Le Cercle d’Action et de Réflexion autour de l’Entreprise (CARE) avait à maintes fois appelé à la construction d’un consensus national dans la perspective de la libération du potentiel de création des entreprises et en prévision de la nécessaire diversification des activités.
Globalement, ces appels visaient l’élaboration d’un modèle de gouvernance économique transparent, responsable et équitable.
Dans le contexte actuel, le CARE considère urgent, d’une part le besoin de se concerter et de rapprocher les points vue des uns et des autres sur l’enjeu des réformes économiques, d’autre part de tracer une feuille de route pour le développement économique à moyen terme. Dans cet esprit, le CARE a organisé le 22 juillet écoulé à l’hôtel Sofitel à Alger, dans le cadre de ses matinales économiques, une initiative pour l’élaboration d’une feuille de route pour le développement économique préliminaire et concertée qui pourrait servir à définir les prochaines politiques de développement et d’évaluation de l’action gouvernementale. Dans cet objectif, trois groupes d’experts se sont succédé et ont animé des tables rondes constitués autour de trois thèmes : Quelles mesures pour préserver et régénérer les grands équilibres budgétaires et de balance des paiements ? Comment assainir le climat des affaires et relancer la dynamique des investissements dans le sens de la diversification économique ? Et en fin, quelles initiatives pour une mise à jour du cadre de gouvernance économique et de l’éthique des affaires ?
L. M.
AVIS DES EXPERTS
Rachid Sekak Consultant international en Finances
«Consolidation des finances publiques : enjeu immédiat pour sortir de l’économie de rente»
La consolidation des finances publiques, selon le Consultant international en Finance, Rachid Sekak, demeure un des enjeux immédiats pour sortir de l’économie de rente. Celle-ci a pour objectif, dit-il, de réaliser une meilleure maitrise des dépenses courantes de l’Etat. Une refonte progressive mais totale du système de protection des populations les plus vulnérables, explique le consultant en finance. La consolidation des finances publique a pour but également, confirme-t-il, de permettre une meilleure efficacité des investissements publics, une meilleure collecte d’impôts et imposer des règles d’efficience aux entreprises publiques dont le soutien actuel par le Trésor est très substantiel. Ça permet par ailleurs, souligne-t-il, de lever les tabous à la cession d’actifs publics et ouvrir le capital de certaines entreprises publiques.
Rachid Sekak a fait référence par ailleurs, lors de son intervention, à la relance de la production et des exportations dans le domaine hydrocarbure. Car, explique-t-il, il est d’un accroissement significatif de l’effort d’exploration, le respect du calendrier de mise en œuvre des nouvelles capacités de production après leurs découvertes, une substantielle rationalisation de la consommation locale pour accroitre les volumes exportés, le développement des énergies renouvelables, la nécessité d’une réduction sensible des couts et d’une meille ure efficience de la compagnie nationale des hydrocarbures (Sonatrach). Sans autant négliger, indique-t-il, l’amélioration de la gouvernance et reformes structurelles. Car, explique Rachid Sekak, l’enjeu de la gouvernance économique passe par la reconstruction d’une capacité d’analyse prospective et par le recentrage de l’appareil administratif et le développement d’une nouvelle philosophie du service public. Pour le consultant international en Finance, la réforme du secteur bancaire et financier demeure aussi indispensable. Ceci se fait, dit-il, à travers la consolidation de l’indépendance de la Banque d’Algérie. La révision totale de la gouvernance des banques publiques, l’audit complet de cohérence puis un relâchement progressif du contrôle des changes, le développement de produits financiers adaptés à la spécificité des PME, mettre fin progressivement à la situation de répression financière, et enfin, le développement massif et immédiat des moyens de paiement modernes.
L. M.
Souhil Meddah, analyste Financier
«Vers une reconfiguration totale
des facteurs déclencheurs d’une nouvelle orientation économiques»
En analysant la composante et la tendance des différents soldes intermédiaires de la balance des paiements, ou ceux qui cadrent l’équilibre budgétaire, il devient indispensable, indique Souhil Meddah, analyste Financier, d’opter pour une reconfiguration totale ou partielle des facteurs déclencheurs pour préparer une nouvelle orientation des priorités économiques. A ce titre, a-t-il ajouté, il est nécessaire de revenir sur quelques indicateurs clés à savoir: Le poids du déficit public, sa maitrise ou son financement; Le rôle de la demande publique sur l’évolution dans la constitution des indicateurs de croissance (modèle Keynésien qui a trop duré dans le temps); par rapport à sa baisse conjoncturelle de cette demande publique; Une fiscalité ordinaire limitée; Le rôle et les imperfections du système des subventions; Le niveau des échanges internationaux dans son cadre bilatéral; Le déficit structurel de la Caisse Nationale des Retraites CNR; Le déficit cyclique des entreprises publiques; L’équivalence monétaire entre le Dinar et les autres monnaies, comme instrument de mesure pour les agrégats des ressources et des emplois. La sous-capitalisation des sociétés privées; Des modèles ou des instruments de financement qui sont à la fois limités et insuffisants par rapport aux besoins des secteurs et des débouchés et enfin une économie en partie, sinistrée par l’administration publique. Selon Souhil Meddah, il existe des mesures à la fois d’ordre macro et microéconomiques qui poussent les décideurs à s’ouvrir sur les quelques pistes de réflexions. Pour ce qui est des mesures de performances macroéconomiques, il est nécessaire, dit-il, de se doter d’une prospective pour définir le futur projet de société, en identifiant les potentialités actuelles ou futures tenant compte des orientations géostratégiques, économiques, monétaires et en traçant sur cette base des objectifs précis sur le très court termes, le court termes, le moyen et le long termes. Recadrer, par ailleurs, ajoute-t-il, les relations bilatérales dans les relations avec les pays ayant un déficit bilatéral important dans un aspect qui passe par les groupes d’importations. II est question, également, complète-t-il, de remettre à niveau le cadre général et les règles des IDE afin de soutenir les ressources de la balance des paiements.
Concernant les mesures microéconomiques, il est important, souligne Souhil Meddah, de redéfinir le rôle des instruments en private equity, dans la politique d’aide à la création des investissements. Il est ainsi, opportun de mettre un terme aux bonifications des taux d’intérêt et passer vers une réduction du taux directeur de rémunération, d’intérêt ou d’escompte, pour soutenir la politique d’industrialisation dans un cercle consolidé, a-t-il soutenu. Aussi, a-t-il souligné, il est préféré de limiter les dotations accordées aux entités publiques et les remplacer par les instruments du marché et faire des appels publics, réguliers et périodiques, à l’épargne pour des financements obligataires ciblés. La monétisation de la contrepartie des services offerts par les infrastructures réalisées ou en cours de réalisation et la reconfiguration des instruments de la couverture sociale en imposant des bases cotisables minimales flexibles et progressives en fonction du statut et de l’âge des employés concernés, sont entre-outre, deux points important déterminés par l’expert. Il est question, par ailleurs, de s’appuyer sur un marché de compensation en OPCVM pour les retraites (entre l’offre et la demande) et enfin alléger certains dispositifs conflictuels inscrits dans le code de travail, a-t-il conclue.
L M.
Mourad Goumiri, économiste
«Le pays n’est plus en mesure d’assurer des niveaux de dépenses fortes»
Selon l’économiste Mourad Goumiri, le problème de l’équilibre budgétaire est lié au fait qu’il est un déséquilibre entre les dépenses et les recettes. Il a souligné, dans ce sens, qu’il est urgent de revenir à cette réalité que le pays n’est plus en mesure d’assurer des niveaux de dépenses aussi fortes avec des recettes extérieures qui s’amenuisent de plus en plus. D’où, pour ce dernier, dit-il, de procéder à des coupes budgétaires devient impératif. En commençant par revoir la politique des subventions. Une politique qu’il serait suicidaire de maintenir à son niveau actuel. Faisant référence, en ce sens, que si les compagnie publiques à savoir Sonatrach et Sonelgaz ont été jusqu’ici les seules entreprises à être sollicitées pour soutenir les politiques de subventions, elles ne pourront plus le faire car affichant toutes deux des chiffres d’affaires en baisses sensibles, notamment chez la compagnie pétrolière, où la production est en baisse». L’économiste a regretté, le fait qu’’aucune instance ne s’est penchée sur le besoin d’intervenir immédiatement.
Pour ce qui est des recettes, Mourad Goumiri, indique que les seules recettes que nous pouvons espérer c’est celle du marché informel. «Nous nous ne pouvons pas augmenter d’impôts pour les entreprises ou pour le consommateur. Le taux d’impôt est déjà assez important. Les personnes ne pourront plus résister et les entreprises vont fermer les portes dans le cas où l’impôt augmente davantage», a-t-il déploré. Il a soulevé, dans cette optique, la répercussion du marché de l’informel sur l’économie nationale: «Il reste cette masse énorme du marché informel qui envahie tous les secteurs et systèmes et qui elles ne paient pas d’impôts…». Donc, d’après les appuis de cet expert, «il faut encadrer ces personnes qui activent dans l’informel, leur mettre des ponts pour qu’ils puissent intégrer la sphère du marché formel».
L. M.
Ali Harbi, consultant en stratégie de développement et de la gouvernance
« Nécessaire construction d’un consensus sur les questions économiques»
Le Cercle d’Action et de Réflexion autour de l’Entreprise (CARE) a eu l’initiative de regrouper des experts et consultants autour d’une table ronde ayant pour thème : «Quelles priorités pour une feuille de route économique pour l’Algérie à l’horizon 2022 ?» Selon Ali Harbi, consultant en stratégie de développement et de la gouvernance, Ies experts ont débattu et échanger les points de vue sur la situation économique de l’Algérie et ont défini les pistes adéquates pour faire face aux urgences économiques notamment la dégradation de la situation socioéconomique du pays. «Nous avons organisé cette table ronde dans trois panels, le premier a discuté les grands axes de l’équilibre financier, le second panel a soulevé la question des climats des affaires et la relance de l’appareille économique, le troisième panel a abordé la question de la gouvernance économique et l’éthique des affaires». L’objectif de cette rencontre, indique Ali Harbi, consiste à construire un consensus sur les questions économiques et créer une sorte de convergence sur les différentes propositions de l’ensemble des intervenants. Des pistes de travail vont être identifiées pour terminer, par la suite, avec des recommandations qui serviront à définir les prochaines politiques de développement et d’évaluation de l’action gouvernementale. «À travers ces différentes propositions nous comptons accompagner le futur gouvernement grâce aux cadres de références et de convergences, qui vont être soumises à un débat public (gouvernement, société civile et parties politiques), et seront définies par l’ensemble des experts participants à cette plate-forme de propositions», a précisé Ali Harbi.
L. M.