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Cherif Benhabiles, PDG de la CNMA  et président de l’OAA : « La sécurité alimentaire concerne des centaines de millions d’Africains »

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Le marché algérien des assurances a un très fort potentiel de développement en Algérie, puisque tous les produits d’assurance réunis ne représentent guère que 0,7% du PIB. Que dire alors du potentiel de développement des assurances algériennes en Afrique ? Un potentiel qui n’a en effet d’égal que la dimension de l’enjeu de sécurité alimentaire, dont il est le pendant. Un enjeu que l’Algérie appelle à prendre en charge depuis des années devant la menace du réchauffement climatique. Et voici venue cette 49e assemblée générale de l’OAA pour opérer, dans un contexte plus crucial, cette jonction assurance-sécurité alimentaire si nécessaire pour l’Afrique. Président de la CNMA et président rentrant de l’OAA, Cherif Benhabiles, évoque cet enjeu africain en expliquant l’importance de cette thématique et le tournant qui pourrait être celui des assureurs africains s’ils bénéficient de l’écoute qu’ils espèrent auprès des Etats du continent. Cette organisation qui se veut être le porte-voix des requêtes du secteur des assurances auprès des décideurs politiques et des gouvernements afin de préconiser la promotion des assurances dans le continent africain.  Parmi les 24 pays listés comme des « hotspots de la faim » à l’automne 2022 par le Programme alimentaire mondial, 18 sont africains. Il était donc évident d’axer les travaux de cette conférence sur ce thème, en permettant aux entreprises de se protéger contre les risques et de se concentrer sur leur croissance et leur développement.

Interview réalisée par Hacène Nait Amara

Sur le plan organisationnel et de la logistique, réunir 2.000 personnes durant trois jours, qui viennent des quatre points du continent africain, est un exploit. Sur le plan de la concertation, de la communication et de la prise de décision, c’est un plus grand exploit. Comment avez-vous procédé pour neutraliser toutes les contraintes ?

En effet, ce n’est pas une chose aisée d’organiser un tel évènement compte tenu de l’importance qu’il revêt pour l’image de l’Algérie dans le continent africain. Nous sommes arrivés à plus de 1.600 inscrits pour le moment et parmi eux un grand nombre d’étrangers, ce qui demande une grande organisation. Toutefois, les travaux ont été lancés dès la rentrée dernière en 2022 en partenariat avec l’Union Algérienne des Sociétés d’Assurance et de Réassurance (UAR), des réunions périodiques des différentes commissions mises en place sont programmées régulièrement pour faire des points de situation et tout avance dans les meilleures conditions. Nous serons au rendez-vous pour faire honneur à notre pays.

Le choix de la thématique pour fédérer les assureurs de l’ensemble du continent est certainement guidé par une actualisation très pertinente des enjeux africains. Le consensus, en la matière, a-t-il été trouvé facilement ? y avait-il du scepticisme par rapport à la possibilité d’une mise en commun des intérêts panafricain dans le domaine des assurances ?

Ce thème a été soigneusement proposé par la délégation algérienne lors de la 48e session de l’assemblée générale de l’OAA tenue à Naïrobi au Kenya. Vous savez qu’environ 322 millions d’Africains, soit près d’un quart de la population, souffrent d’insécurité alimentaire grave, et leur nombre a augmenté au cours des dernières années, selon les données des Nations unies. Parmi les 24 pays listés comme des « hotspots de la faim » à l’automne 2022 par le Programme alimentaire mondial, 18 sont africains. Il était donc évident d’axer les travaux de cette conférence sur ce thème.

L’Algérie a opéré un tournant stratégique dans sa politique africaine, et son offensive économique en Afrique mobilise les acteurs de tous les secteurs producteurs de biens et de services. Les produits d’assurance et de réassurance ne sont pas en reste… Outre celui d’accompagner les opérateurs économiques, quelle dynamique directe pour les assureurs algériens en Afrique ?

La politique algérienne priorise le continent africain et la tenue de cette conférence ne fait que renforcer la place de l’Algérie en Afrique. L’organisation de cette conférence en Algérie est un évènement capital, puisque l’industrie de l’assurance ne peut que stimuler l’investissement et la croissance économique du pays en permettant aux entreprises de se protéger contre les risques et de se concentrer sur leur croissance et leur développement. Cela peut aussi contribuer à créer un environnement favorable à l’investissement et à l’innovation dans des secteurs clés de l’économie. C’est pour cela qu’on espère que les recommandations de cette 49e session donnera une nouvelle dimension aux problèmes liés à la sécurité alimentaire et que cela renforce l’apport de l’assurance comme levier de développement d’une politique agricole pour lui donner la place qu’elle mérite. Nous espérons aussi sensibiliser les pouvoirs publics pour obtenir un soutien et mettre en place des dispositifs réglementaires pour mieux encadrer l’activité de l’assurance, la généraliser et promouvoir des programmes socioéconomiques afin que ce soit un acteur économique pour le développement du pays.   

Votre parcours au sein de la CNMA et votre rôle à l’OAA vous valent d’occuper, très bientôt, le poste de Président de cette organisation panafricaine. Votre mission ne sera pas de tout repos, puisque vous l’assumez coïncidemment au moment où les assurances africaines veulent relever le défi majeur de la sécurité alimentaire. Quelle stratégie pour l’OAA face au défi et quelle part de l’expérience algérienne dans la formulation de cette stratégie ?    

Dès 2017, la CNMA a tiré la sonnette d’alarme en organisant un séminaire international qui avait pour thème : « L’assurance agricole : outil de gestion des risques climatiques » et en donnant la parole à des experts qui étaient tous d’accord pour dire que les années qui arrivent seront difficiles.

Aujourd’hui, cette conférence sera l’occasion d’élaborer une feuille de route qui indiquera les voies et moyens à suivre pour défendre les positions communes des membres de cette organisation qui se veut être le porte-voix des requêtes du secteur des assurances auprès des décideurs politiques et des gouvernements afin de préconiser la promotion des assurances dans le continent africain. La promotion de l’assurance agricole en Afrique pour améliorer la production agricole en Afrique est un moyen de renforcer la résilience continentale. Il est question également d’évoquer «l’évolution rapide du secteur des assurances en Afrique avec une attention particulière pour la micro-assurance et les «Insurtechs» comme solutions pour la sécurité alimentaire, ainsi que le rôle crucial de la réglementation et de la supervision pour faciliter l’accès aux produits d’assurance agricole indiciels sur le continent africain.

La CNMA a dû renflouer les agriculteurs à travers un processus d’indemnisation qui a été mené à terme, ce qui fait de cette compagnie l’acteur par excellence qui est en mesure d’encourager et de promouvoir une culture de l’assurance dans le secteur ? Quelle est la stratégie de la CNMA pour les années à venir ?

La CNMA a toujours été à la disposition de ses sociétaires et clients pour les indemniser dans les meilleurs délais en cas de provenance d’un sinistre. Nous avons réglé plus de 6,5 milliards de DA en 2022 et plus de 23 milliards de DA en 3 ans ce qui est considérable.

On est aussi à l’écoute des clients pour satisfaire leurs besoins en créant de nouveaux produits adaptés.

La Mutualité Agricole innove aussi à travers le Conseil, les Techniques et l’accompagnement. On est aptes à décrypter l’évolution du marché des assurances dans le but de mieux anticiper les risques qu’il génère et apporter des réponses appropriées.

Pour les perspectives, la CNMA souhaite être une institution par excellence au service du développement de la politique agricole du pays. Un rôle, je pense, pour lequel nous avons tous les moyens et les atouts. J’ai évoqué l’accompagnement ; c’est cette ambition que nous voulons avoir. Pour les objectifs, notre ambition est d’accroitre notre chiffre d’affaires, notre rentabilité, d’améliorer notre efficacité sur le terrain, de développer notre savoir- faire, d’avoir une bonne réputation, une bonne image de marque, une bonne représentativité et un service impeccable. Telles sont les missions assignées à nos caisses régionales activant sur le terrain.

Le réchauffement climatique et ses répercussions naturelles rendent indispensable le filet de l’assurance agricole, car la réalisation du sinistre devient de plus en plus fréquente et de plus en plus probable. Comment, dans ce cas, envisager la viabilisation de l’activité agricole et de la couverture du risque ?

Chaque année, les aléas climatiques ne cessent d’occasionner de lourdes pertes mettant en péril la pérennisation des activités des agriculteurs, par conséquent la sécurité alimentaire et en tenant compte des particularités complexes du secteur agricole et rural, la CNMA a inscrit dans son plan stratégique 2020/2024 l’élaboration de nouveaux produits d’assurance en s’appuyant sur des système assuranciels plus adaptés au paysage socio-économique du pays qui visent la protection et la sécurisation des revenus des agriculteurs.

Je pense qu’il faut passer d’un système classique d’assurance récoltes et élevages (multirisques) vers un système de couverture plus complexe basé sur les rendements et les revenus.

Pour cela, la CNMA a lancé d’importants projets de conception de nouveaux produits d’assurance agricoles adaptés notamment :

– Les assurances indicielles, en tant qu’outil de gestion des risques de production agricole beaucoup plus spécifique et dirigées aux exploitations les plus performantes, basées sur des indices météorologiques et climatiques, tels que l’assurance baisse de rendement de la culture de « céréales » suite au risque « sécheresse » et la culture de «pomme de terre » suite aux risques  gel, inondation, sirocco,…

– L’assurance revenu, comme solution adaptée aux risques de prix et de rendement, encourus par les producteurs agricoles

– La Micro assurance en tant que mécanisme de protection des personnes à faibles revenus contre des risques d’accident, de maladie, de dommages aux biens suite aux aléas climatiques et avoir aussi la possibilité d’accès au crédit ou Micro-crédit.

Vous êtes, par excellence, un partenaire qui accompagne la politique publique de développement de l’agriculture. Comment définissez-vous le rôle complémentaire de la CNMA dans le giron de la politique volontariste des pouvoirs publics en faveur de l’agriculture et des agriculteurs ?

La CNMA est la plus ancienne institution activant dans le secteur des assurances. C’est une caisse qui a été créée par les agriculteurs et pour les agriculteurs. Aujourd’hui, nous pouvons dire que la CNMA, qui est sous tutelle du Ministère de l’agriculture et du développement rural, fonctionne comme une compagnie d’assurance avec un cachet particulier.

Nous sommes aussi agréés par le ministère des Finances, pour pratiquer toutes les opérations d’assurances, tous secteurs confondus. Telle est notre première mission. La CNMA, se veut acteur économique incontournable et ambitionne aujourd’hui à être l’Institution du monde agricole et rural par excellence, capable et disposée à jouer pleinement son rôle dans la stratégie de développement   prônée par les pouvoirs publics, visant à court et moyen terme à garantir la sécurité alimentaire et préserver la souveraineté nationale.

H. N. A.

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