Les Algériens n’avaient pas prévu de faire la fête en ce mois de décembre 2021. Mais la coupe arabe des nations s’est invitée dans l’agenda et ce qui devait être un tournoi de gala et une répétition générale du Qatar à une année de la coupe du monde, s’est transformé en compétition qui a tenu en haleine tout le monde arabe. Le 18 décembre, les Verts, version remaniée, ont soulevé le trophée. Une autre réalisation qui s’ajoute au palmarès du football algérien qui confirme ainsi son réveil amorcé il y a un peu plus d’une décennie.
Par B. Titem
Le sacre de l’Algérie est d’autant plus surprenant que l’équipe nationale est partie au Qatar sans ses armes principales, soit son excellent coach Djamel Belmadi et ses joueurs vedettes évoluant dans de grands clubs européens, Ryad Mahrez, Ismaël Bennaceur, Saïd Benrahma, Sofiane Feghouli et les autres…
La compétition, organisée par le Qatar à un an de « son » mondial et reconnue pour la première fois par la FIFA, était sans intérêt pour le public algérien. Et pour cause, en juillet 2020, lorsqu’elle a reçu l’invitation pour prendre part au tournoi, la Fédération algérienne de football (FAF) n’a pas décliné mais a fait savoir qu’elle ne dépêchera pas son équipe première.
Lorsque l’entraîneur de l’EN A’, l’ancien international Madjid Bougherra, dévoile sa liste pour la coupe arabe, une semaine seulement avant le coup d’envoi, beaucoup avaient compris que les Verts n’iront pas à Doha pour faire de la figuration, sans toutefois miser sur leurs chances de revenir avec le trophée.
L’EN A’ est habituellement composée de joueurs évoluant dans le championnat national. Avant cette coupe arabe, elle a réalisé de bons résultats en matchs amicaux, battant notamment le Liberia, la Syrie, le Burundi et le Bénin, et ne s’inclinant qu’une seule fois, face à la Nouvelle-Zélande.
Mais Bougherra va concocter un groupe inédit, ne retenant que cinq éléments évoluant en Algérie (Draoui, Mrezigue, Medjadel, Bouguerra et Zerrouki). Les 18 autres éléments convoqués jouent tous à l’étranger, dans les pays du Golfe, au Maghreb et en Europe.
Suspense et images inoubliables
Surtout, le coach a pris le soin de renforcer son groupe par des éléments chevronnés de l’équipe première, dont certains constituent des pièces-maîtresses pour Djamel Belmadi : le gardien Raïs M’bolhi, Youcef Belaïli, Baghdad Bounedjah, Djamel Benlamri, Hocine Benayada et le revenant Yacine Brahimi. La liste est complétée par des prétendants à une place chez les A et l’alchimie a merveilleusement fonctionné.
L’équipe d’Algérie arrive au Qatar dans la peau d’un sérieux outsider tout au plus, devant l’Egypte, l’Arabie Saoudite, le Maroc, la Tunisie ou le pays organisateur qui se sont présentés avec tous leurs atouts ou presque.
L’aventure commence pour les Verts par un match facile et sans intérêt face au Soudan (4-0) puis un autre un peu plus disputé devant le Liban (2-0). A partir de la troisième rencontre du premier tour, la compétition s’emballe et l’engouement ira crescendo jusqu’en finale. L’Algérie rencontre l’Egypte dans un derby nord-africain décisif pour l’octroi de la première place du groupe. Au bout du suspense (1-1), les poulains de Bougherra perdent la tête de la poule à la différence des cartons reçus.
Le quart de finale face au Maroc s’annonce explosif dans un contexte de crise politique entre les deux pays. Après un autre suspense insoutenable (2-2) et un but venu d’ailleurs de Youcef Belaïli, les Verts passent aux demies aux tirs au but. A Alger, dans toutes les villes algériennes et même à Paris, c’est l’explosion de joie.
Face au Qatar, le ticket pour la finale se joue également au bout de la nuit, avec cette fois un scénario hitchcockien : 9 minutes d’arrêts de jeu, égalisation du Qatar, puis 9 autres minutes et penalty transformé en deux temps par Belaïli. 2-1 pour l’Algérie qui retrouve la Tunisie pour une explication ultime. Là encore, suspense et émotions fortes. Les Verts gagnent après prolongations (2-0).
La difficulté des matchs, la qualité des adversaires et l’engouement suscité dans tout le monde arabe donnent au sacre un goût particulier. Les Algériens ont renoué avec les grands moments de communion avec leur équipe nationale, comme lors de la victoire sur l’Allemagne en coupe du monde 1982, l’épopée d’Omdurman en 2009 ou le sacre en coupe d’Afrique en 2019. Les images du retour des joueurs, la nuit, sont tout simplement sublimes.
Ce qu’il faut retenir
Que faut-il retenir d’un tel parcours ? Plein de choses, mais surtout cette réalité désormais indéniable : le football algérien se porte plus que jamais bien. Avec quasiment son équipe B, l’Algérie a dominé tout le gotha nord-africain et le pays organisateur avec sa pléiade de joueurs naturalisés. Depuis la qualification au mondial 2010, l’Algérie est revenue au devant de la scène. Même si elle a raté le rendez-vous russe en 2018, elle a pris part à deux coupes du monde (2010 et 2014), gagné une CAN (2019) et remporté cette coupe arabe 2021. Aujourd’hui, elle n’a pas une équipe conquérante, mais deux. Rares sont les pays qui peuvent prétendre à une telle réalisation.
Ce retour, l’Algérie le doit, certes, à l’apport des joueurs binationaux, mais aussi en partie à des éléments formés en Algérie. L’autre enseignement de cette coupe arabe est que tout n’est pas à jeter dans le championnat national. La plupart des artisans de cet exploit y ont fait leurs classes, à l’image de Belaïli, Bounedjah, Sayoud, Benlamri, Chetti, Benayada, Bendebka, Meziani, pour ne citer que les plus en vue.
De quoi entrevoir l’avenir avec encore plus d’optimise ? Sans doute, puisque ce tournoi arabe a montré que le vivier du football algérien est riche et la relève assurée tant sur le plan de l’encadrement que celui des joueurs. Le coach Madjid Bougherra est sur la voie de Djamel Belmadi et beaucoup de ses éléments peuvent fournir des solutions pour l’équipe A à l’avenir. Les défenseurs Lyes Chetti et Amine Tougai, ainsi que le milieu Sofiane Bendebka ont déjà réservé leur place pour la CAN et Yacine Brahimi a assuré son retour, en attendant d’autres pour les prochaines échéances. Bref, l’Algérie a tout gagné pendant ce tournoi qatari.
B. T.