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Hassen Khelifati, PDG d’Alliance Assurances : « La commission de supervision doit être indépendante »

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Le PDG d’Alliance Assurances, Hassen Khelifati, insiste, dans cet entretien qu’il a bien voulu accordé au magazine Indjazat, sur la nécessité d’aller vers une réforme des textes réglementaires régissant le secteur des assurances en Algérie. Selon lui, des éléments de distorsion du marché nuisent, actuellement, à beaucoup de compagnies d’assurances. Ils ne seront endigués, soutient Hassen Khelifati, qu’avec la mise en place d’une réglementation « revue et corrigée », sous la supervision d’une commission indépendante.

Entretien réalisé par Hacène Nait Amara

Quel bilan Alliance Assurances a-t-elle réalisé courant 2021 ?
L’année 2021 est une année qui succède à une année 2020 très compliquée, à cause de la pandémie et de la conjoncture économique locale et mondiale où l’on a vécu une restriction de la mobilité des personnes et un recul économique important. Ce recul s’est ajouté à une crise économique qui a commencé en 2014, à laquelle on n’a pas apporté de réponse. En 2021, le marché national des assurances a réussi à se stabiliser, sans pour autant rattraper la régression qui s’était établie à (-9%) en 2020. Les éléments de distorsion du marché sont toujours là et sur le terrain, les choses sont difficiles, en plus des difficultés que rencontrent les ménages et les entreprises par rapport au recul de l’activité économique, à la perte du pouvoir d’achat et au chômage. Même si nous nous réjouissons des déclarations et orientations du président de la République de considérer l’entreprise privée ou publique comme étant une entreprise algérienne tout court, sur le terrain, nous continuons à subir l’exclusion des compagnies d’assurances privées d’accéder à certains marchés publics. Dans beaucoup de cas, même le secteur privé économique ne fait rien pour consolider la position du secteur privé des assurances.

Qu’entendez-vous par éléments de distorsion du marché ?
J’entends par là le dumping, le sous-provisionnement des sinistres non réglés, la concurrence déloyale, la discrimination, l’absence de marché de véhicules neufs et les difficultés de trésoreries que rencontrent les PME, ce qui se répercute sur la consommation des produits d’assurances ou le paiement des créances. Il faut savoir aussi qu’il y a une restructuration au niveau du ministère des finances qui a retardé l’installation de nouveaux membres de la commission de supervision. Techniquement, le volume des sinistres a augmenté de presque 60%, mais aussi celui des remboursements à cause de l’inflation, de la dévaluation du dinar et de la pénurie des pièces de rechange, avec des primes qui sont en baisse constante et permanente, c’est la course au chiffre d’affaires au détriment de la solvabilité et des règles prudentielles, nous allons au-devant d’une catastrophe systémique du secteur certaine. Selon certaines données, le volume des stocks sinistres non réglés double chaque 16 mois et la capacité de règlements diminue proportionnellement.

Dans sa dernière note de conjoncture, le CNA parle de croissance positive du secteur des assurances mais la qualifie de faible. Partagez-vous ce constat ?
Je dois d’abord rappeler que l’UAR a rendu public un communiqué où elle reconnait explicitement le dumping qui a provoqué un déséquilibre technique et financier aux compagnies d’assurance et de la nécessité du respect du protocole d’accord multilatéral des taux planchers. Un accord a été conclu pour arrêter un taux planché pour les réductions sur les prix de polices, mais son application n’est pas totale et des compagnies continuent leur fuite en avant. D’où le rôle de la commission de supervision qui doit sanctionner les compagnies qui ne respectent pas leurs engagements, qui bradent les tarifs et qui sont en incapacité réelle et financière à tenir leurs engagements et rembourser leurs sinistres. Quant aux chiffres de la croissance, le secteur a effectivement enregistré une croissance jusqu’au 3e trimestre de l’année passée, mais avec un recul de la branche automobile de (-4%). Le gros de la croissance a été réalisé par les risques industriels avec une forte progression du secteur public et une forte régression du secteur privé. Cela veut dire qu’il y a une forte tendance à exclure les compagnies privées des risques professionnels à travers divers actions discriminatoires de la part de certaines banques publiques qui exigent des assurances publiques, ce qui est interdit par la loi, c’est une lame de fond qui se consolide d’année en année, la part du secteur privé s’érode et elle est passé de 27 % et elle se dirige vers les 21 % dans pas longtemps. Il y a aussi un phénomène de certains intermédiaires qui utilisent le levier des cahiers de charges en introduisant des clauses discriminatoires contre le secteur privé. Ce qui est paradoxale, c’est que ce sont des privés qui combattent le secteur privé. Le mot est trop fort, mais c’est presque une guerre déclarée contre le secteur privé algérien des assurances, alors que les plus hautes autorités du pays interdisent cela et considère le privé comme une entreprise algérienne qui crée des emplois et disposent de capacités techniques et financières. Il faut dire aussi que la séparation entre l’assurance des personnes et l’assurance dommage n’a rien donné, de même que la banque assurance et l’assurance agricole qui n’ont que 2% des parts de marché. Tous ces aspects relèvent du régulateur qui doit intervenir et être un accompagnateur du marché, indépendant, sans discrimination ni complaisance. Il faut savoir que le taux de pénétration des assurances est de 0,71% depuis des années, alors que la moyenne mondiale est de 6% et la moyenne africaine est de 3%. Le taux de créances est également énorme qui frôle les 80 milliards de dinars environ et le taux de croissance est négatif en 2020 (-6%).
Le taux de règlement des sinistres est de plus de 36 %, données CNA, en raison des dumpings et la RC automobile est à 4 000 dinars en moyenne, alors que chez nos voisins, elle est à 20 000 et 30 000 dinars. Il faut savoir ce qu’on veut réellement : assumer le coût réel des assurances, ou bien faire semblant de s’assurer et de rembourser.
Une assurance au rabais ne peut pas construire un secteur viable et fiable.

Qu’elle est, au juste, cette autorité devant faire respecter la réglementation et veiller sur le bon déroulement des activités du secteur ?
Il y a la commission de supervision des assurances, instituée par la loi 06/04 de 2006 relative aux assurances. Malheureusement, cette autorité, au-delà de la compétence des personnes, de leur probité ou impartialité, peut être considérée, sur certains égards, comme juge et partie, étant donné que le directeur général du Trésor est lui-même le président es-qualité de la commission de supervision des assurances et propriétaire des compagnies publiques et président de leurs assemblée générale en absence du ministre des finances. C’est la raison pour laquelle nous avons proposé qu’il y ait une commission indépendante. Cette proposition aurait été retenue dans la réforme prochaine de la loi 95/07, mais aussi d’autres propositions notamment la révision de l’article 17 sur le paiement des contrats d’assurance, qui a été utilisé à mauvaise escient, à cause d’une interprétation erronée.

C’est pourquoi vous insistez toujours qu’il y ait une réforme profonde et urgente des textes régissant le secteur des assurances.
Nous travaillons depuis 2016 sur cette question des réformes. Aujourd’hui, dans le programme du Gouvernement, la réforme de la loi sur les assurances occupe une bonne place. Nous avons fait plusieurs propositions et nous attendons qu’elles soient prises en considération dans la réforme du texte qui régi le secteur pour donner un nouveau essor a notre secteur faute de quoi nous craignons pour l’avenir du secteur

L’assurance contre les catastrophes naturelles (Cant-Nat) n’attire toujours pas des souscripteurs. Que faire devant ce problème ?
Ce problème trouve son origine d’une doctrine. L’Etat algérien se considère comme l’assureur principal dans le pays. En cas de catastrophe naturelle, il y a l’Etat qui est là pour intervenir. Cela neutralise la nécessité d’aller s’assurer contre les risques de catastrophes naturelles, que ce soit les inondations, les incendies, les séismes ou autres… Mais nous avons constaté, aujourd’hui, une prise de conscience et les pouvoirs publics sont maintenant favorables à un changement de paradigmes et à ce que l’assurance contre les catastrophes naturelles soit soumise aux mécanismes économiques. Plusieurs modèles peuvent être proposés : la souscription obligatoire, la subvention partielle de l’Etat, ou encore le modèle qui intègre cette assurance dans la facture d’électricité et de l’eau. Mais il faut aussi trouver d’autres mécanismes plus souples et plus adaptés pour inciter les souscripteurs à adhérer à cette assurance.

La branche automobile représente le gros du chiffre d’affaires des compagnies d’assurances, alors que depuis quelques temps le marché n’offre plus de véhicules neufs. Quel est l’impact de cette situation sur votre compagnie ?
Cela a eu un impact très négatif. Mais je crois que même si le marché de l’automobile revienne à ce qu’il était auparavant, la situation ne changera pas beaucoup si on ne règle pas le problème du dumping et de fuite en avant de certaines compagnies.

La digitalisation se développe rapidement au sein des compagnies d’assurances. Qu’en est-il à Alliance Assurances ?
Nous avançons bien dans ce domaine car nous avons acquis un nouveau logiciel, 100% algérien, que nous sommes en train d’intégrer pour être déployé au début de cette année. Cela va nous permettre d’avoir beaucoup d’agilité sur notre réseau, de donner plus de flexibilité à nos collaborateurs et de procéder à un changement de notre organisation. Nous avons un plan global de digitalisation des processus internes et nous allons consacrer l’année 2022 pour le déploiement de notre nouveau système d’information afin de mobiliser tout notre réseau pour la conquête commerciale et la gestion de la relation client qui sera pilotée par des back-offices centralisés. Mais je dois dire que la digitalisation ne se fait pas sur le mobile ou le satellitaire. Elle doit se faire sur le filaire et le réseau internet Algérie Télécom doit répondre à cet impératif et la nouvelle économie E-commerce.

Cela va-t-il vous amener à réduire vos agences ?
Il y aura un redéploiement de la ressource humaine de la compagnie et on pourra même faire des agences virtuelles. Bien entendu, cela se fera par étapes, d’autant que la réglementation n’est pas encore prête. Notre priorité est de donner plus d’agilité et de flexibilité à nos agences, mais aussi au client qui n’aura plus besoins de se déplacer en agence pour un quelconque service.

De nouveaux produits pour cette année ?
Il y aura certainement de nouveaux produits, puisque nous lancerons le e-commerce et le paiement en ligne, avec une nouvelle approche qui n’a pas été testée par le marché. L’année 2022 sera celle des services qui vont aller à plus de dématérialisation et de digitalisation.
L. M.

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