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Digitalisation : Perspectives prometteuses pour les techs algériennes

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La digitalisation de l’économie s’accélère en Algérie. Cette dynamique s’appuie sur l’émergence de plusieurs startups -dont certaines sont devenues des success stories en un laps de temps- mais pas seulement. Ce nouvel élan pour la numérisation s’appuie également sur une volonté politique claire qui pousse en faveur de la numérisation, en mettant en place des facilitations au profit des startups et un écosystème favorable à l’émergence de pépites algériennes. Cet élan doit embarquer également avec lui toute une autre catégorie d’acteurs, dont les banquiers, les établissements de financement et des partenaires étrangers, selon les participants au panel axé sur « l’intégration croissante des tech et services dans l’économie », tenu à l’occasion de la 14ème édition des Rencontres Algérie, organisées à la mi-mars, au siège de Business France à Paris.

Par notre envoyé spécial à Paris Hacène Nait Amara

Parmi eux, Yacine Belkessam, Directeur général d’Atos Algérie, Imane Boumaza, Directrice général d’Altius Services, Adel Amalou, CEO d’Incub Me et Noureddine Taybi, fondateur et CEO de Yassir, tous gèrent des startups prometteuses et incubateurs proposant divers services et des solutions innovantes en faveur de la numérisation. Incontestablement, Yassir s’est faite une place de choix dans le monde de la numérisation des services en Algérie. C’est une application 100% algérienne, développée par deux ingénieurs algériens, Noureddine Tayebi et Mehdi Yettou en l’occurrence. Tout a démarré d’un simple constat, raconte Noureddine Tayebi, alors ingénieur chercheur dans la Silicon Valley ; « nous avons remarqué que les dépenses des ménages algériens se concentrent essentiellement sur l’alimentation et les transports. Il fallait alors développer une solution de qualité et un service transport à la demande. Ce à quoi nous avons pensé en développant l’application Yassir », raconte Noureddine Yayebi, issu de l’école Polytechnique d’Alger. Yassir a vu le jour en 2017 et s’est imposée comme une référence dans le monde des startups et du service à la personne. « Il fallait faire vite pour prendre une importante part de marché pour que même si d’autres venaient à accéder au marché, nous aurions eu une bonne longueur d’avance. Nous avons misé sur la croissance rapide pour obtenir une bonne part de marché dès le début ». Ainsi, était donc la stratégie de Yassir. En cinq ans, la startup revendique plus de quatre millions d’utilisateurs dans plusieurs villes algériennes, mais aussi au Maroc, en Tunisie, au Canada et en France. Yassir met le cap désormais sur d’autres pays de l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique subsaharienne. Mais pas seulement. La pépite entend diversifier davantage son activité en misant sur d’autres créneaux, dont les services de banque en ligne qu’elle entend lancer en France dès le troisième ou quatrième trimestre de l’année en cours. Le service s’adresse aux Maghrébins établis en France pour leur faciliter le transfert de l’argent et autres services au profit de leurs familles établies en Algérie. « Nous avons finalisé des produits et nous attendons l’obtention des licences nécessaires pour leur lancement. Il s’agit de faire dans les services d’une banque en ligne. Nous avons déjà des équipes en France ; plus de 30 personnes réparties sur les services d’Engineering, du marketing et de l’opérationnel », explique Noureddine Tayebi aux participants aux panel dédié à « l’intégration croissante des tech et services dans l’économie ». Yassir s’est faite distinguée depuis peu par une levée de fonds spectaculaire sur le marché américain, nécessaire pour les besoins de son développement. Yassir a démontré que le contenu algérien peut être performant et compétitif, selon son fondateur, et que les ingénieurs issus des écoles algériennes ont des choses à prouver.

La digitalisation s’accélère en Algérie

« Nous voulons démontrer également que ces compétences ne sont pas intéressées uniquement par les marchés d’ailleurs et que le contraire pouvait se traduire », témoigne-t-il. Yassir est carrément « un exemple à suivre », « un vrai succès », selon Adel Amalou, CEO d’Incub Me, un incubateur algérien qui accompagne les startups sur le chemin de la performance. Adel Amalou nourrit un bel optimisme quant à l’avenir des startups en Algérie. « D’ici 2025, nous aurons pas mal d’autres startups qui se lanceront notamment dans la fintech, la greentech et dans d’autres divers services. La digitalisation s’accélère. Je peux vous dire que depuis maintenant plus de deux années, nous avons fait un pas de géant dans l’écosystème dédié à l’émergence des startups.

Nous sommes passés carrément d’une situation où les startups n’étaient même pas reconnues en Algérie sur le plan légal, à une situation où les startups sont au cœur de la stratégie économique et de digitalisation avec un ministère qui leur est complètement dédié. L’objectif principal est de faire de l’Algérie un acteur régional dans le domaine des startups d’ici 2025 à 2027. Le mouvement s’accélère dans le bon sens », estime le CEO d’Incub Me. C’est un acteur qui a blanchi sous le harnais dans le domaine de la numérisation. Ses deux plus grands partenaires en Algérie sont Société Général et le groupe Castel. Adel Amalou estime que « la France peut être un partenaire stratégique dans ce mouvement et cet écosystème en faveur de la digitalisation. Les grands groupes français s’y intéressent et savent que l’Algérie peut se positionner avec eux en Afrique ». Si les startups du niveau de Yassir ne sont pas encore nombreuses, certaines poussent et évoluent à vive allure. C’est le cas de la jeune pousse française Heetch qui commence à se frayer un chemin sur le marché algérien. Un exemple on ne peut plus franc, selon Adel Amalou, de l’intérêt qui commence à se cristalliser pour le marché algérien. « Naturellement, il faut que les startups françaises s’intéressent à l’Algérie. C’est un marché immense et prometteur », estime-t-il. Pour ce qui est d’Incub Me, un plan d’action s’intéressant à l’Afrique a été mis en place depuis quelques années déjà. « C’est une stratégique murement réfléchie et dont l’objectif est de s’exporter vers l’Afrique. Notre stratégie consiste, entre autres, à aider des jeunes africains à monter leurs startups pour qu’ils puissent s’implanter dans leurs pays d’origine », soutient-il. Il n’y a pas que Yassir et Incub Me qui ont des envies d’ailleurs tout compte fait. Même Altius Services, qui fait déjà de l’offshoring compte s’installer désormais sur le continent européen, plus précisément en France, pour être au plus près de ses grands partenaires. « Vu le nombre important de clients que nous avons en France, nous avons décidé de s’y installer. Nous y travaillons, notamment sur les aspects financement et ressource humaine », a indiqué la Directrice générale de Altius Services, Imane Boumaza. Altius Services et Altius Contact sont deux sociétés jumelles implantées en Algérie, activant dans le domaine de l’import/export de services. Leurs carnets de commandes ne désemplissent pas. « Depuis fin 2022 et début 2023, nous sommes sollicités principalement par des startups qui sont basées en France, principalement à Marseille et qui nous sollicitent pour la vente de leurs produits en Algérie ». Intégrateur de solutions CRM (gestion de la relation client), Altius propose un service sous forme de gestion relation client (prise de rendez-vous, vente direct, service client, enquête de satisfaction…). Sur la partie ERP (Enterprise Resource Planning), Altius fait dans la vente, en Algérie, des solutions proposées par ses partenaires français.

Des envies d’ailleurs

« Nous avons une forte demande notamment des grands groupes. Nous avons signé l’année dernière un projet avec Cevital sur la partie agro qui consiste à mettre en place un service ERP pour toute la production de la filiale agro ». L’Algérie est encore un marché vierge, malgré tout ce qui se fait aujourd’hui dans le pays sur le front de la numérisation, croit Imane Boumaza. « La digitalisation est là, elle est concrète, mais elle ne s’accélère pas assez malgré tous les avantages qu’on commence à avoir. Les PME et les TPE ne s’équipent pas assez et manquent de personnes qui ont cette vision de digitalisation », estime la patronne d’Altius, comme pour dire toutes les opportunités en matière d’investissement dans la digitalisation et dans les services aux startups. Atos Algérie ne cache pas, non plus, son ambition de se lancer dans d’autres projets en Afrique. Depuis quelques années, Atos Algérie fait déjà de l’exportation de ses services vers l’Afrique. « Sur le marché africain, nous avons développé des expertises sur des sujets pointus. Cette part de projets continentaux et cet export de services devront accroitre au moins sur les trois à cinq années à venir », fait constater Yacine Belkessam, Directeur général d’Atos Algérie. En Algérie, son entreprise est présente déjà dans divers domaines où elle s’est investie particulièrement sur les aspects infrastructures de base et sur l’animation d’applicatifs dans les secteurs de la finance et de l’assurance. Sur cet élan digital qui prend forme en Algérie, Yacine Belkessam estime que la numérisation est là, mais il faut encore aller plus vite en mettant à profit la volonté politique affichée par le gouvernement. « Il y a des initiatives gouvernementales pour le développement et l’accélération de la digitalisation. Il y a également une volonté politique de donner un coup de pouce au numérique et au marché, mais il y a de la résistance pour certaines raisons », estime le Directeur général d’Atos Algérie. Quoi qu’il en soit, ce mouvement au profit de la digitalisation est irréversible et les startups et les investisseurs prennent place dans le marché où tout reste à faire. « Il y a un intérêt pour l’Algérie, matérialisé par l’installation de quelques structures. Le marché doit croitre davantage à la faveur de plusieurs facteurs, dont le retour de l’expertise algérienne d’ailleurs pour intégrer ou lancer des projets en Algérie. C’est un phénomène que nous avons constaté depuis quelques années où l’Algérie, qui était considérée plutôt comme un réservoir à compétences qu’il faut pomper, connait aujourd’hui une autre tendance qui se caractérise par cette expertise qui revient au bercail ». De quoi nourrir beaux espoirs quant à l’avenir des tech en Algérie.

H. N. A.

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