Après son discours à la nation, dès son retour d’Allemagne où il se trouvait pour soins, et un conseil des ministres avec des annonces fortes, le Président de la République, Abdelmadjid Tebboune, a repris, lundi 1er mars, ses rencontres périodiques avec la presse nationale. Après près de quatre mois d’absence, une période marquée par une ébullition politique qui avait amplifié et une litanie d’interrogations oppressantes, le Président avait des choses à dire. Il en a brassé les détails dans leurs moindres recoins, sans détour, ni aucune forme de langue de bois. A commencer par son état de santé et cette maladie, due au coronavirus et dont il est revenu de loin.
Par Azouz Koufi
«En parfaite symbiose avec l’Armée»
Sur les rumeurs distillées, sans discontinuer, lors de son absence, il en révéla des teneurs abjectes, disant qu’ «on m’a envoyé des vidéos dont les auteurs soutenaient que j’étais mort, que mon corps se trouvait dans la morgue, en attendant l’annonce officielle de mon décès ou encore qu’on m’a tiré dessus», affirmant que ces rumeurs étaient l’œuvre de 98 sites qui opèrent «chez nos voisins et diffusent depuis la France et l’Espagne», a-t-il affirmé.
Dans ce même contexte, il a naturellement abordé sa relation avec l’Armée, tordant le coup à ces mêmes rumeurs.
«L’Armée nationale populaire a atteint un niveau de professionnalisme qui la tient à l’écart de la politique. C’est une armée disciplinée qui applique les instructions du Président de la République, Chef suprême des Forces armées, ministre de la Défense nationale», a- t- il tenu à rappeler, avant d’asséner que «L’ANP est mon plus fort soutien. Elle protège la patrie, la Constitution et les frontières, et sans elle, les terroristes auraient pu infiltrer les marches populaires», soutiendra-t-il, dans cette veine.
Il a insisté à dire que «L’Armée est mon meilleur appui et ma meilleure écoute», fustigeant «ceux qui alimentent des rumeurs» faisant état de tensions entre lui et la haute hiérarchie militaire.
Hirak, le distinguo à faire
L’occasion pour lui de souligner encore que l’Algérie œuvrait, actuellement, à «retrouver ses forces et son leadership au plan régional, dans le respect de la souveraineté d’autrui, sans renoncer à sa souveraineté et à ses positions. Pour autant, «l’ANP ne sera pas envoyée à l’étranger», a-t-il martelé, en réponse aux spéculations forcenées sur le sujet, ajoutant que «L’Algérie est une force de frappe en Afrique», non sans expliquer que «Notre armée est forte et nous préserverons notre prolongement stratégique en Afrique ou ailleurs ; notre mission étant d’aider nos voisins à surmonter les étapes difficiles et les crises qu’ils traversent », a-t-il fait savoir. L’Algérie n’est sous le protectorat d’aucun pays», conclura le Président.
Avec la même tonalité, un zeste offensif, le Chef de l’Etat en est arrivé à l’actualité de l’heure, à savoir le mouvement populaire, appelé communément le «Hirak».
Rappelant que les 54 points inscrits dans son programme, lors de sa campagne électorale en pour la présidentielle de 2019 et qui lui a valu l’investiture à la tête du pays, il a égrené les réalisations faite sur ce plan, notamment l’annulation du 5e mandat, le changement du Gouvernement et la dissolution du Parlement, estimant avoir honoré ses engagements vis-à-vis des revendications, qui «ont été satisfaites», du Hirak.
Pas assez ? «Au deuxième anniversaire du Hirak populaire, le peuple est sorti pour commémorer cette occasion, une partie est sortie toutefois pour d’autres raisons qui ne sont pas toutes en phase avec les revendications du Hirak authentique», répond le Président.
S’agissant du crédo de la rue qui multiplie ses appels à une gouvernance «civile», il indiquera qu’un tel slogan «n’a pas changé depuis 15 ans. Soit depuis que cette catégorie a commencé à suivre des stages dans des pays africains et européens où on leur enseigne comment renverser le système de l’intérieur en utilisant le slogan «Etat civil et non militaire et autres», fera-t-il remarquer.
Il poursuivra, mettant en avant que «Le régime algérien est bien défini aujourd’hui. Le peuple algérien est sorti dans les rues et nous avons réalisé ses revendications. Le peuple a choisi les élections et préféré un changement institutionnel», faisant observer que le nombre des habitants des zones d’ombre et enclavées s’élevait à 8,5 millions d’habitants, ce qui constitue, à ses yeux, «un véritable appui au président de la République», a-t-il estimé.
Détenus : les amalgames à ne pas faire
Dans ce sillage, Tebboune, et en adoptant un ton plus ferme, a mis en garde contre une potentielle «une contrerévolution», tonnant que «Nul ne peut stopper le cours du changement !». Il a appelé, dans ce sens, au changement des mentalités afin de construire «une Algérie nouvelle», expliquant que «les changements sociétaux entrainent des changements institutionnels». De ce point de vue, il a affirmé que l’Etat a lancé les changements revendiqués par le peuple algérien, au moment où «des personnes, limitées à la mentalité sclérosée, réclament le changement, tout en refusant eux-mêmes de changer», a-t-il déploré.
Il clôt le chapitre, de par une salve à l’adresse de ceux qui «tentent de semer le désespoir chez les Algériens», les réduisant à «une minorité qui tente d’imposer ses opinions à une majorité silencieuse», a- t- il indiqué, avouant qu’il ne ressentait «aucune inquiétude» à l’égard des dernières marches, jugeant que le peuple algérien sortait pour «rappeler les mêmes revendications, exprimées depuis deux ans», a conclu le Président.
Un remanient gouvernemental partiel, par respect au peuple
Par ailleurs, Tebboune, a aussi glissé un mot sur les détenus et sur la grâce présidentielle qu’il a eu à décréter au profit de nombre d’entre eux.
Réfutant toute forme de pression sur la question, il a fermement maintenu que sa décision a été prise « en position de force, partant du principe de la promotion du pardon», fera-t-il savoir, indiquant que le nombre des détenus d’opinion ne dépassait pas «deux ou trois», ce alors que la majorité des personnes libérées étaient inculpés pour diffamation et outrage à l’encontre des institutions.
De fil en aiguille, Abdelmadjid Tebboune a bifurqué par le dernier remaniement partiel du gouvernement qu’il a opéré dans la dernière semaine de février.
C’est «par respect au peuple», laissera-t-il entendre, qu’il s’est abstenu d’aller au changement en profondeur à ce niveau, a-t-il avancé, qu’un tel changement allait inéluctablement intervenir après les prochaines élections législatives anticipées qu’il a décidé de tenir pour répondre réellement aux attentes du peuple.
Algérie- France, des relations au dessus de tout complexe ;
Le lobbying marocain à l’index
Et parce que le sujet reste de première importance, Tebboune a tenu à multiplier les gages de bonne volonté. Professant que les prochaines élections «ne ressembleront en rien à celles du passé», il a admis l’idée d’organiser les élections législatives et locales, «loin de l’argent, sale ou pas», fait-il remarquer, à la même date, notant qu’il s’agissait par- là d’une revendication légitime de la classe politique. Surtout, le Président de la République assure avoir accordé toutes les facilitations et les garanties à même de permettre à la frange des jeunes de participer à ces échéances, voyant que la Loi électorale amendée devra «permettre l’émergence de compétences, mais aussi la lutte contre l’argent sale qui prolifère encore au sein de la société».
Enfin dans son traveling à cœur ouvert, Tebboune a pris à bras le corps la question des relations entre l’Algérie et la France, que d’aucuns continuent de qualifier de tumultueuses.
Pas le Président algérien ? Face à la presse, celui-ci a asséné que loin de tout complexe vis-à-vis de l’ancien colonisateur, l’Algérie entretenait avec la France de bonnes relations, admettant en même temps l’existence de «lobbies en France qui cherchent à saper ces relations».
Mettant en avant sa relation «cordiale» avec le Président français, «qui a permis d’atténuer une certaine crispation dans les positions», fait-il observer, il a, néanmoins, pointé de «puissants lobbies en France», impliquant tout à la fois, un pays voisin, dans une allusion au Maroc, ainsi que des parties nostalgiques qui «ont perdu leur paradis et qui leur reste en travers de la gorge», a-t-il affirmé, révélant que le Président Macron, n’ignorait rien «du puissant lobby qui cherche à saper les relations entre les deux pays», a- t- il souligné.
Dans ce même contexte, et répondant, enfin, à la question mémorielle et la reconnaissance par la France de ses crimes coloniaux en Algérie, principalement les explosions nucléaires, le Président de la République a soutenu que «les bonnes relations de l’Algérie ne sauraient être au détriment de l’Histoire ou de la mémoire», dira-t –il, ajoutant que «Nous ne renoncerons jamais à notre mémoire qui ne peut faire l’objet de marchandage mais les choses doivent se régler intelligemment et sereinement».
A. K.