Des opérateurs économiques, des investisseurs et des responsables d’organismes et d’institutions publiques et privés ont participé à une conférence organisée par le Crédit Populaire d’Algérie (CPA), à Alger, dans le cadre de la tournée explicative de l’opération de son introduction à la Bourse d’Alger.
Par Hacène Nait Amara
Cette opération, rappelons-le, fait suite à la décision de la Commission d’organisation et de surveillance des opérations de Bourse (COSOB) qui avait apposé, en janvier dernier, son visa sur la notice d’information concernant l’offre publique de vente (OPV) des actions du CPA. La Banque a par la suite entamé la mise en vente de ses actions aux investisseurs via un réseau comprenant plusieurs banques et un établissement spécialisé dans la gestion des fonds. L’opération portait sur la mise en vente de 22 millions d’actions, dans une première phase, au prix de 2.300 DA par action, et ce, jusqu’au 28 février 2024. L’OPV est susceptible d’être augmentée au maximum à 60 millions d’actions (la limite des 30% du capital social) au cas où les demandes de souscription dépasseraient le nombre d’actions mises en vente initialement. Pour faire aboutir cette opération, le CPA s’est mobilisée en menant une campagne explicative à travers l’ensemble du territoire national. A Alger, la conférence a réuni, le soir du 11 février écoulé à l’hôtel Aurassi d’Alger, autour d’une même table, Ali Kadri, Directeur Général du CPA, Benkraouche Boualem, divisionnaire chargé de la Direction de Gestion des Valeurs Mobilières au CPA, Rachid Sekak, ancien banquier et expert financier, Rafik Boussa, CEO du cabinet Grant Thornton Algérie et Yazid Benmouhoub, Directeur Général de la Bourse d’Alger. D’emblée, c’est Rafik Boussa, CEO de Grant Thornton, dont le cabinet avait mené l’opération d’évaluation du CPA, qui explique le pourquoi de la décision d’opter pour une ouverture du capital de la banque à hauteur de 30% seulement. Selon lui, les travaux ont porté sur plusieurs scénarios, dont l’option d’une ouverture à hauteur de 50%. Cependant, une question se posait, le marché allait-il absorber une opération d’une telle ampleur et d’un tel montant, à savoir 138 milliards de dinars, ce qui correspond à 30% du capital de la banque. Une ouverture à 50% du capital équivaut, en valeur, à une mobilisation de 256 milliards de dinars. « C’est cette question de la capacité du marché à mobiliser l’épargne qu’il faut pour cette opération qui a amené le propriétaire à avoir une démarche plus prudente et à fixer le plafond de l’ouverture à 30% seulement au lieu de 50% », explique le CEO de Grant Thornton, soulignant, sur sa lancée qu’à 30%, « c’est déjà une révolution pour le marché qui voit sa capitalisation doubler grâce à cette opération ». Cela signifie clairement qu’il y a une franche volonté chez l’Etat propriétaire de s’ouvrir à des niveaux beaucoup plus importants, voire à 70% ; mais la capacité du marché boursier à mobiliser les ressources nécessaires qui se posait comme contrainte principale. Quoi qu’il en soit, il s’agit là d’une première étape susceptible de donner lieu à des options d’ouvertures à des taux plus élevés. Pour témoigner de la bonne résilience du CPA, ainsi que de sa capacité à réaliser d’importantes performances, Rachid Sekak, ancien DG de HSBC Algérie et néanmoins expert financier, a entamé son témoignage en indiquant qu’il est toujours client du CPA et ce, depuis 1990, malgré qu’il avait exercé par le passé les fonctions de responsable au niveau de plusieurs banques et institutions en Algérie et à travers le monde, particulièrement en Europe, en Asie et en Afrique.
Une bonne qualité des comptes financiers
« Mon compte est toujours opérationnel malgré que j’ai dirigé plusieurs autres banques. Depuis quatre à cinq ans, je publiais un rapport annuel sur les banques en Algérie, basé sur l’analyse des états financiers de toutes les banques de la place, publiques et privées. Je dois dire que j’ai toujours été admiratif de la qualité des états financiers du CPA. Cela signifie que cette banque a un système d’information au-dessus de la moyenne de ce qui existe en Algérie et qu’il y a une volonté de transparence évidente », témoigne encore Rachid Sekak. Ce dernier a affirmé sur sa lancée que les données financières qu’affiche aujourd’hui le CPA ont été réalisées après avoir consenti un grand effort en provisionnant les créances non performantes. « C’est exceptionnel et rassurant pour moi client du CPA et futur actionnaire », a-t-il estimé. De son coté, Rafik Boussa, CEO de Grant Thornton Algérie, assure qu’il est également client du CPA depuis le début de son salariat. Quant au travail d’évaluation accompli pour que le CPA puisse s’introduire à la Bourse, il a indiqué qu’il avait déjà travaillé avec le CPA pour la mise en place du nouveau système comptable et financier. « La qualité des comptes financiers est très importante pour les investisseurs, comme l’a si bien signalé Rachid Sekak. Au CPA, dans le cadre de la mise en place du nouveau système comptable et financier, nous sommes allés jusqu’à calculer le taux d’intérêt effectif et nous avons découvert que le CPA est allé très loin dans sa recherche de la fiabilité financière », assure Rafik Boussa. Sur la question des options mises sur la table pour permettre à la Banque d’accéder à la cote de la SGBV, qui revenait comme une prière dans les débats, Benkraouche Boualem, divisionnaire chargé de la Direction de Gestion des Valeurs Mobilières au CPA, a expliqué qu’après avoir évalué la Banque, il était ensuite question de travailler sur la méthode d’ouverture du capital de la Banque. Deux options étaient alors mises sur la table ; faut-il aller vers une augmentation du capital ou bien une cession d’une partie du capital. « La première option a été abandonnée pour deux raisons ; le CPA avait 1993 milliards de dinars de ressources et nous n’avons réussi à placer que 1300 milliards de dinars, soit un taux de transformation de 68%, ce qui nous laissait une bonne marge. Une augmentation du capital signifiait une injection de 138 milliards de dinars de plus dans les fonds propres de la banque, ce qui détériorerait le rendement des fonds propres », a-t-il expliqué. Plus explicite, le Directeur Général de la Banque, Ali Kadri, a assuré qu’il s’agit d’une opération de cession d’actions existantes et le produit de cette opération va être transféré directement au Trésor public et ne va donc pas bénéficier au CPA. « Tout l’argent qui va être collecté par cette opération ne sera pas destiné à renforcer la liquidité de la banque. Le Trésor n’avait pas besoin non plus de fonds en cédant une partie du CPA. L’objectif de cette action est d’améliorer la gouvernance de la banque et redynamiser la bourse d’Alger. Cette opération n’a donc aucunement d’objectifs financiers », soutient le Directeur Général du CPA. Lui emboitant le pas, Yazid Benmouhoub, DG de la Bourse d’Alger, a affirmé que l’opération est déjà importante par le montant à mobiliser, à savoir 138 milliards de dinars.
Des plus-values garantis à deux niveaux
« Si nous venons à réussir cette opération, nous allons certainement réussir d’autres qui seraient d’un niveau moindre. Le CPA est une institution financière solide qui appartient à l’Etat, lequel a décidé de la mettre sur le marché boursier. C’est une façon de montrer le chemin aux autres entreprises pour dire que la bourse peut financier votre croissance.
Nous avons besoin d’asseoir la confiance au niveau du marché en mettant sur la cote des entreprises de cette qualité et de cette taille. Avec des niveaux de rendement assez importants, accompagnés d’une exonération fiscale pour les souscripteurs et les entreprises cotées, ces opérations font de ces entreprises des exemples et des modèles pour d’autres. C’est un autre pas vers une capitalisation boursière digne de celles que nous avons au niveau de la région », se réjouit Yazid Benmouhoub, DG de la Bourse d’Alger. Sur la question de la possibilité aux Algérie établis à l’étranger de souscrire à cette opération, c’est le DG du CPA, Ali Kadri, qui assure que la communauté algérienne établie à l’étranger a la possibilité de souscrire à cette opération et d’acheter les actions du CPA, à la condition que les concitoyens d’ailleurs aient un compte bancaire en dinar, car l’opération doit se réaliser en dinar. Quant à la question des dividendes que génèrerait une telle opération, il assure que le Trésor public gagnera à distribuer de dividendes, parce que le cas contraire diminuerait l’attractivité du titre et avec cela une prise de risque quant au cours du titre en bourse. Ne pas distribuer de dividendes susciterait également le mécontentement des actionnaires qui chercheraient à se débarrasser du titre au profit d’autres titres dont les rendements sont plus intéressants. Et c’est le portefeuille du trésor public qui sera impacté tout compte fait, explique-t-il en guise de réponse à ceux qui doutent de l’intérêt du Trésor public pour le gain et les dividendes. Pour éclaircir davantage ce point, c’est Yazid Benmouhoub qui donne l’exemple des deux autres entreprises publiques cotées à la bourse et dont le trésor est détenteur à plus de 80% des parts. Ces entreprises, Saidal et Aurassi puisque c’est d’elles dont il s’agit, ont distribué des dividendes à hauteur de 6 et 6,25, voire 7% net d’impôt. « Pour une opération comme celle du CPA, il est tout à fait certain que les dividendes seront au RDV et qu’un effort sera consenti pour faire de cette opération une réussite », assure le DG de la Bourse d’Alger. Le CEO de Grant Thornton, Rafik Boussa, ne doute pas lui non plus quant à la plus-value qui sera dégagée par cette souscription à l’opération d’achat des actions du CPA. Selon lui, la plus-value est possible à deux niveaux ; l’appréciation du titre sur le marché et sa liquidité. Sa vente permettrait, en d’autres termes, de réaliser une plus-value, en plus des dividendes distribués. « La vision stratégique du CPA et ses projets permettront à coup sur au titre une certaine appréciation qui bénéficiera aux actionnaires. La valeur de l’action est censée refléter la performance de la Banque. Il ne faut pas faire un focus sur le dividende car il y a des entreprises cotées à la Bourse et qui sont déficitaires, mais qui distribuent des dividendes car le potentiel de croissance est important. Le CPA est une banque résiliente, il y a de la vision et une stratégie », rassure le CEO de Grant Thornton Algérie.
Le CPA montre la voie
Quant aux perspectives de cette introduction du CPA à la bourse des valeurs mobilière, Rachid Sekak estime que cette opération « doit impérativement réussir et sa réussite ne dépend pas uniquement du CPA, mais aussi du syndicat de placement. Au niveau du CPA, les collaborateurs sont motivés afin de faire aboutir l’opération et j’espère que la même motivation sera au rendez-vous chez les membres du syndicat de placement ». Même son de cloche chez les responsables et hauts cadres du CPA, dont Benkraouche Boualem qui dit que le syndicat de placement est constitué de 1700 agences. Et qu’au niveau de la banque, « nous attendons de nos confrères plus d’agressivité sur le marché pour pouvoir faire aboutir cette opération qui est celle de toute la corporation bancaire et de la Bourse d’Alger ». Il n’y a pas l’ombre d’un doute quant à la réussite de cette opération chez Rafik Boussa et Yazid Benmouhoub, dont le premier table sur le plan et la vision stratégiques du CPA pour faire de la banque un poids lourd du marché. « Cette opération n’est pas l’affaire uniquement du CPA, mais de toute l’économie algérienne. Les rendements sont de mon point de vue prometteurs car mêmes les dividendes de 2023 sont promis aux souscripteurs ». Quant à Yazid Benmouhoub, lui, dit que tous les éléments sont réunis pour que cette opération soit un succès. « Lorsque nous combinons les analyses et les projections, ce titre s’annonce très attirant et très compétitif sur le marché et va sûrement faire le bonheur des nouveaux actionnaires », assure-t-il à son tour. Dans la foulée, le DG de la Bourse d’Alger estime que le CPA est un produit très intéressant pour son institution. « L’idée est de permettre à la Bourse de gagner en profondeur en permettant l’adhésion d’autres entreprises. Sans la profondeur du marché, la liquidité resterait à ses niveaux actuels ». En guise de conclusion de cette série de conférences explicatives promotionnelle de l’opération d’introduction du CPA à la Bourse, le DG de la banque, Ali Kadri, a affirmé, comme pour compléter l’argumentaire de Rachid Sekak et le plaidoyer de Rafik Boussa, qu’effectivement, la banque a consenti beaucoup d’efforts pour provisionner les créances. « Preuve en est qu’aujourd’hui, nous avons une situation des états financiers qui est clean et tous les risques ont été couverts. Avant la clôture de l’évaluation, nous avons reçu un courrier du Trésor public qui s’engage à couvrir toute les créances compromises sur les crédits accordés aux jeunes entrepreneurs. C’est une chose très positive qui a amélioré la situation de la banque ». Quant à l’inquiétude qui anime certains investisseurs quant à la liquidité des titres sur le marché secondaire, Ali Kadri estime que le CPA montre la voie, mais la liquidité du marché dépend de la diversité des instruments et des titres qui sont cotés. En d’autres termes, l’arrivée annoncée d’autres acteurs sur le marché dynamisera la liquidité. Les contrats de liquidité peuvent la soutenir, certes, mais il faut que d’autres entreprises intègrent cette Bourse pour que la liquidité soit pérenne et permanente.
H. N. A.