Les perspectives d’une croissance des échanges entre l’Algérie et la France et la volonté clairement affichée par les autorités d’accélérer dans l’exportation hors hydrocarbures dopent les besoins en transport et en logistique. Mais il faut que l’infrastructure suive. C’est un enjeu crucial auquel les pouvoirs publics accordent un intérêt particulier avec, comme actions palpables, l’investissement dans les infrastructures de base et l’extension des infrastructures destinées à accompagner les exportateurs, dont les ports, les routes et les chemins de fer.
Entretien réalisé par notre envoyé spécial à Paris Hacène Nait Amara
« Le rôle du transport et logistique dans la croissance des échanges » a été un thème débattu dans le fond lors d’un panel organisé à l’occasion de la 14e édition des «Rencontres d’Algérie», tenues à la mi-mars dans la capitale française. Co-animé par Fawzi Aït Mouheb, Directeur commercial chez Globtrans et Pierre-Antoine Villanova, Directeur général de Corsica Linea, ce panel a eu le mérite de recentrer le débat autour de questions à enjeux stratégiques, à savoir, entre autres, la dynamisation des échanges entre l’Algérie et la France, dans un sens, comme dans l’autre, afin, non seulement, de jeter les passerelles d’un partenariat gagnant-gagnant, mais aussi pour réduire les coûts de fret. Cela passera, bien évidemment, par l’augmentation de l’offre exportable depuis l’Algérie, un sujet aussi intéressant que stratégique pour l’Algérie, dont les autorités font leur cheval de bataille pour accélérer la diversification de l’économie et des sources en devises. Mais pas seulement. Il s’agit par-dessus tout de rétablir durablement la balance des paiements et de perpétuer les excédents, grâce, en partie, à la hausse de l’offre exportable de l’Algérie en biens et services. Celle-ci dépend à son tour d’un soutien public à l’exportation, d’une simplification des procédures et d’une offre intéressante en transport et logistique, une condition sine qua non pour la dynamisation du fret depuis l’Algérie à destination des marchés extérieurs. Au chapitre des importations, Fawzi Aït Mouheb, Directeur commercial chez Globtrans, dit constater une nette augmentation du trafic de marchandises entre l’Algérie et la France, notamment en sortie du port de Marseille. Cette augmentation est de 20% en volume sur l’année 2022. Cette augmentation du trafic a été aidée par « une stabilisation des coûts du fret entre la France et l’Algérie, à un moment où les prix connaissent une flambée entre la France et l’Asie du fait de la hausse des cours des carburants », explique Fawzi Ait Mouheb, Directeur commercial chez Globtrans. C’est une société française basée à Marseille, proposant des conditions d’importation optimales pour les opérateurs algériens. L’Algérie représente à elle seule 75% des volumes à traiter de Globtrans. Mieux, 80% des volumes traités concerne le transport depuis Marseille à destination de l’Algérie, explique Fawzi Aït Mouheb. Globatrans est un commissionnaire de transport, dont l’activité est basée en France et en Algérie, porte sur l’organisation du transport au profit des exportateurs français et des opérateurs algériens depuis la France à destination de l’Algérie. Toujours dans le sens de l’importation, le même responsable fait constater que « les autorités algériennes distinguent deux types d’importation ; les importations pour la revente en l’état et les importations pour le fonctionnement de la production ».
Plus d’exportations depuis l’Algérie pour réduire les coûts
L’intervenant précise qu’il y a plus de formalités douanières à faire pour les importations destinées à la revente en l’état, nécessitant une autorisation préalable délivrée par le ministère du Commerce par le biais de l’Algex. Lesquelles autorisations, à en croire Fawzi Aït Mouheb, « commencent à se libérer depuis un mois », ce qui augure d’un dynamisme certain au plan des échanges entre les deux pays. En plus des formalités douanières, les produits destinés pour la revente en l’état font l’objet de taxes supplémentaires, alors que, selon le même responsable, les importations destinées aux industries ont un traitement de faveur. Les industriels peuvent carrément bénéficier de couloirs verts, à en croire le Directeur commercial chez Globtrans. En plus du fait que les autorisations d’importations sont de plus en plus octroyées aux opérateurs économiques, Fawzi Aït Mouheb s’attend à ce que les échanges s’améliorent davantage dans le futur du fait des investissements consentis par les autorités algériennes dans la chaîne logistique. Il s’agit, entre autres investissements, des travaux d’extension du port d’Oran qui ont déjà commencé et du projet du Grand Port du Centre qui est à l’étude, lesquels investissements pourraient faire diminuer considérablement les coûts de fret pour les importateurs algériens. Cependant, estime Fawzi Aït Mouheb, « il serait plus intéressant qu’il y ait plus d’exportations depuis l’Algérie afin de réduire les coûts, car le transport est facturé dans un sens comme dans un autre et, souvent, les navires reviennent vides ». Il soutient sur sa lancée qu’il serait plus simple d’exporter à destination de l’Algérie que d’en importer. Mais pour rentabiliser la destination Algérie, « il faut remplir dans l’import comme dans l’export ». Ce à quoi s’attèlent les autorités algériennes à travers une politique de commerce extérieur dédiée aux exportations hors hydrocarbures et à la régulation des importations. De son côté, Pierre-Antoine Villanova, Directeur général de Corsica Linea, qui a coanimé le panel dédié au transport et à la logistique, a plaidé clairement en faveur de la hausse des échanges entre les deux pays, en favorisant l’exportation depuis l’Algérie. Ce pourquoi, Corsica Linea, présente en Algérie depuis maintenant sept an avec, au compteur, une part de marché de 40% du transport des personnes qui naviguent entre Marseille et Alger en bateau, nourrit l’ambition de desservir d’autres ports d’Algérie en activant aussi bien dans le transport de personnes que dans le fret. « Nous étudions en détail le lancement très probable d’une ligne entre Marseille et Bejaïa à partir de septembre prochain. C’est un port qui n’est pas loin d’Alger et qui sait travailler le fret roulant, qui a un tissu industriel ». De l’avis de son directeur général, Corsica Linea entend accélérer davantage sur la destination Algérie en surfant sur la vague du fret et de l’exportation depuis l’Algérie. « Nous allons proposer une offre complémentaire flexible sur le fret entre la France et l’Algérie ; elle serait plus adaptée à une partie de l’industrie », affirme Pierre-Antoine Villanova, dont l’activité du groupe en Algérie tourne autour d’une cinquantaine de millions d’euros, qui annonce, à l’occasion de cette 14e édition des Rencontres d’Algérie à Paris, l’ouverture, dès septembre 2023, d’une ligne reliant Marseille et Bejaïa. « La première démarche était d’aller voir les industriels, tandis que la seconde consiste à faire une offre de transport plus adaptée à leurs besoins. Nous allons voir comment cette offre va évoluer et l’adapter en fonction des besoins. Nous pourrons faire le transport des passagers et du fret sur le même bateau, et c’est ce que nous faisons sur la Corse. Cela diminuera les temps d’attente », estime le Directeur général de Corsica Linea. « Notre idée est d’arriver à transporter une centaine de remorques entre l’Algérie et la France chaque semaine. Il y a une part de marché à chercher et nous allons faire une offre supplémentaire à cet effet, dont l’avantage sera une logistique simplifiée au profit des entreprises », soutient Pierre-Antoine Villanova.
H. N. A.