En lançant Al24news, les pouvoirs publics comptent sur ce redoutable outil médiatique à l’effet d’accompagner le renouveau diplomatique de l’Algérie, portant sa voix partout dans le monde. Se voulant la vitrine de l’Algérie ; elle vise à être un canal de soutien aux intérêts diplomatiques, politiques, économiques, sociaux et culturels du pays à l’étranger.
Un tel média d’envergure, qui aurait dû être lancé depuis longtemps a le mérite d’être là aujourd’hui afin de renforcer la position de l’Algérie dans le paysage médiatique du Maghreb et du monde arabe et y de concurrencer les grandes chaînes médiatiques arabes et internationales opérant dans la région, entre autres, Al Jazeera, France 24, BBC World News, RT, CNN International…
Lancée le 1er novembre dernier, un choix volontariste et hautement symbolique, cette chaîne d’information en continu, dans les trois langues, arabe (60%), française (35%) et anglaise (5%), sera à coup sûr une «révolution médiatique dans le paysage audiovisuel arabe et maghrébin», promet son directeur général, Salim Aggar. Pour ce faire, celui-ci, en homme des médias averti, compte réunir toutes les conditions de réussite.
D’abord matérielles, avec le soutien signifié des hautes autorités du pays et des entités économiques publiques et, ensuite, en matière de ressources humaines avec une stratégie basée sur le souci de construire la chaîne sur de nouvelles bases et de nouveaux modèles. Car, pour Salim Aggar, il ne sera pas question que Al24news soit une «sélection» de journalistes faisant les beaux jours des networks arabes puisque seuls deux à trois d’entre eux seront sollicités à l’effet de constituer cette «valeur ajoutée» à la jeune génération de journalistes algériens. Désormais, avec Al24news, l’image de l’Algérie à l’étranger sera l’œuvre de ses enfants. Dans l’entretien qui suit, le Dg d’Al24news en dit plus.
Entretien réalisé par Hacène Nait Amara
Vous venez de lancer AL24 News, pourquoi maintenant, précisément ?
Al 24 News est un projet qui était initié il y a presque une année. Je pense que pour des considérations techniques et logistiques, il n’a été lancé que maintenant. Ce genre de projet doit être réfléchi et planifié afin d’être mis sur pied. C’est vrai que j’ai pris le train en marche deux mois avant son lancement. Disons que j’ai construit l’équipe rédactionnelle, j’ai créé la thématique et la ligne éditoriale et j’ai lancé la chaîne le 1er novembre date symbolique pour l’Algérie afin de lancer cette opération d’envergure nationale ou internationale. Je pense que la symbolique est forte et le 1er novembre symbolise la révolution et nous voulons justement installer une révolution médiatique dans le Maghreb et dans le monde arabe.
Comment comptez-vous vous y prendre pour concrétiser les objectifs assignés à ce projet ?
D’abord, le principal objectif est l’installation d’une chaîne internationale. Vous savez qu’une chaine pareille n’est pas comme une chaine news, c’est une chaîne qui s’intéresse à toute l’actualité à travers le monde et pas seulement à celle du pays, ce qui nous tient à cœur dans notre pays, du moment que l’Algérie est considéré comme un vivier de journalistes audiovisuels. La majorité des grands journalistes des chaînes de télévisions étrangères comme, Al Jazeera, Al Arabiya, France 24…ou encore RT sont des Algériens et Algériennes. Donc pourquoi pas une chaîne internationale lancée par des Algériens et surtout installée en Algérie.
Dans quelles proportions cette nouvelle chaîne est- elle indépendante de l’EPTV ? Peut-il y avoir des relations étroites ou des relations tout court entre les deux structures ?
Bien sûr qu‘il y aura des relations étroites entre les deux établissements. N’oubliez pas que Al24news a un statut public, donc régi par la même loi et la même structure que l’EPTV, sauf que nous ne dépendons pas de l’EPTV. Nous sommes une EPE indépendante de la télévision publique mais qui œuvre dans le même sillage que l’EPTV, soit rehausser l’image du pays dans le concert des nations et offrir une visibilité de l’Algérie à l’extérieur. Chose que fait l’EPTV partiellement à travers Canal Algérie mais également A3. Mais nous avons une vision plus ouverte, plus globale sur le monde. Nous nous inscrivons dans le même sillage que Al Jazeera, France 24 ou Russia Today. Une chaîne de télévision qui a une ambition internationale avec des capitaux publics et pourquoi pas des capitaux privés.
Vous avez l’ambition de révolutionner, comme vous l’avez déjà indiqué, le paysage audiovisuel arabe et maghrébin. Peut-on avoir une idée sur la stratégie que vous comptez adopter pour vous permettre de vous démarquez, voire vous distinguez, pour conquérir les téléspectateurs de la région ? Cela sachant encore que la toile et les réseaux sociaux passent de facto pour les plus grands concurrents des médias classiques.
C’est tout à fait normal. Nous, nous avons une stratégie plus globale, c’est-à-dire viser tous les écrans, soit l’écran de télévision à travers celui de Al 24news mais également le digital et tout ce qui est réseaux sociaux. Nous avons une page face book, twitter et une chaîne youtube et bien sûr un site internet et nous avons l’ambition de conquérir tous les espaces d’expression modernes et globales et, bien entendu, nous misons sur la télévision qui est la locomotive de ce média. Nous envisageons également de conquérir le téléspectateur maghrébin d’abord car c’est notre espace traditionnel. Et Al24news est considérée comme l’unique et première chaîne internationale dans le Maghreb, car il n’existe pas de chaîne de télévision internationale ni en Tunisie ni au Maroc. Al24news est une chaîne à visée internationale qui ambitionne de se frayer une place dans l’espace médiatique audiovisuel méditerranéen. Nous nourrissons également l’ambition de conquérir le téléspectateur maghrébin, que ce soit au Maghreb ou en Afrique, à travers nos programmes en français et en anglais.
Le pourcentage des programmes en arabe est d’environ 60%, ceux en français variant entre 30% et 35% et ceux de l’anglais varient entre 5% et 10%. Ces deux derniers programmes sont destinés pour les pays africains et les pays voisins qui maitrisent la langue de Shakespeare et capter en partie l’audimat du paysage audiovisuel francophone qui s‘exprime dans la langue de Molière.
Et pour ce qui est de la grille des programmes. Pouvez-vous nous en parler (journaux et bulletins d’informations, émissions, etc.…)
Nous avons une grille assez conséquente. Nous n’avons que quelques jours d’existence. Nous avons lancé des programmes composés essentiellement de journaux télévisés, au rythme d’un journal par heure, sauf le soir avec un journal à 20h et un autre à minuit.
Nous avons également des émissions qui sont déjà lancées comme « Décryptage » animée par Nabila Hocine qui s’intéresse au décryptage de la scène politique et diplomatique, « Kharidj Tahrir » animée par Said Mokadem qui s’intéresse, quant à lui, à la scène politique. Nous avons également « Stade 24 », une émission sportive en français, animée par Maâmar Djabbour et « Insight », une émission économique animée par Ahmed Lahri.
Bien entendu, nous avons d’autres émissions et d’autres journaux en chantier et des magazines comme le journal culturel, économique mais également le journal africain présenté par un malien au nom de Mamadou et un journal du Moyen Orient présenté par une journaliste syrienne Halla Chami. Nous avons également l’ambition de multiplier les nationalités pour donner à Al24news une dimension internationale et attirer le public des pays du bassin méditerranéen.
Estimez-vous avoir tous les moyens matériels, techniques et humains pour placer Al24news parmi le gotha mondial et faire contrepoids aux ténors dans le domaine audiovisuel ?
Dieu merci, je pense que l’Etat algérien a donné tous les moyens à Al24news, moyens logistiques, humains et financiers. Nous avons le soutien de l’Etat mais aussi celui des opérateurs économiques publics et celui du ministère de la communication, notre tutelle et celui de tous les ministères qui travaillent en étroite collaboration avec Al24news, à commencer par le ministère des affaires étrangères. Nous considérons que Al24news est le porte-voix de la politique algérienne, culturelle, diplomatique, économique et même médiatique à l’étranger. Al24news bénéficie d’un budget assez conséquent pour mener à bien sa mission de chaîne internationale et titiller un petit peu des chaînes qui ont du terrain, de l’espace et du parcours comme Al Jazeera, Euronews, France 24, RT ou d’autres chaînes dans le même sillage. Nous n’envisageons pas de concurrencer ou de détrôner qui que ce soit, mais de nous placer dans le paysage audiovisuel régional et international. D’abord dans l’espace maghrébin qui est le nôtre, dans le monde arabe et par la suite dans le monde et devenir une chaîne préférée du téléspectateur du bassin méditerranéen et même dans le continent africain.
Le public ciblé à travers ce projet serait celui des sphères arabe et africaine…
Oui, entre autres mais aussi européen ou une partie de l’Europe. Pour l’instant, nous sommes sur Nilesat, donc nous avons la région Mena et une partie du sud de l’Europe, la France, l’Espagne et l’Italie. Mais à long terme, nous allons développer la chaîne pour la rendre un groupe composé de trois chaînes Al24news arabic, Al24news Français, Al24news Anglais. L’idéal est de se développer à long terme. Aujourd’hui, nous sommes dans une période d’essai de deux à trois mois, ensuite nous allons passer à l’international en ouvrant des bureaux et en installant des correspondants à travers le monde, d’abord en Europe et dans le monde arabe par la suite. Parmi les capitales choisies, il y aura Paris, Washington, Bruxelles, Londres, Moscou, le Caire, Istanbul, des capitales importantes qui abritent des organisations internationales. Nous objectons d’avoir des correspondants dans une vingtaine de capitales durant les trois premières années mais également dans certaines villes comme Gaza et Ramallah, une démarche qui entre dans le cadre de notre défense de la cause palestinienne.
Votre action ne s’inscrit-elle pas dans le sillage des orientations du président de la République de défendre la diaspora où qu’elle soit comme il l’a instruit lors de la rencontre avec les ambassadeurs et les représentants des missions consulaires du pays à l’étranger ?
Nous travaillons en étroite collaboration avec le ministère des Affaires Etrangères et de la Communauté Nationale à l’Etranger dont le premier responsable, Ramtane Lamamra, avait accordé une interview à notre chaîne lors de cette rencontre avec les ambassadeurs via laquelle il nous a signifié sa disponibilité et exprimé ses attentes de notre chaîne qui sera au service du pays ici ou à l’étranger, et nous défendrons l’Algérien où qu’il soit.
La récente rencontre du président avec nos diplomates est un indice très fort qui encourage le lancement de notre chaîne car elle s’inscrit en parfaite ligne droite avec nos ambitions et nos objectifs, c’est-à-dire, porter la voix de l’Algérie à l’étranger et, surtout, défendre les intérêts du pays à l’extérieur.
Peut-être des émissions à destination de notre diaspora ?
Tout à fait. Nous avons déjà une émission en langue arabe et en langues française et anglaise, Tribune ouverte pour les Algériens établis à l’étranger. Notamment à travers skype. Ils pourront également intervenir dans des émissions spécialisées et des débats. Notre objectif est d’offrir une tribune aux Algériens pour s’exprimer mais aussi montrer leur savoir-faire, leurs succès et leurs success-story.
Pour quand la vitesse de croisière ?
Il faudra attendre, je crois, deux ans, voire même cinq ans pour avoir un retour sur investissement. Mais notre première année sera décisive car c’est celle de l’installation de l’investissement. Le retour sur investissement s’étalera sur deux ou trois ans. La croissance se manifestera à partir de la cinquième année. Vous savez, Al Jazeera a 25 ans et d’autres ont plusieurs années d’âge. Certaines chaînes ont marché doucement, d’autres qui ont décollé au bout de la quatrième ou cinquième année. Ce sont les événements et surtout le traitement particulier et professionnel de l’information, qui font décoller la chaîne.
Faire une chaîne, c’est bien mais il ne faut pas oublier la véritable mission, le traitement de l’information et ce que vous présentez aux téléspectateurs. Il faut qu’on soit crédibles, agressifs et forts sur le train. Il faut récolter l’information, la vraie information et offrir un produit crédible et digne de la confiance placée en nous.
Verra-t-on des journalistes qui brillent sous d’autres canaux cathodiques étrangers intégrer Al24news ?
Ce n’est pas dans notre ambition de récupérer les journalistes algériens des autres chaînes. Khadidja Bengana restera toujours l’icône d’Al Jazeera. Mais je pense qu’il faut profiter du savoir-faire de ces icônes en les sollicitant pour la formation de nos journalistes. Dans le monde audiovisuel, je crois qu’il est important de créer ses propres icônes, ses propres vedettes. C’est vrai que nous avons besoin de l’expérience de Kamal Allouani, de Hafid Derradji mais il ne faut pas oublier qu’une nouvelle chaîne doit se construire, construire son image, ses hommes et ses femmes. Il n’est pas exclu qu’on récupère un à deux grands noms de l’audiovisuel algérien à l’étranger. Mais Al24news ne sera pas une sélection de journalistes algériens installés dans les networks arabes. Nous allons solliciter un ou deux journalistes qui constitueront une valeur ajoutée à la jeune génération de journalistes algériens et travailler pour construire la chaîne sur de nouvelles bases et de nouveaux modèles, une génération basée sur l’écran global : la télévision, l’internet et les réseaux sociaux.
H. N. A.