pas ses enfants pour les jeter dans la rue. La femme, c’est la base de la société.
H. N. A.