Un secteur taillé sur mesure pour elle ? En héritant du portefeuille de l’Environnement, Fatma Zohra Zerouati savait à quoi s’en tenir, elle qui avait longtemps côtoyé les préoccupations des citoyens et leurs vicissitudes quotidiennes, via son émission populaire sur les plateaux de l’ENTV. Dans cet entretien, elle esquisse les projections de son département avec ce message clair et sans appel en filigrane : rien ne se fera sans le précieux concours du citoyen dans un créneau aussi complexe que la gestion des déchets et qui l’implique en tout premier lieu !
Interview réalisée par B. Titem
Vous avez mis en place une feuille de route pour passer du mode de gestion de déchets traditionnels à l’économie circulaire. Est-ce que vous avez fixé un échéancier, une date limite pour ce passage ?
Pour passer à la réalisation des objectifs de développement durables, l’Algérie est tenue par un engagement ferme. Il va y avoir des commissions sectorielles. Chaque commission sera placée au niveau des différents secteurs et commencera, ainsi, son travail.
L’on a aussi le plan national- climat, qui a été adopté, et où a enregistré 150 actions impliquant tous les secteurs, déjà tenus par des projets de quinquennat jusqu’en 2024.
A partir de 2024, il y aura inscription d’autres projets, et dont un volet impose d’explorer les voies d’aller vers l’atténuation des déchets et de lutte contre le changement climatique.
Ces projets qui sont liés à l’économie verte, la valorisation de déchets et des ressources, la diminution des émissions à effet de serre sont, au final, des projets qui se complètent.
Ainsi, c’est toute une approche qui doit faire changer toute une vision. C’est pourquoi j’estime qu’il faut aller vers un changement au sein de la société afin de sensibiliser le citoyen pour adopter de nouveaux comportements qui cadrent avec les objectifs du développement durable. C’est pour cela que je considère que l’enjeu de l’économie circulaire est l’affaire de tous.
Tout cela suppose une stratégie bien assise ?
En fait, nous soulevons plusieurs stratégies auxquelles nous devrons impérativement souscrire : une stratégie de gestion intégrée des déchets et une autre, liée au mode de changement de consommation durable pour lesquelles nous devons opter ; sans, pour autant, omettre le plan national- climat et l’état de l’environnement de l’Algérie et qui est en voie de finalisation. Pour ce faire, nous nous attelons à mettre en place une stratégie, également et fixer un échéancier qui sera élaboré de concert avec tous les secteurs.
Vous vous êtes toujours appuyée sur l’expérience allemande, pourquoi ?
Nous restons ouverts à toutes les expériences, pas forcément l’expérience allemande, même si je dois dire que l’expérience allemande s’avère une vraie réussite et sur laquelle nous nous appuyons du fait que nous travaillons beaucoup plus sur la gestion des déchets.
Je rappelle que pour le premier salon des énergies renouvelable, nous nous sommes frottés aux expériences, coréenne et chinoise. Donc, nous essayons d’apprendre de toutes les expériences car il ne faut pas oublier que nous avons un pays qui est immense, un quasi continent où Il y a une variété climatologique qui permet d’embrasser plusieurs solutions.
Maintenant nous ne sommes pas obligés d’apporter le même modèle pour toutes les willayas mais aller vers des expériences variées pour peu qu’elles soient avérées et qui prouvent leur efficacité.
L’Algérie produits environ 34 millions de tonnes de déchets, dont 13 millions de détritus ménagers, des chiffres énormes?
Tout à fait. Le problème, si nous ne faisons rien et si nous ne prenons pas à bras le corps l’économie circulaire, nous allons arriver d’ici 2030 à 74 millions de tonnes de déchets. Chose qui sera très lourde à porter.
Voyez dans quel état nous sommes avec les 34 millions de tonnes, en dépit de tous les moyens consacrés à l’éradication de déchets. En 2030, et vu sous cet angle, les choses vont empirer si nous n’adoptons pas de nouveau modèle de gestions de déchets. Aussi, je dis que nous avons une date butoir qui est déjà là. Donc, Il faut arriver à un maximum de valorisation, au moins à hauteur de 30-40 % des déchets.
Pouvez-vous nous donner une idée de ce que peuvent représenter 40% de déchets à valoriser, en termes de valeur fiduciaire ?
Ce sont des gisements que les experts ont pu évaluer. Ils ont travaillé sur des données de 40 milliards de dinars par an. Soit l’équivalent de 100 000 emplois créés et dont plus 30 000 emplois directs.
Il faut savoir que c’est toute une économie avec tous ses aspects d’économie durable. Il reste que le citoyen doit prendre place dans cette chaine pour pouvoir permettre au cercle de rester bien solide, ne pas nuire à l’environnement et à sa propre santé et ,également, remplir les caisses de l’Etat. Nous sommes condamnés à toujours chercher des alternatives de façon perpétuelle car ce que nous détenons aujourd’hui, peut être frappé de péremption, demain.
En fait, la seule énergie qui est inépuisable reste la ressource humaine. Nous investissons sur cette ressource et allons vers des alternatives de tout ce qui est renouvelable. Il faut revoir notre façon de consommer, changer la façon de voir nos déchets et notre comportement devant cet épiphénomène.
C’est, à mon sens, de cette façon que nous pourrons avancer à pas plus rapides et gagner du temps et non pas mettre 30 ans, comme c’est le cas de certains pays, pour arriver à la panacée.
Vous restez optimistes, s’agissant d’atteindre vos objectifs ?
Je suis optimiste et je le resterai car que je crois en le citoyen, à la jeunesse qui a cette volonté d’aller vers un changement durable. Nous en avons eu un échantillon à travers la campagne que nous avions initiée contre l’utilisation du sachet en plastique et où nous avons relevé le degré de conscience du citoyen qui avait multiplié les bonnes initiatives dans ce sens.
B. T.