Dans cet entretien accordé au magazine Indjazat, l’économiste Abdelhak Lamiri a décortiqué la situation économique de l’Algérie à la lumière de la crise sanitaire qui a frappé de plein fouet l’économie mondiale. Dr Abdelhak Lamiri parle d’un coup fatale pour les entreprises de certains secteurs d’activité qui éprouveront d’énormes difficultés à se relever de cette crise. Toutefois, l’économiste ne s’est pas uniquement contenter d’établir le constat de cette crise, mais préconise des mesures à même de permettre aux entreprises de s’immuniser contre de telles crises à l’avenir.
Entretien réalisé par Hacène Nait Amara
La crise sanitaire due à la pandémie du Covid-19 a énormément impacté l’économie nationale. Selon vous, comment les entreprises devraient-elles agir pour faire face à cette crise ?
La pandémie du Covid-19 a pris de court les Etats et les entreprises. C’est une situation inédite qui a surpris tout le monde. Même de grandes entreprises internationales connaissent des situations alarmantes et risques de faire faillite (Boeing par exemple). Les meilleures entreprises font une prévision pour une chute d’activité d’une à deux années. Mais les ressources financières sont investies ailleurs et dés lors que pour une raison inconnue l’activité de l’entreprise chute on pourrait alors résister un choc pareil pendant une à deux années. Nous n’avons pas cette culture managériale donc nos entreprises souffrent énormément. Elles doivent tout faire pour sauver l’activité. Des efforts à commencer par la baisse des salaires du personnels, l’encadrement y compris, doivent opérées dans pareille situation. Il faut faire la chasse aux surcouts. Demander le report des paiements des dettes, des impôts et taxes ainsi que les cotisations sociales. Certaines entreprises auront besoin d’emprunts mais bien échelonnés afin de ne pas trop affecter la trésorerie à moyen terme. Enfin pour les entreprises stratégiques l’Etat devrait procéder également à des subventions qui se justifieraient par la nature de ces entreprises.
Quels sont d’après vous les secteurs qui auront le plus de difficultés à reprendre une activité normale post-pandémique ?
Tous les secteurs auront des difficultés à court terme car toutes les activités ont été impactées. Mais certains secteurs ce sont mieux repris que d’autres à l’instar de ceux de l’agriculture et de l’industrie vont progressivement reprendre une grande partie de leurs activités. Ce sont surtout les services qui vont payer un lourd tribut. Le tourisme, la restauration, les sociétés de conseil, la communication, le transport, l’hôtellerie et le reste vont connaitre des situations très difficiles sur une très longue période.
Face à cette situation, le gouvernement a pris des mesures pour apaiser l’impact de cette crise. A votre avis, ces mesures sont-elles suffisantes ? Sinon, quelles sont les mesures qui vous paraissent plus judicieuses ?
Il y a des décisions judicieuses prises par l’Etat qui ont d’ailleurs été prise un peu partout dans le monde. Le report de dettes fiscales, le différé de paiement des emprunts et l’ajournement des cotisations fiscales vont toutes dans la bonne direction. Ainsi, la mise en place de dettes bancaires pour soulager la situation financière est aussi une bonne approche. Ces actions seront suffisantes pour certaines entreprises mais pas pour d’autres. Il y a certaines qui vont très probablement disparaitre. Je site par exemple l’activité des artisans qui vivent au jour le jour et qui travaillaient surtout au sein de l’économie informelle. Il faudrait retenir des leçons pour le futur. Il faudrait mettre en place deux dispositifs importants pour éviter un tel dérapage. Le premier concerne une assurance activité : ce serait un fonds alimenté volontairement par les entreprises qui vont s’assurer contre des dommages causés par des phénomènes non liés à leurs activités. Le second serait un programme public qui achèterait des heures de travail disponibles de toute personne qui en fait la demande et les orienter vers la production de produits stratégiques qu’on importe maintenant comme la production de céréale, de lait et de produits pharmaceutiques stratégiques…etc. mais ce serait long à détailler. Ces deux programmes règleraient une fois pour tout le problème des chocs économiques externes.
Le président de la République a affirmé récemment qu’il compte lancer une vraie « révolution économique » dans le pays. Au point où en est l’économie nationale, cette révolution est-elle facile à réaliser ?
Un programme qui va révolutionner l’économie est possible. Je l’ai proposé dans mon dernier ouvrage d’une manière détaillée : «La décennie de la dernière chance (Chihab Editions)». Il contient les politiques macros, méso et micro à mener en vue de devenir un pays émergent. Mais un programme de ce genre nécessite une très grande expertise. Il est très facile de se tromper. Comme on le dit souvent : le diable est dans les détails. Il nous faut toute une équipe d’experts pluridisciplinaires à laquelle on donne toutes les informations disponible pour élaborer un tel projet.
Je dirais que c’est possible mais extrêmement difficile à concevoir et surtout à exécuter. Le problème concerne l’ensemble des activités et des politiques sectorielles.
H. N. A.