Doté d’instruments d’ordre institutionnel, juridique et financier, l’aquaculture jouit actuellement d’un environnement répondant aux besoins que suscite le développement d’une aquaculture durable à même de permettre l’amorcement du processus d’intégration des différentes filières aquacoles et des activités connexes dans l’économie nationale.
Par Achour Nait Tahar
Le Programme de développement durable à l’horizon 2030 tel que tracé par les politiques mondiales, correspond à la vision d’un monde plus juste et pacifique dont les objectifs fixés par rapport à la pêche et de l’aquaculture et la contribution à la sécurité alimentaire et à la nutrition, ainsi que l’utilisation des ressources naturelles, dans un souci de développement durable sur les plans économique, social et environnemental.
Selon les dernières données mondiales, le secteur de l’aquaculture continue de croître plus rapidement que les autres grands secteurs de la production alimentaire, même s’il ne bénéficie plus de taux de croissance annuels aussi élevés que ceux enregistrés dans les années 1980 et 1990 (respectivement 11,3 pour cent et 10,0 pour cent, hors plantes aquatiques).
Selon la FAO, la production aquacole mondiale enregistrée en 2016, comprenait 80 millions de tonnes de poissons de consommation et 30,1 millions de tonnes de plantes aquatiques, ainsi que 37 900 tonnes de produits destinés à une utilisation non alimentaire. Cette production élevée concerne beaucoup plus les élevages en eau douce.
Tous les ans depuis 1991, la Chine, est le principal producteur de poisson d’élevage destiné à la consommation, plus que tous les autres pays du monde réunis. La Chine et l’Indonésie étaient de loin les plus grands producteurs de plantes aquatiques en 2016. C’est ainsi, qu’en 2016, la valeur totale de la production halieutique et aquacole était estimée à 362 milliards de dollars USD, dont 232 milliards d’USD provenaient de l’aquaculture soit 64%.
Selon les statistiques mondiales, ce secteur d’activité qui est en croissance continue, a enregistré en 2016, quelque 59,6 millions de personnes y travaillaient (à temps plein, à temps partiel ou ponctuellement) dont 19,3 millions de personnes dans l’aquaculture soit 32,4%. Il a été déterminé que près de14 % de ces travailleurs étaient des femmes. La part des personnes employées dans la pêche de capture a diminué, passant de 83 % en 1990 à 68% en 2016, tandis que celles employées dans l’aquaculture a augmenté, passant de17% à 32% pour les mêmes périodes. Malgré des difficultés enregistrées dans le secteur aquacole au niveau de quelques pays développés, sa croissance demeure importante en particulier en Afrique et en Asie, où il contribue de plus en plus à la croissance économique et à la lutte contre la pauvreté.
Il est certain que les crises alimentaires de ces dernières décennies, notamment celle de 2007-2008, ont confirmé le caractère crucial et sensible de la question de la sécurité alimentaire à l’échelle mondiale, mais surtout pour les pays les plus vulnérables.
Pour permettre aux pays en développement d’assurer leur sécurité sur le plan alimentaire, il faut que le développement agroalimentaire se fasse selon le respect du principe de durabilité aussi bien sur le plan économique, social qu’environnemental. Ainsi, une dynamique a été déployée, ces dernières années, par le Ministère de l’Agriculture, du Développement Rural et de la Pêche, à travers l’élaboration d’une politique active pour le développement durable de la pêche et de l’aquaculture, en associant toutes les parties prenantes. A cet effet, des moyens financiers, humains et matériels ont été mobilisés pour élaborer une Stratégie Nationale de Développement de la Pêche et de l’Aquaculture à horizon 2020.
De même, et dans le cadre de la politique sectorielle de recherche, il a été procédé à la mise en place d’un Centre National de Recherche pour le Développement de la Pêche et de l’Aquaculture (CNRDPA). Les travaux de recherche de ce centre seront dirigés beaucoup plus vers une recherche appliqué et servira d’outil de décision pour l’administration chargée de la pêche et de l’aquaculture.
La promulgation d’une loi cadre de la pêche et de l’aquaculture et d’une stratégie de développement AQUAPECHE 2020 ont constitué désormais le cadrage général de l’action du département pour faire de la pêche et de l’aquaculture un secteur stratégique et porteur d’espoir et de richesse. Les objectifs affichés dans ce plan stratégique sont certes ambitieux mais ne sont pas impossibles si les conditions et les moyens nécessaires sont réunis.
Ces objectifs qui visent une production de 200 000 tonnes, dont 100 000 tonnes issues de l’aquaculture, constituent le grand défi de ce plan d’action. Pour atteindre ces résultats, le secteur des pêches a tracé plusieurs objectifs à savoir l’amélioration de l’accès des algériens aux produits d’aquaculture en vue d’atteindre à l’horizon 2030 un taux de consommation des produits de pêche de l’ordre de 6.2 kg/ha/an, la mise en place de tous les outils et mécanismes nécessaires pour assurer une exploitation durable des ressources halieutiques.
Pour réaliser ces objectifs il faut au préalable réunir certaines conditions à savoir, la disponibilité des ressources aquacoles nécessaires pour atteindre le cap de 100 000 tonnes ; disposer d’un système de gestion et d’aménagement des Zones d’Activités Aquacoles (ZAA) adaptés ; mobilisation des acteurs privés et publics autour de l’objectif en question, disposer des moyens financiers, matériels et humains. Il faut également disposer d’une main d’œuvre professionnelle jeune ; valorisation des investissements publics et privés et ce au plan rentabilité et durabilité ; création et consolidation des emplois et enfin la création de nouvelles opportunités de développement à travers le désenclavement économique et l’accès à diverses sources de vie et d’emplois permettant une meilleur valorisation des ressources naturelles du milieu et une amélioration des conditions de vie durables des populations du littoral ou des zones continentales notamment des zones rurales.
Au plan des potentialités naturelles en aquaculture maritime et continentale les opportunités sont beaucoup plus perceptibles mais demeurent soumises aux contraintes de savoir-faire scientifique, technique et technologique. Cependant, depuis l’année 2000, le secteur aquacole a connu un grand essor, et ce à travers les moyens humains, financier et technique d’accompagnement mis en place par le secteur. Ces accompagnements englobent surtout la réalisation d’infrastructures de démonstration, d’expérimentation et de formation. Ces infrastructures qui sont au nombre de 14, concerne les filières de pisciculture marine, de pisciculture d’eau douce, de conchyliculture et crevetticulture.
Le fonctionnement des 14 stations de recherches, ont permis la production jusqu’en 2018 de plus de 100 millions de larves de poissons destinées aux repeuplement des plans d’eau naturel et artificiel à travers les 48 wilayas du pays. Egalement, il a été produit plus de 2 tonnes de crevettes de taille commerciale et plus de 5 millions de post larves de crevettes locale ont fait objet d’ensemencement en mer.
La production aquacole actuelle provient essentiellement de la pisciculture marine en bassin et en cages flottantes pratiquée par des opérateurs privés, la conchyliculture pratiquée par des opérateurs privés produisant quelques dizaines de tonnes de moules méditerranéennes et d’huîtres creuses, la pisciculture d’eau douce en bassins et en cages flottantes. Elle provient également de la pêche continentale exercée par des concessionnaires privés au niveau des barrages et des retenues collinaires, pour des espèces telles que la carpe commune, les carpes chinoises, le sandre, le black bass et le barbeau, la pisciculture intégrée à l’agriculture exercée au niveau des exploitations agricoles par des agriculteurs, pour des espèces telle que Tilapia et poisson chat, la pêche lagunaire en eau saumâtre et en eau douce dans l’Est du pays, dans la wilaya d’El Tarf, est pratiquée par des concessionnaires privés, selon un cahier des charges, dans le cadre d’une préservation de la zone qui a un statut particulier. Les espèces capturées sont diverse (dorade royale, mulets, anguille, sole, bar européen, sar, palourde, huître, marbré, crevette,…)
Suite aux efforts déployées par le secteur aquacole, dans l’accompagnement des investisseurs pour la concrétisation de leurs projets, et ce, aussi bien sur le plan technique qu’administratif, il est enregistré actuellement l’entrée en production de 62 projets, dont 33 projets en aquaculture marine et conchyliculture et 29 projets d’aquaculture d’eau douce. Certains de ces projets ont même bénéficié du soutien de l’état financièrement dans le cadre du plan de soutien à la relance économique.
L’entrée en exploitation de ces projets, a permis une augmentation de la production aquacole, passant de 641 tonnes en 2004, à 4 200 tonnes en 2017, toute filière confondue. La production, constituée pour 80 pour cent de poissons d’eau douce, résulte en grande partie des campagnes régulières d’empoissonnement de retenues collinaires et des barrages avec des larves et des alevins de carpe commune, de carpes chinoises, issues des opérations de reproduction artificielles qui sont effectuées par le Centre de Recherche (CNRDPA) au niveau des écloseries pilotes que le secteur de la pêche et de l’aquaculture a réalisé, à l’Est , à l’Ouest et au Sud du pays.
Le Centre de Recherche CNRDPA, à travers ses-équipes techniques spécialisées assure des formations théorique et pratique aux profits des agriculteurs, et ce dans une perspective de développement de l’activité pisciculture intégrée à l’agriculture, et permettre ainsi aux fellah une diversification des revenus, de meilleurs rendement des productions, et également une utilisation rationnelle des eaux d’irrigation en minimisant le recours aux engrais chimiques pour le traitement des mauvaises herbes, vu que les eaux de rejets piscicoles sont enrichies en matière minérale et organique.
Actuellement, l’activité pisciculture intégrée à l’agriculture connait un engouement important auprès des agriculteurs. Le nombre d’agriculteurs qui ont été formés dans ce domaine d’activité a atteint 2 600 fellahs, et ceux pratiquant la pisciculture le nombre a atteint les 1400. Doté d’instruments d’ordre institutionnel, juridique et financier, l’aquaculture jouit actuellement d’un environnement répondant aux besoins que suscite le développement d’une aquaculture durable à même de permettre l’amorcement du processus d’intégration des différentes filières aquacoles et des activités connexes dans l’économie nationale.
La politique sectorielle engagée par le Ministère de l’Agriculture, du Développement Rural et de la Pêche pour le développement de l’aquaculture accorde une importance capitale au développement des filières d’activités ayant un grand rendement et une haute valeur commerciale. L’ensemble de projets en cours d’exploitation visent à la contribution à la sécurité alimentaire des populations et à la création d’emplois.
Mais face à tous les efforts déployés pour l’encouragement à l’investissement productif, le secteur aquacole rencontre certaines difficultés qui risquent d’entraver le bon déroulement et la mise en œuvre des objectifs tracés dans le plan aquapêche 2020 en matière d’investissement. Ces contraintes sont liées surtout au manque de terrain pour l’installation de ferme à terre surtout pour le développement de l’aquaculture d’eau douce, également la dépendance à l’importation pour tout ce qui est intrants (aliment et alevins) et matériel d’aquaculture. Ces obstacles risquent de freiner l’investissement.
A. N. T.