Connu pour être l’Etat des solutions vertes, le Danemark, par le biais de son ambassade à Alger, a coorganisé avec le ministère de la Transition énergétiques et des énergies renouvelables, fin juin écoulé, à Alger «les matinées vertes» où il était question d’échanger sur l’expertise de ce pays en matière de transition verte et des efforts de l’Algérie de faire émerger une chaine de valeurs dédiée à l’industrie du solaire et promouvoir, par la même, le projet Solar1000 et les solutions en matière d’efficacité énergétique. Depuis ces matinées vertes, le mercure est bien remonté à des niveaux élevés, à Alger, mais surtout dans les villes de l’intérieur et du Sud.
Par Lynda Mellak
ette chaleur et la multiplication d’autres phénomènes climatiques, en relation avec le réchauffement de la planète, conséquence directe de la hausse des émissions à effet de serre, plaident davantage en faveur de l’accélération de la transition et du programme d’efficacité énergétique. Il y a véritablement urgence climatique. Mais pas seulement. Pour l’Algérie, il s’agit aussi d’enjeux éminemment économiques, tant il est vrai que le programme de développement des énergies nouvelles permettra une économie conséquente de gaz naturel, l’émergence d’une industrie photovoltaïque et de concilier, par-dessus tout, les impératifs de réduire la consommation interne des combustibles fossiles avec ceux de la production, dont les capacités à long terme se lézardent. Tout comme le taux des réserves. Les objectifs de cette transition énergétique que porte l’Exécutif sont donc multiples ; climatiques et économiques, les uns comme les autres conditionnent la sécurité énergétique du pays. Dans ce contexte, l’Exécutif a décidé de prendre le taureau par les cornes et lancer sans délais le mégaprojet Solar1000, qui consiste à installer une capacité de production de 1000 mégawatts d’électricité d’origine solaire. C’est un projet ambitieux pour lequel plus de 110 entreprises étrangères et poids lourds mondiaux du solaire ont soumissionné. Le projet est évalué à environ un (01) milliard de dollars, ce qu’équivaudrait à près de 150 milliards de dinars. Pour déblayer le terrain, le gouvernement a confectionné un cahier des charges et désigné un maitre d’ouvrage pour la conduite et la gestion du projet, Shaems (Algerian renewable energy company) en l’occurrence. Son directeur général, Smail Mougari, s’exprimant lors des matinées vertes coorganisées par l’ambassade du Danemark à Alger et le ministère de la Transition énergétique et des énergies renouvelables, a expliqué que le projet consiste en l’implantation de centrales photovoltaïques d’une capacité de 50 à 300 mégawatts à travers plusieurs régions du pays.
Des poids lourds mondiaux se bousculent au portillon de Shaems
Le choix des sites qui devraient accueillir les centrales photovoltaïques obéit à des critères de disponibilité des terrains, à une étude environnementale préalable et à la disponibilité de capacités de transport d’électricité, selon Smail Mougari. Les entreprises retenues pour la réalisation du projet doivent financer les centrales photovoltaïques à hauteur de 20% en fonds propres et 80% en crédits. Les investisseurs retenus auront la charge de négocier les prêts bancaires, mais devront satisfaire, en aval, une autre exigence, se rapportant à réserver une part de 30% au contenu local dans la construction des centrales. Selon les explications de Smail Mougari, après enquête réalisée sur le terrain auprès des entreprises algériennes, les structures métalliques, les câbles, les transformateurs et les panneaux photovoltaïques sont fabriqués localement, ce qui permettrait aux investisseurs d’atteindre aisément les 30% dédiés au contenu local. Shaems interviendra quant à elle en assistant et accompagnateur dans la concrétisation des projets. C’est dire que la contrainte carbone est d’ores et déjà dans toutes les têtes. Mais il s’agit par-dessus tout d’un projet éminemment économique. Réduire les émissions à effet de serre oui, mais le projet Solar1000 et la politique de transition énergétique répond également à des enjeux titanesques, dont celui d’économiser le gaz, réduire la cadence effrénée de la consommation interne de produits énergétique, réduire la dépendance de l’économie aux hydrocarbures et diversifier à la fois l’économie et les sources d’énergie en équilibrant le mix énergétique national.
Le taux de la croissance de la consommation énergétique par rapport à celui des réserves et de la capacité de production à long terme est un élément de vulnérabilité auquel des réponses structurelles doivent être apportées. Tout comme la nature des usages au point de vue production de valeur ajoutée. La politique de transition énergétique, bâtie sur les deux piliers du développement des énergies renouvelables et de l’accélération du programme d’efficacité énergétique, constitue une réponse complète à ces vulnérabilités et enjeux aussi bien climatiques qu’économiques. Merouane Chabane, directeur général de l’APRUE (Agence Nationale pour la Promotion et la Rationalisation de l’Utilisation de l’Energie), plaide, lui, en faveur d’une transition qui doit être adaptée au contexte algérien, c’est-à-dire de nature à concilier les besoins de développement et les impératifs climatiques.
Une transition tenant compte des besoins de développement
Cette transition nécessite, selon lui, « une rupture des paradigmes, d’un changement des comportements notamment en matière de consommation de l’énergie et de défis industriels immenses ». Il s’agira aussi, de l’avis de Merouane Chabane, de repenser les infrastructures de base et de la nature des usages en investissant davantage dans la décarbonisation des secteurs de l’habitant et des Transports à travers des solutions d’efficacité énergétiques et d’autoproduction et de consommation.
« Il y a, bien évidemment, une rupture technologique à faire au profit des énergies renouvelables et de l’hydrogène. Cependant, une des ruptures à faire consiste à maitriser et de cibler les subventions à l’énergie, car le maintien de ces subventions à leur étant actuel va compliquer cette transition énergétique », souligne, sur sa lancée, le directeur général de l’APRUE. Les experts danois spécialisés dans l’énergie renouvelable et l’efficacité énergétique, Holmegaard Larsen et M. Slente, ont mis l’accent sur les solutions mises en place par leur pays afin d’atteindre l’objectif ambitieux de réduire ses émissions de 70% d’ici 2030 et parvenir à la neutralité climatique d’ici 2050. Le Danemark produit la moitié de son électricité à partir de l’énergie éolienne et solaire et dispose de l’un des réseaux les plus sûrs et les plus stables au monde. Le pays vise à atteindre 100% d’électricité renouvelable d’ici 2027. Le Danemark investit énormément dans les énergies solaire et éolienne ainsi que dans le biogaz, la transformation des déchets et les eaux usées en énergie. L’autre solution en matière d’efficacité énergétique privilégiée par le Danemark, selon M. Slente, consiste à investir dans les isolations thermiques, l’architecture intelligente ainsi que dans un urbanisme mieux structuré et moins consommateur d’énergie. L’ambassadrice du Danemark en poste à Alger plaide, quant à elle, en faveur d’un effort mondial soutenu pour atteindre l’objectif de 1,5° fixé par l’accord de Paris.
Pour cela, des actions ambitieuses à l’échelle planétaire sont nécessaires pour réduire la chaleur, le réchauffement et atteindre la neutralité climatique à l’horizon 2050. En Algérie, il sera question, selon les spécialistes, d’adopter une approche tenant compte des besoins de développement, tout en progressant vers les objectifs climatiques.
L. M.