Dans cette interview, réalisée à l’issue des travaux de la 33ème conférence du GAIF (General Arabe Insurance Federation), tenue du 05 au 08 juin écoulé à Oran, Youcef Benmicia, président de l’UAR, organisateur de l’évènement, revient sur l’historique de la candidature de l’Algérie pour l’organisation de la 33e conférence de GAIF ainsi que sur les moyens que son organisation a mis en place pour la réussite de cet événement qui aura été, de l’avis de l’ensemble des participants, un franc succès. Youcef Benmicia parle également du poids de l’économie algérienne ainsi que de la taille du marché algérien des assurances comparativement aux autres marchés de la région. Le désormais président de la GAIF, puisque Youcef Benmicia a hérité ainsi des commandes de cette organisation à l’issue de la conférence d’Oran, livre aussi, dans cet entretien, son avis sur les recommandations de la 33ème conférence d’Oran.
Entretien réalisé par Hacène Nait Amara
L’Algérie avait abrité, en avril 1978, la 12ème conférence du GAIF (General Arabe Insurance Federation). 44 ans après, l’Algérie abrite à nouveau, dans la ville d’Oran, la 33ème conférence du GAIF. Comment avez-vous procédé pour accueillir cet évènement ?
Nous avons, d’abord, déposé, en 2017, notre candidature pour l’organisation de la 33ème conférence du GAIF. Durant cette année, nous avions organisé, à Alger, un séminaire avec GAIF. Et comme, moi-même, je représente le marché algérien au sein de cette organisation, j’avais proposé, d’abord, qu’on organise avec cette Fédération un séminaire sur l’assurance et la justice. La grande réussite de ce séminaire était un premier pas vers notre proposition d’organiser la 33ème conférence de GAIF en Algérie. Nous avons préalablement obtenu l’accord des autorités pour la tenue en Algérie de cet évènement. Et, en 2018, alors que se tenait la 32ème conférence de GAIF en Tunisie, notre demande a été soumise au conseil et à l’assemblée générale de cette organisation pour examen et validation. Notre demande a été acceptée alors plusieurs pays ont exprimé le souhait d’organiser la 33ème conférence. Fin 2018, nous commencions à nous préparer pour l’organisation de cette 33ème conférence qui devait initialement se tenir en octobre 2020. Nous avions pris nos dispositions et mis en place un comité d’organisation, mais il y a eu entre temps la pandémie du Covid-19. Nous avons suivi avec attention l’évolution de la situation sanitaire à travers le monde et nous avons conclu qu’il ne serait pas possible, voire déconseillé d’organiser l’évènement dans une conjoncture de crise sanitaire mondiale. Nous avons aussitôt informé et proposé aux autorités de reporter la 33ème conférence de GAIF en attendant une amélioration de la situation sanitaire. Plusieurs évènements et rencontres ont été annulés également à travers le monde pour les mêmes raisons. La conférence a été ainsi reportée à 2021 une première fois et à 2022 une seconde fois, étant donné que la situation sanitaire ne s’était pas améliorée entièrement en 2021.
Quelles sont les recommandations issues de cette 33e conférence du GAIF de nature à aider les compagnies d’assurance arabes à renforcer leur résilience face aux chocs externes et à les faire évoluer vers un nouveau modèle de management ?
Dans ce genre d’évènement, le dernier jour est consacré, en effet, à la tenue de l’assemblée générale et à la lecture des différentes décisions et des recommandations issues des travaux et, bien sûr, à la clôture de cette conférence. Ce qui est intéressant de noter est que ces recommandations sont issues des débats et des discussions qui ont eu lieu tout au long des travaux de cette conférence.
Quel bilan faites-vous de cette conférence, notamment en matière de participation ?
Là aussi, il est intéressant de signaler, d’abord, qu’en matière d’organisation, il s’agit d’un évènement qui intervient juste après la pandémie de la Covid-19. De tels évènements n’ont pas été pratiquement organisés depuis deux années. Sur ce chapitre, tout le monde s’accorde à dire que les dispositions prises par les organisateurs ont contribué à la réussite de cette évènement. Nous, organisateurs, avons mis en place les différentes structures pour l’accueil des participants et assurer leur prise en charge. Nous avons mis en place toute une logistique de transport et d’accueil des participants et choisi treize hôtels pour leur hébergement. Nous avons demandé l’assistance des pouvoirs publics pour l’octroi des visas, ce qui a fait et contribué à cette très forte participation à la conférence. Il y a eu en tout et pour tout 1347 inscrits pour cette conférence, dont plus de 800 étrangers. Il y a eu des conférences et des présentations de très haut niveau, ce qui nous a permis de sortir avec des recommandations en phase avec l’environnement et la conjoncture actuels auxquels nous faisons face. Le centre des conventions d’Oran a été un bon choix puisque il dispose de toutes les commodités nécessaires aussi bien pour la tenue des réunions que pour les rencontres B to B. Il y en a eu énormément. Les acteurs du secteur des assurances ayant pris part à cette conférence n’ont pas chômé durant les trois jours qu’a duré l’événement. Il y a eu certainement la conclusion de plusieurs conventions de partenariat et de relations d’affaires. A ce niveau là aussi, la réussite est incontestable.
La 33ème conférence de GAIF, organisée par l’UAR, s’est enfin tenue du 5 au 8 juin dernier à Oran. Quels ont été les facteurs-clé ayant contribué à la réussite de cet évènement ainsi que les moyens que vous avez mis en place à cet effet ?
Pour bien situer l’évènement, il s’agit là d’une des plus grandes rencontres de son genre dans la région et dans le monde. L’évènement se tient chaque deux années et regroupe les plus grands acteurs du monde de l’assurance et de la réassurance, ainsi que les grands cabinets de courtage, les experts et les spécialistes de l’industrie des assurances.
Pour pouvoir organiser un évènement de cette taille, c’est tout le secteur des assurances algérien qui s’est mobilisé avec, bien évidemment, l’appui des autorités de notre pays. Nous avons, d’abord, mis en place les structures et le budget nécessaires pour l’organisation de cette conférence. Nous avons désigné un comité d’organisation issu de l’Union algérienne des compagnies d’assurance et de réassurance et ce sont les différents responsables de nos compagnies publiques et privées qui ont siégé dans ce comité. Même à Oran, nous avons installé un comité régional composé des responsables régionaux des sociétés d’assurance implantées dans cette ville. Nous avons également désigné le haut comité du congrès où intervient le secrétariat général de l’organisation. Nous nous sommes donné plus d’une année pour l’organisation et la préparation de l’évènement, dont le choix de la période et le lieu a été déterminant dans sa réussite. Ces trois points ont fait l’objet de discussions et de débats au niveau du comité d’organisation, en concertation bien évidemment, avec tous les professionnels. Je peux dire que s’il n’y avait pas ce contexte de pandémie nous aurions pu faire un évènement encore plus grandiose. Le choix porté sur la ville d’Oran l’a emporté compte tenu de notre souci de faire la promotion d’autres villes du pays mais aussi de la logistique et l’infrastructure disponibles au niveau de cette grande ville. Tous ces éléments nous ont incités à choisir une autre ville plutôt qu’Alger pour abriter la 33ème conférence de GAIF.
N’est-ce pas un défi couronné de succès le fait d’organiser cette conférence après deux années de crise sanitaires ?
En effet, le fait d’organiser un tel évènement dans ce contexte post-pandémique en est lui-même une réussite. Nous ne sommes fixés l’objectif d’accueillir un millier de participants, mais nous avons tout compte fait largement dépassé notre ambition initiale. Il y a eu, en effet, plus de 1200 participants, dont environ 800 étrangers. Nous avons dès le début senti cet engouement pour l’évènement et pour les déplacements, dans cette conjoncture marquée par la réouverture des frontières après deux années de crise sanitaire, le retour des voyages et la reprise du transport aérien et des autres activités économiques.
Quelle lecture faites-vous de l’évolution du marché algérien des assurances par rapport aux autres marchés de la région ?
Pour pouvoir situer le marché algérien, permettez-moi de vous fournir quelques indications qui témoignent de la taille du marché, en fonction de l’économie algérienne, qui est parmi les plus importantes sur le continent africain. En effet, l’économie algérienne est classée 4ème plus grande économie africaine en termes de PIB, ce qui attribue au secteur des assurances la 6ème place africaine avec un chiffre d’affaires qui dépasse 1 milliard de dollars. Le marché algérien a été depuis toujours classé à la 5ème et/ou 6ème position en Afrique en fonction de la taille de son activité. Le chiffre d’affaires rapporté au PIB (taux de pénétration) est estimé à 0,8%, ce qui suggère que le marché dispose encore d’importantes marges de progression. En termes de taux de pénétration, le marché arrive également au 5e et/ou 6e rang africain. C’est dire que nous avons encore un effort à fournir au plan de la contribution du secteur au PIB avec l’objectif de dépasser le 1% à moyen terme.
Comment les assureurs algériens peuvent-ils tirer profit des expériences des autres compagnies arabes, notamment en matière de modernisation, de digitalisation et de diversification des produits et services d’assurance ?
Des rencontres de ce genre qui se tiennent à des périodes régulières permettent aux compagnies d’assurances et de réassurance de se retrouver pour échanger leurs expériences mais aussi pour faire des affaires aussi bien dans le domaine des assurances mais aussi dans les autres activités qui gravitent autour du secteur, dont la digitalisation, l’inclusion financière, les startups…etc. Les expériences en matière d’assurance-maladie, de prise en charge des risques nouveaux, dont les changements climatiques, les catastrophes naturelles ainsi que la cybercriminalité…développées par d’autres marchés peuvent être bénéfiques pour les assureurs algériens. Ces échanges nous permettent d’apprendre et de tirer profit des expériences des autres. L’Algérie, à titre d’exemple, a mis en place un système d’assurance dédié aux catastrophes naturelles et certains pays commencent à s’y mettre en tirant profit de l’expérience algérienne. En matière de Takaful, l’Algérie avance dans ce domaine en tirant profit également des expériences des autres assureurs de la région, notamment les compagnies du Moyen-Orient. C’est dire que le partage et l’échange permet à tout le monde d’avancer, de diversifier ses produits et de conclure des partenariats. L’inclusion financière et le développement de l’assurance afin qu’elle soit accessible à tout le monde est le défi, voire l’objectif de toutes les compagnies de notre région.
Le marché algérien des assurances est un des plus attractifs de la région, en témoigne la présence de plusieurs compagnies à capitaux étrangers. Quelle lecture pouvez-vous en faire ?
Notre marché a été ouvert à l’investissement privé national et étranger depuis maintenant plus de 25 ans. Cela signifie que c’est un marché très concurrentiel aussi, dans lequel évoluent plusieurs compagnies publiques, privées et d’autres à capitaux étrangers et/ou mixtes. Le marché s’est beaucoup développé dans les années 2000 jusqu’au début des années 2010 et cette progression est lié au développement économique qu’a connu le pays durant ces années. Nous avions des niveaux de croissance que ne nous trouvions pas dans d’autres marchés de la région. La croissance du marché était carrément à deux chiffres. Cependant, ce qui est recherché essentiellement par l’ensemble des acteurs du marché est que l’Algérien puisse être protégé par des couvertures d’assurance et/ou accéder à des produits d’assurance. Il s’agit ainsi d’aller au-delà de ce qui est proposé actuellement afin de rendre les différentes couvertures d’assurance accessibles à tous les ménages.
H. N. A.