Quatre ans après sa visite officielle en Algérie, le Président français, Emmanuel Macron a remis ça dans les derniers jours du mois d’août 2022. Si le déplacement à Alger au printemps 2018 s’inscrivait dans le cadre d’une visite d’Etat formelle, celle effectuée les 26, 27 et 28 août écoulé se voulait plus que tout, « une visite d’amitié » a nuancé l’Elysée avec insistance.
Sous l’ère de feu Bouteflika, l’opinion nationale a gardé en mémoire les messages subliminaux lancés par Macron lors de sa rencontre avec la population, notamment sur l’épineux sujet de de la mobilité et de la circulation des personnes.
Par Azzouz Koufi
es avertissements à peine voilés et que la chancellerie français à Alger allait reprendre au vol. L’attribution des visas pour l’Hexagone allait subir des coupes drastiques, au grand dam des algériens ayant pignon sur la France au regard de la forte communauté nationale et donc des relations parentales traditionnelles très étroites, ainsi que les échanges économiques et culturels. Une mesure (coercitive ?) aux allures de coup de Jarnac, après une belle période de vaches grasses en la matière ! Le tout sur fond de la redoutable pandémie du coronavirus qui allait advenir dès 2020.
Au final, les relations commençaient à se tendre subrepticement. Le changement politique en Algérie, à travers l’élection du président Abdelmadjid Tebboune, intransigeant sur la notion de la souveraineté nationale, et le gros impair commis par le locataire de l’Elysée, fin 2021, traduit par un dénigrement public gratuit de la Nation algérienne ont fini par obscurcir le ciel entre Alger et Paris et menaçaient des relations historiquement singulières et passionnées d’un point de non- retour.
Entretemps, les nouvelles autorités d’Alger ont eu latitude de réaffirmer solennellement leur position intransigeante sur des constantes fondamentales qui forgent la nation et la souveraineté nationale et, dans cette veine, le Président Tebboune ayant eu à mettre en exergue le traitement « d’égal à égal » dans toute relation extérieure, loin de toute forme de paternalisme.
Mais la diplomatie ayant cette vertu de ne pas souscrire aux destins inexorables, l’apaisement a pris place peu à peu à l’orage. La réélection d’Emmanuel Macron à la tête de l’Etat français, conjugué au grand bouleversement de la géopolitique en Europe, via la guerre en Ukraine et ses retombées économiques et commerciales, notamment énergétiques n’ont pas manqué de faire le lit au grand voyage « d’amitié » de trois jours de Macron en Algérie.
Comme de juste cet événement s’est accaparé le cœur de l’actualité sur les deux rives ; avant, pendant et après la visite.
Et si les nombreux contradicteurs sur sa finalité restaient dans leur rôle d’en critiquer la démarche, Tebboune et son invité de marque en ont affiché un grand satisfecit ; faut- il croire.
Les deux hommes ont en effet convergé vers la nécessité d’aller à un partenariat renouvelé, à bétonner à travers des mécanismes autrement plus fiables et une sincérité à toute épreuve.
Sur ce plan, le chef de l’Etat algérien a évoqué une consécration de la nouvelle orientation « à ancrer », de concert avec son hôte, dira notamment Tebboune lors de la déclaration de presse commune, à l’issue des entretiens avec son homologue français. Il s’agit «du renforcement des relations bilatérales, fondée sur l’établissement d’un partenariat global d’exception, selon les principes du respect et de la confiance mutuels et de l’équilibre des intérêts entre les deux Etats», a- t- il indiqué.
Prônant un partenariat global d’exception « conformément aux principes du respect et de la confiance mutuels, et de l’équilibre des intérêts entre les deux Etats», a- t- il tenu à souligner Tebboune qui a dit s’attendre à ce que cette visite de Macron aille ouvrir de nouveaux horizons aux relations de partenariat et de coopération entre les deux pays.
Dans cet ordre d’idées , il a affirmé que les entretiens « fructueux » avec son homologue français, tenus dans « la franchise habituelle » démontrent « la particularité, la profondeur et la diversité des relations qui lient nos deux pays, ceux-ci englobant l’ensemble des domaines, allant de l’histoire commune et de la mémoire, au dialogue et à la coordination sur les questions régionales et internationales d’intérêt commun », a- t- il soutenu.
Pour conforter une telle stratégie, Tebboune a, par ailleurs, axé ; et suivant un calendrier précis, sur l’activation des mécanismes de coopération et la consolidation de la dynamique positive, à l’horizon des prochaines échéances bilatérales, notamment le Comité intergouvernemental de haut niveau (CIHN), tout en intensifiant les échanges de visites, à tous les niveaux, entre les responsables des deux pays.
Une volonté empreinte de magnanimité et la tonalité sincère à l’adresse d’un hôte dont il dira que cette visite « très réussie », a-t-il estimé, «a remis beaucoup de choses à leur place», en ce qu’elle aura permis « un rapprochement qui n’aurait pas été possible s’il n’y avait pas la personnalité même du Président Macron», a conclu le Président.
Dissipés les gros nuages ?
Du tout à l’aise devant l’ire annoncée des algériens en raison de sa politique ‘’punitive’’ de l’octroi des visas et sa position controversée pour ces derniers dans le conflit russo- ukrainien et, également, vis- à- vis de critiques acerbes dans son pays où certains politiciens l’ont accusé de «s’agenouiller» devant l’Algérie pour un quota de gaz, Emmanuel Macron a pour sa part choisi d’aller au charbon en étendant sa visite à la deuxième ville du pays, Oran, pour un bain de foule..
Mais le chef de l’Elysée a su faire preuve d’une realpolitik de haut vol pour s’inscrire dans une démarche pragmatique dans les relations ‘’privilégiées par vocation’’ avec un pays dont la France ne peut se couper pour une foultitude de raisons et autant d’alibis.
« Nous voulons avancer sur notre industrie, notre recherche, nos hydrocarbures et nos métaux rares et sur des sujets d’innovation, sur lesquels nous souhaitons aller plus vite et plus fort », a répondu le chef de l’Etat français à son hôte à l’issue de leurs entretiens.
Traçant au marqueur la perspective du nouveau partenariat entre l’Algérie et la France, Macron a insisté sur les secteurs du numérique, affichant la volonté de son pays de développer avec l’Algérie un projet de création d’un incubateur de startups, en impliquant « des soutiens du secteur privé connectés avec d’autres incubateurs », a- t- il expliqué.
Il ajoutera qu’à ses yeux, ce nouveau partenariat doive aussi intégrer des projets de coopération dans les domaines universitaires et scientifiques, évoquant également une coopération future entre l’Institut Pasteur d’Algérie et le Centre français de recherche scientifique (CNRS) qu’il a qualifiée d’essentielle face aux défis de demain que ce soit dans le domaine des pandémies ou celui du défi climatique.
Se résumant, le Président français a fait part d’une philosophie où « Bâtir l’avenir, c’est décider de regarder ensemble nos défis et de tout faire pour apporter ensemble des réponses pour que nous aidions la jeunesse algérienne et la jeunesse française à réussir », conclura- t- il.
Ultime pied de nez à ses contempteurs, Emmanuel Macron n’hésitera pas à déroger aux règles protocolaires pour revenir d’Oran sur Alger « pour saluer le président Tebboune et ses ministres et signer une déclaration commune, décidée la veille ( vendredi ndlr) et pendant la nuit, car les choses se font bien dans l’enthousiasme du moment », confiera le chef de l’Etat français.
Sur le même enthousiasme, son hôte le gratifiera, à son départ, par un accompagnement d’honneur par un escadron d’avions de combat algériens de l’avion présidentiel français, faisant réagir la ministre française de l’Europe et des Affaires étrangères, Catherine Colonna, qui retient «un geste exceptionnel».
Nouveau grand départ, en définitive, ou partie remise des anicroches inénarrables qui caractérisent des relations tumultueuses entre l’Algérie et la France ? A l’Elysée le grand rôle !
A. K.